lundi 30 mars 2020

Correction cas pratique thème 12 classification des biens

Rappel méthode du cas pratique. Trame :
1° Bref rappel des faits (qualification juridique)
2° Question de droit
2° Règle(s) de droit, principe tiré (exceptions éventuelles) + explication
4° Application de la règle de droit aux faits
5° Réponse à la question de droit


Eléments de correction cas pratique n°1 :
(1°) Nous sommes en présence d'un contrat de vente ayant pour objet la vente d'une maison, d'un jardin et des terres agricoles. Le contrat de vente emporte transfert de propriété entre le vendeur. M. Pierre est donc devenu propriétaire de l'ensemble des biens immobiliers prévus au contrat.
(2°) La question se pose ici de savoir si certains biens qui entretiennent un lien étroit avec les immeubles vendus sont inclus ou non dans la vente ; autrement dit, il s'agit de déterminer si par l'effet de la vente, M. Pierre est également devenu propriétaire des biens litigieux.
A défaut de stipulations contractuelles plus précises, il convient de s'en référer aux articles 516 et s. du Code civil.

1 - La fontaine en pierre.
Cette fontaine en pierre a été sculptée par l'acquéreur lui-même lors de son arrivée.
(3 et 4°) Le droit distingue les biens meubles des biens immeubles (516). Les biens meubles sont ceux qui peuvent être déplacés, alors que les immeubles concernent le sol et les choses qui y sont fixés. D'emblée, on peut donc exclure la qualification de bien meuble. En effet, la fontaine est indissociable du rocher, elle y est sculptée. De même que ne peut être envisagée la catégorie des biens immeubles par destination dans la mesure où la fontaine n'a jamais été un meuble (exclusion de 525 : effets mobiliers attachés à son fonds à perpétuelle demeure).
Il en découle que le bien litigieux est un immeuble par nature. En effet, un bien immeuble par nature peut être défini comme un bien fixe, ou un bien qui s'incorpore à un immeuble.
La jurisprudence a confirmé « que les améliorations apportées à un fonds de terre par les pratiques culturales qui ne peuvent être matériellement dissociées du fonds de terre (…) sont des immeubles par nature » (Com. 24 mars. 1981).
(5) La fontaine en question ne peut donc être récupérée par M. Jacques. Elle demeure la propriété de M. Pierre.

2 – Les dix ruches
Selon l'art. 527, les biens sont meubles par leur nature ou par la détermination de la loi. Par principe, un bien meuble peut être déplacé par la force de l'homme.
L'art. 528 précise que sont meubles par nature les animaux qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se meuvent pas eux-mêmes, soit qu'ils puissent changer de place que par l'effet d'une force étrangère. En l'espèce, une ruche peut évidemment être déplacée par la main de l'homme. Les biens en question peuvent donc être considérés comme des meubles par nature.

Néanmoins, un ensemble de biens peut former un tout, une universalité, soit comme une entité juridique complexe entendue dans sa globalité (meubles + immeubles). En l'espèce, M. Jacques a cédé un ensemble de biens meubles et des biens immeubles à M. Pierre. Il faut donc considérer le tout comme un fonds agricole.

A cet égard, un bien meuble peut être considéré comme un immeuble en raison de son lien avec un immeuble dont il constitue l'accessoire (immeuble par destination – art. 517).
Ainsi, l'article 524 contient une liste de biens, immeubles par destination, lorsqu'ils sont placés « pour le service et l'exploitation du fonds ». Le texte vise notamment « les ruches à miel ».
En l'espèce, il est question d'une dizaine de ruches, très certainement destinées à la production de miel au service du fonds. Il en découle que ces biens doivent être qualifiés de biens immeubles par destination et rattachées aux terres agricoles.
M. Jacques ne peut donc valablement en revendiquer la propriété.

3/4 – Les six tonneaux en chêne et les tracteurs
Sans qu'il soit nécessaire de reprendre le raisonnement développé pour la question des ruches, il convient d'apporter la même réponse quant au sort des six tonneaux en chêne et des tracteurs. Les premiers permettent d'élever le vin, les seconds de cultiver les terres. Il s'agit donc de biens immeubles par destination, dont la propriété échoit à M. Pierre.

5- Les statues posées à même le sol dans le jardin
Rappeler art. 528 : les corps qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre sont meubles par nature.
En l'espèce, les statues ne sont ni scellées, ni fixées. Elles peuvent donc être déplacées. Par ailleurs, elles ne sont nullement utiles à l'utilisation du fonds (écarter la qualification d'immeuble par nature). Par conséquent, il faut retenir la qualification de meuble par nature.
Ce qui signifie que M. Pierre pourra les récupérer.

6 – Statue de la vierge
Rappeler l'art. 525 (dernier alinéa). Contrairement aux statues posées à même le sol, la statue de la vierge est située dans une niche spécialement prévue à cet effet. Une statue scellée ou placée dans une niche aménagée pour la recevoir doit être qualifiée d'immeuble par destination (Civ. 3ème, 3 juillet 1968).
M. Pierre est donc propriétaire de cette statue.

7 – Huit grands vases
Huit grands vases sont posés dans le jardin sur des socles, de façon symétrique et formant une figure géométrique.
1ère étape du raisonnement : Art. 528 : les vases sont des biens meubles puisque déplaçables.
2nde étape : Mais un meuble qui s'inscrit dans un ensemble de biens et qui entretient un lien étroit avec un immeuble peut recevoir la qualification d'immeuble par destination.
S'interroger sur l'intention du vendeur. Art. 525 : A-t-il voulu attacher les objets au fonds à perpétuelle demeure ? Le fait qu'ils soient posés sur des socles et qu'ils forment une figure géométrique semblent l'indiquer. Cette question relèvera de l'appréciation des juges du fond (cf TGI Poitiers, 23 avril 1968 : dans le même cas de figure, le juge a estimé que l'ensemble formait un ensemble ornemental pour la décoration d'un parc et donc en a conclu qu'il s'agissait d'immeubles par destination).
A discuter.

Enfin la question des miroirs doit faire l'objet du même raisonnement que pour les huit grands vases.



samedi 21 mars 2020

Thème 12 : Introduction générale au droit des biens

CAPA 1 – Cours de droit civil

Thème 12 : Introduction générale au droit des biens

Plan du thème



Fichier audio du cours : https://we.tl/t-sLl88leI9f



I - La notion de biens

A  - La distinction biens/personnes

B - La distinction biens/choses

C - La distinction biens/droits



II - Les catégories de biens

A - La distinction meubles/immeubles

1 - Les immeubles

2 - Les meubles


Résumé distinction immeubles/meubles :

IMMEUBLES (immobilisation) : (1) par nature, (2) par destination, (3) par l'objet auquel ils s'appliquent (art. 517)
  • (1) Par nature : critère de fixité => le sol et ce qui y est fixé
  • (2) Par destination : critère de l'accessoire => biens étroitement liés à l'immeuble par nature dont ils en constituent l'accessoire
  • (3) Par l'objet : immeubles incorporels (art. 526) => certains incorporels et leurs actions.
MEUBLES (mobilisation) : (1) par nature, (2) par la détermination de la loi (art. 527). En principe, tout ce qui n'est pas immeuble est meuble => la catégorie des meubles est donc extensive, contrairement à celle des immeubles, circonscrite par les critères fixés le Code.
  • (1) par nature : choses mobiles, déplaçables par la main de l'homme => objets inanimés ou les animaux. Il est intéressant de constater que lorsque la chose comporte une certaine stabilité, son statut se rapproche de celui des immeubles (bateaux, aéronefs…).
  • (2) par détermination de la loi : meubles incorporels (art. 529)
NB : les catégories ne sont pas hermétiques = certains biens, dépendant d'un immeuble, peuvent devenir meubles lorsqu'ils se détachent du sol (produits et fruits procurés par un bien immobilier) => (3) biens meubles par anticipation. Peuvent faire l'objet d'une commercialisation même lorsqu'ils sont encore immeubles (régime fiscal plus avantageux).

Au plan économique et politique : distinction un peu dépassée :
  • « bien noble » (immeuble) contre « bien vil » (meuble)
  • Les immeubles ne sont plus les seuls biens frugifères (cf. fortune mobilière)
  • Initialement, seules les immeubles étaient sources de richesses (conception aristocratique). 
Intérêt de la distinction :
  • Compétence juridictionnelle : en principe immeuble = lieu de situation du bien et meuble = lieu du domicile du défendeur
  • Droits de mutation + publicité foncière sur les immeubles
  • Régime de possession = propriété pour les meubles


B - La distinction biens corporels/biens incorporels

C - La distinction biens fongibles/biens non fongibles

D - La distinction biens publics/biens privés

E - La distinction biens consomptibles/biens non consomptibles



Fiche d’arrêt

Civ. 3ème, 23 janvier 2002, n° 99-18/102

Sur le premier moyen : (Publication sans intérêt) ;

Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, réunies : (Publication sans intérêt) ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 517 et 518 du Code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er juin 1999), que la société civile immobilière Vauroger (la SCI), dont les associés étaient M. Yves A..., M. Daniel A..., et Mme A..., épouse Y..., a été déclarée en liquidation ; que M. Z..., liquidateur, a vendu l'immeuble dont la SCI était propriétaire aux consorts X... et B... par acte du 17 mai 1995 spécifiant que le transfert de propriété et l'entrée en jouissance étaient fixés au 1er avril 1994 ; que l'immeuble a été occupé par M. Yves A... jusqu'au 31 mars 1995 et que les acquéreurs ont assigné M. Z..., ès qualités, en réparation du préjudice résultant de la détérioration des lieux consécutive au retrait des convecteurs électriques lors de leur prise de possession ; que M. Z..., ès qualités, a appelé M. Yves A... en garantie de la condamnation prononcée entre lui ;

Attendu que, pour accueillir la demande, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le retrait par M. A..., à son départ, des convecteurs électriques qui existaient dans toutes les pièces de la maison, nécessairement reliés au circuit électrique, avait entraîné l'arrachage des fils électriques et que ces convecteurs, constituant l'un des composants de l'immeuble lui-même qu'aucun candidat à l'acquisition d'un bien immobilier ne penserait voir exclure de la vente après les avoir vus dans l'immeuble visité, constituaient des immeubles par nature ;

Qu'en qualifiant d'immeuble par nature des convecteurs électriques, sans rechercher si ces appareils, et non leur installation électrique, étaient indissociablement liés à l'immeuble et ne pouvaient être enlevés sans porter atteinte à son intégrité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. Z..., en sa qualité de liquidateur de la SCI Vauroger, au paiement de la somme de 14 250 francs au titre du remplacement des convecteurs, et M. Yves A... à le garantir de cette condamnation, l'arrêt rendu le 1er juin 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.



Cas pratique 

Monsieur Jacques est propriétaire d’un vaste domaine terrien comprenant une maison, un jardin et des terres agricoles. Il vend ce domaine à Monsieur Pierre. Après la signature du contrat de vente, Monsieur Jacques et Monsieur Pierre se disputent la propriété de certains biens à propos desquels le contrat de vente n’avait rien spécifié. 
Monsieur Pierre prétend que sont compris dans la vente du domaine :
- la fontaine en pierre qu’il a lui-même sculptée à même le rocher lors de son arrivée dans les lieux,
- les dix ruches,
- les six tonneaux en chêne permettant d’élever le vin de la propriété,
- les deux tracteurs avec lesquels M. Jacques cultivait ses terres,
- les trois statues posées à même le sol dans le jardin, la petite statut de la vierge dans sa niche, creusée à même la montagne dans le fonds du jardin,
- et les huit grands vases posés de façon symétrique sur des socles dans le jardin et formant un figure géométrique. 

Monsieur Jacques, qui refuse de se séparer de ces biens, souhaiterait en outre récupérer le petit miroir qu’il a scellé dans le mur de sa chambre. 

Rappel méthode du cas pratique. Trame :
1° Bref rappel des faits (qualification juridique)
2° Question de droit
2° Règle(s) de droit, principe tiré (exceptions éventuelles) + explication
4° Application de la règle de droit aux faits
5° Réponse à la question de droit

NB : pour la correction de ces deux exercices, un second lien vous sera prochainement adressé