
La nouvelle Garde des Sceaux Rachida Dati lors de sa visite au tribunal de Bobigny le 22 juin a dit vouloir « conduire la politique de fermeté que les Français attendent ». En vertu des engagements pris par N.Sarkozy lors de la campagne présidentielle deux chantiers majeurs du droit pénal vont être engagés et discutés devant le Parlement cet été : 1. L’instauration de peines plancher pour les crimes et délits commis en état de récidive légale. 2. L’inapplicabilité de l’atténuation des peines prévues pour les mineurs de 16 ans pour les délits et crimes les plus graves commis une nouvelle fois en état de récidive légale. Le projet de loi « renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs » veut ainsi « donner dans la loi des indications claires quant à la volonté du législateur pour le traitement de la récidive, tout en laissant au juge le soin de procéder aux distinctions nécessaires au regard des circonstances d’espèce ».
A la lecture du projet, on est loin des intentions du Président de la République d’instituer des véritables peines plancher, en deçà desquelles aucune peine n’eut été prononçable. Craignant la censure du Conseil constitutionnel, N. Sarkozy a du reculé. En effet, le juge constitutionnel, en se fondant sur l’art. 8 DDHC (principe de nécessité et de proportionnalité de la peine) protège le principe d’individualisation des peines. Ainsi une peine est prononcée en fonction du profil sociologique du délinquant. Les juges disposent d’une faculté discrétionnaire dont ils ne doivent aucun compte. Le nouveau projet de loi veut modifier cette donne. Celui-ci précise par exemple que « pour les crimes commis en état de récidive légale, la peine d’emprisonnement (…) ne peut être inférieure aux seuils suivants : 5 ans si le crime est puni de 15 ans de réclusion ou de détention ; … ; 15 ans si le crime est puni de réclusion ou de la détention à perpétuité… ». Toutefois, le texte précise que le juge peut prononcer une peine inférieure à ces seuils « en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou de garanties d’insertion ou réinsertion ». Et en cas de deuxième récidive, le projet poursuit que « seules des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion » (!) peuvent permettre au juge de prononcer une peine en deçà des seuils fixés.
Pour les mineurs, le texte veut assouplir l’effet de l’excuse de minorité dont ils bénéficient en cas de nouvelle commission d’infraction en état de récidive. Là aussi, la décision appartient au juge qui peut ou non appliquer cette disposition.
A noter que pour les majeurs comme pour les mineurs, dans le cas où le juge n'estime pas adaptées les peines plancher, il est tenu de MOTIVER sa décision. Autant dire qu'au regard des conditions de travail des magistrats qui croulent sous les dossiers, ils seront parfois contraints (de fait) de se soumettre aux seuils fixés par la loi.
L’intention du nouveau chef de l’Etat est claire : sous couvert de l’instauration de peines plancher visant à lutter contre la récidive, un discours de fermeté et de sévérité est envoyé aux magistrats contre leur « démission et leur laxisme » (dixit Sarkozy sur les juge du Tribunal de Bobigny). Deux commentaires me paraissent opportuns :
1. Sur la récidive : je veux reprendre ici un propos de Pascal Remilleux publié sur le blog Dalloz : « Ainsi, on nous indique que « Le nombre de condamnations en récidive a augmenté de 68,5% en 5 ans, passant de 20 000 en 2000 à plus de 33 700 en 2005. En 2005, 4500 personnes ont été condamnées en récidive pour crimes ou délits violents, soit une augmentation de 145 % par rapport à l’année 2000. La délinquance des mineurs suit également cette tendance. Une étude récente montre que 30,1 % des mineurs condamnés en 1999 ont récidivé dans les cinq années suivantes ». Avant de tirer des conséquences sociologiques puis juridiques d’une statistique, encore faut-il, la présenter dans son intégralité avec des éléments de définition, de contexte et de comparaison : ici, a minima, on aurait dû ajouter aux chiffres donnés par le garde des Sceaux pour justifier son projet de loi, qu’en 2005, les juridictions ont prononcé 3 232 condamnations pour crimes et 521 118 pour délits, alors même qu’en 2000 il y avait eu 441 312 condamnations prononcées pour délit et 3 610 pour crime. Certes, la hausse (+13 700) de condamnations prononcées en état de récidive est bien réelle, mais doit être ramenée à la hausse générale des condamnations (+79 428)… La conclusion (provisoire) est tout autre que celle de l’exposé des motifs : la hausse en valeur absolue des condamnés en état de récidive s’inscrit dans une augmentation globale des condamnations. Cette dernières ayant elle-même de nombreuses interprétations possibles : est-ce uniquement l’indice d’une hausse des faits, donc du nombre de victimes, ou aussi (mais dans quelle proportion ?) l’indice d’une meilleure productivité de la justice pénale qui peut désormais absorber davantage d’affaires dans des délais plus courts ? »
2. Sur la fermeté de la peine. Les chiffres le montrent. Une peine plus sévère n’est pas forcément plus dissuasive. Le gouvernement actuel au lieu d’accompagner le délinquant lors de sa remise en liberté, ou de privilégier les mesures de libération conditionnelle veut augmenter le quantum des peines.