Sur la
distinction entre nullité relative et nullité absolue : il faut noter
que depuis la loi du 17 juin 2008 et l’alignement des délais de prescription (5
ans), la distinction a nettement perdu de son intérêt.
1°
Fondements de la distinction :
-
Critère de la gravité : comparaison du contrat avec le corps humain.
S’il fait défaut au contrat un organe important (contrat mort-né), il s’agit
alors d’une nullité absolue. Si au contraire, le contrat ne souffre que d’une
maladie curable, alors il s’agit d’une nullité relative.
-
Critère de la finalité (critère aujourd’hui retenu) : Thèse de JAPIOT.
C’est la nature de la loi contrariée qui détermine la nullité. S’il s’agit
d’une loi impérative = nullité absolue ; s’il s’agit d’une loi protectrice
= nullité relative.
2° La
nullité relative :
-
Sanction
du contrat qui a méconnu une règle censée protéger un intérêt particulier.
-
Cas
de nullités relatives : incapacité, erreur, dol, violence, absence de
cause (Civ. 1ère, 9 novembre 1999 : l’absence de cause est un
vice du consentement qui ne peut être invoqué que par la personne dont la loi a
entendu assurer sa protection ; en l’espèce contrat d’assurance).
-
Principales
caractéristiques : a) ne peut être invoquée que par certaines personnes, b)
se prescrit plus vite (!! depuis la loi du 17 juin 2008 = alignement de la
prescription de la nullité absolue sur le délai de la nullité relative) et c)
peut être confirmée.
-
Les
demandeurs : a) en principe seule la personne que la loi a entendu
protéger peut agir (cf : la
nullité relative sanctionne la violation d’un intérêt particulier). Mais
extension : b) les héritiers, c) les créanciers (action oblique), d) le
juge peut également soulever d’office certaines nullités (en matière de clauses
abusives, CJCE, 27 juin 2000).
-
Prescription :
délai de 5 ans + point de départ.
o Principe
général => art. 2224 : Les actions personnelles ou mobilières se
prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu
ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
o Précisions => Art.
1304 : Dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une
convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette
action dure cinq ans. Ce temps ne court dans le cas de violence que
du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils
ont été découverts. Le temps ne court, à l'égard des actes faits par un
mineur, que du jour de la majorité ou de l'émancipation ; et à l'égard des
actes faits par un majeur protégé, que du jour où il en a eu connaissance,
alors qu'il était en situation de les refaire valablement. Il ne court contre
les héritiers de la personne en tutelle ou en curatelle que du jour du décès,
s'il n'a commencé à courir auparavant.
3° La
nullité absolue :
-
Sanction
du contrat qui a méconnu une règle censée protéger l’intérêt général
-
Principales
caractéristiques : a) tout intéressé peut agir (+ ministère public), b)
prescription jusqu’à la loi du 17 juin 2008 de 30 ans, et c) pas de
confirmation possible.
-
Cas
de nullités absolues : absence ou illicéité de l’objet, idem pour la cause
et absence de forme dans un contrat solennel.
-
Réduction
du délai de prescription à 5 ans (sauf action réelle immobilière : délai
maintenu à 30 ans = 2227). Critiques du délai de 30 ans. Point de départ (cf.
art 2224)
Com. 23
octobre 2007
Faits : Cession de parts sociales pour un
euro symbolique. 13 ans plus tard, le vendeur assigne son cocontractant en
annulation de l’acte en se fondant sur l’absence de cause.
L’enjeu est de savoir si la nullité pour vil
prix est absolue ou relative = le délai de prescription diffère en effet
en fonction du caractère de la nullité : 30 ans ou 5 ans. Si le juge retient la
nullité absolue : action recevable ; au contraire s’il s’agit d’une
nullité relative : action prescrite.
I - Le caractère absolu de la nullité
pour vil prix
1° l’absence de cause pour vileté du prix
La vileté du prix. On sait que le prix doit être
déterminé ou déterminable et qu’il doit être sérieux. Dans un contrat synallagmatique,
la cause du vendeur est le paiement du prix par l’acheteur. Dès lors que le
prix payé n’est pas une contrepartie suffisante à l’obligation du vendeur, la
cause est affectée.
Distinction entre lésion (rescision) et nullité.
Ici aucune contrepartie (puisque versement d’un €). Une telle contrepartie peut
être néanmoins admise en fonction de la faible valeur des parts sociales
cédées. En l’espèce, le capital social de l’entreprise contenait notamment 2
places de parking à Paris, dont la valeur pécuniaire n’est pas contestable.
Aussi il ne s’agissait donc pas de parts sociales d’une société déficitaire ou
très en difficulté… pour laquelle la cession à très bas prix saurait être
admise (Com. 3 janvier 1985).
2° le choix du critère de la gravité du
vice affectant l’acte
Par cet arrêt : résurgence de la théorie
classique de la distinction nullité relative/ nullité absolue (critère de la
gravité de l’acte). L’idée étant que le prix constitue un élément essentiel de
la convention et qu’en son absence celle-ci est affectée d’un vice grave.
Position 1 : au début du 20ème
siècle, la jurisprudence a même consacré le principe d’inexistence de la vente
dépourvue de prix (Civ. 16 novembre 1932).
Position 2 : puis, (sans doute en raison
des incertitudes théoriques de l’inexistence), la Cour de cassation a retenu le
principe de la nullité absolue. Cet arrêt s’inscrit dans une longue continuité
jurisprudentielle (depuis Civ. 1ère,
17 novembre 1959).
Solution isolée : la jurisprudence a
tendance à retenir la nullité relative pour caractériser la nullité pour
absence de cause (théorie moderne de la distinction). Intérêt particulier en
jeu qu’il s’agit de protéger.
II - La portée relative de cette solution
1° une décision isolée
Position de principe de la Cour de cassation sur
l’absence de cause => nullité relative (Civ.
1ère, 9 novembre 1999 : l’absence de cause est un vice du
consentement qui ne peut être invoqué que par la personne dont la loi a entendu
assurer sa protection ; en l’espèce contrat d’assurance).
La jurisprudence et la doctrine considèrent en
effet que l’exigence d’une cause de l’obligation vise à protéger l’un des
cocontractants, victime d’un déséquilibre contractuel.
Reprise de la théorie moderne de JAPIOT, en
vertu de laquelle c’est la nature de la loi contrariée qui détermine la nullité.
S’il s’agit d’une loi impérative = nullité absolue ; s’il s’agit
d’une loi protectrice = nullité relative.
En l’espèce, l’absence de cause sur le fondement
de la vileté du prix lèse le vendeur ; c’est donc un intérêt particulier
qui est visé ici. S’il avait adopté cette grille de lecture, la Cour aurait
opté pour la nullité relative.
Position divergente entre la chambre commerciale
et les chambres civiles de la Cour de cassation qui, à la vérité, ne présente
plus beaucoup d’intérêt pratique depuis le vote de la loi du 17 juin 2008.
2° une perte d’intérêt depuis la loi du
17 juin 2008
Question de l’alignement de la durée des délais
de prescription : indifférence du caractère de la nullité. Nullité
relative ou absolue le délai d’action est le même.
En l’espèce, l’épouse n’aurait pas pu agir en
nullité (5 ans, action prescrite).
L’adoption d’un délai de prescription uniforme
simplifie donc considérablement le droit de la nullité des contrats. L’arrêt du
23 octobre 2007 le montre bien : la distinction entre la nullité relative
et la nullité absolue n’est pas aisée, même aidé par des critères fixés par la
doctrine…