Loi du 5 mars 2007 « portant réforme de la protection juridique des majeurs ».
Plan du code :
- chap. 1 : contient des dispositions générales sur les personnes protégées
- chap. 2 : traite des mesures de protection juridique qui sont applicables en cas de mesures de protection judiciaires proprement dites (tutelle, curatelle, SJ) et en cas de MPF
DEFINITIONS
Notion de capacité : du latin capacitas, atis = faculté de contenir, qui a une certaine contenance, lui-même dérivé du verbe capio, ere = tenir, contenir.
• La capacité est l’aptitude à être sujet de droits et d’obligations et à les exercer ; ce que la loi définit est son contraire : l’incapacité.
• En droit français, la capacité est la règle et l’incapacité l’exception. On peut noter que cela n’a pas toujours été le cas : dans l’Ancien droit, les incapacités étaient nombreuses (mineurs, fous, femmes, prodigue…) → la Révolution a supprimé ces inégalités : l’égalité civile est devenue le principe, l’incapacité l’exception.
• Il existe plusieurs sortes d’incapacité :
- d’exercice : l’incapable est titulaire de ses droits, mais sans pouvoir les exercer librement.
- de jouissance : impossibilité absolue de faire certains actes, d’avoir certains droits et d’être tenu de certaines obligations. Dans notre droit, cette incapacité ne peut jamais être totale.
Notion de personne vulnérable : du latin vulnus, eris = blessure. La personne vulnérable est donc la personne qui est susceptible d’être blessée, attaquée dans son physique, dans son psychique et pour certains auteurs dans son social.
Le droit civil ignore totalement la personne vulnérable : on est soit capable soit incapable : pas d’état intermédiaire ≠ droit pénal qui prend en compte cet état de fait : cela constitue soit une circonstance aggravante soit un élément constitutif d’une infraction (= c’est parce que la victime est une personne vulnérable que l’infraction existe : ex : abandon de famille, délaissement…).
• La vulnérabilité = état de fait. Pas de définition en droit. 3 critères établissent la vulnérabilité :
- Handicap : XIXème : sens positif ≠ XXème terme qui signifie la défiance, l’infériorité, l’exclusion. Le droit prend en compte cet état de faiblesse, ce qui n’a pas toujours été le cas. On veut assurer l’insertion, l’égalité des personnes handicapées avec les autres.
- Age : facteur de vulnérabilité aux 2 extrêmes : le jeune âge (minorité) et le grand âge (vieillesse). Mais le droit ne définit pas la personne âgée : à partir de quand est-on une personne âgée ? Pas de seuil sauf concernant la retraite. Age = fait biologique pris en compte par le droit et qui est créateur de droits et obligations. Au sein de l’UE : la charte des droits fondamentaux, par exemple, comporte un article consacré aux droits des personnes âgées. On rappel toujours le principe de dignité de la personne…
- Maladie : pas de définition de la personne malade mais l’OMS définit la santé : « état de complet bien être physique, mental et social ».
• Comment le droit prend t-il en compte cet état ? Le droit est là pour réguler les rapports sociaux. Quand le droit civil veut protéger une personne vulnérable, il doit la faire changer de catégorie : la faire passer de personne capable à personne incapable.
• Incapacité de droit ≠ incapacité de fait ( = la personne est capable en droit donc peut faire tous les actes qu’elle veut mais on pourra toutefois annuler des actes a posteriori c’est-à-dire après le jugement prononçant l’incapacité).
HISTORIQUE DE LA MISE EN PLACE DES REGIMES DE PROTECTION
• Code de 1804 : on voulait éloigner la personne vulnérable de la société pour éviter qu’elle ne lui porte atteinte. Par ailleurs, on ne s’occupait que des biens de la personne (protection de son patrimoine) et pas de la personne elle-même. Il y avait 2 régimes de protection des biens :
- l’interdiction judiciaire : « organisation de l’incapacité d’un majeur qui est dans un état habituel d’imbécillité, de démence ou de fureur ». Mise en place d’une représentation.
- la dation de conseil judiciaire : organisation d’une assistance (= moins fort que la représentation) pour les faibles d’esprit et les personnes prodigues pour les actes patrimoniaux les plus graves.
• Loi du 30 juin 1838 « Loi des aliénés » : traitait des institutions et de la prise en charge des malades mentaux (= elle réglementait l’internement des aliénés). Mais cette loi ne modifie pas les régimes civils de protection de 1804. Une certaine incapacité résultait de l’internement lui-même, indépendamment de l’interdiction judiciaire ou de la dation de conseil judiciaire.
• Loi du 18 octobre 1966 : on institue la tutelle aux prestations sociales adultes (TPSA). Création du droit social. Elle ne crée pas de véritable incapacité. Idée : il ne faut pas verser les prestations sociales à leur bénéficiaire lorsqu’il risque de ne pas les utiliser convenablement mais il faut les payer à un tiers qui les dépensera pour le compte de l’incapable (sorte de trust au profit des assistés).Tutelle qui faisait souvent double emploi avec la curatelle.
Mais institution remplacée en 2007 par les mesures d’accompagnement social et judiciaire.
• Loi du 3 janvier 1968 : loi Carbonnier. Il s’agissait d’adapter le droit des incapacités aux transformations de la famille, notamment son pluralisme, de tenir compte de l’évolution de la médecine psychiatrique et de l’évolution de la durée de vie humaine.
Distinction claire entre le traitement médical de la personne et la gestion de son patrimoine. On laisse subsister les règles de l’internement mais on n’en a plus fait résulter automatiquement une incapacité.
Le législateur va décider de ne s’intéresser qu’au patrimoine (choix explique la réforme de 2007).
- loi qui a crée les 3 régimes de protection (tutelle, curatelle et sauvegarde de justice)
- donne les mesures de protection en cas de TM d’une personne sans régime de protection
- a crée le juge des tutelles
- renvoie au CSP pour les intérêts non patrimoniaux (hospitalisation, soins…)
- elle constitue l’essentiel du régime des majeurs incapables
• Loi du 27 juin 1990 : révise le régime de l’internement des malades mentaux. Loi relative à l’hospitalisation des personnes atteintes de TM.
- précautions contre les risques d’internements arbitraires accrues (amis système antérieur pas bouleversé)
- distinction entre : hospitalisation volontaire (à l’initiative du malade lui-même), à la demande d’un tiers (sur le fondement de 2 certificats médicaux), d’office prononcée par le Préfet sur avis médical lorsque l’individu cause un trouble à l’OP.
- de multiples contrôles sont prévus avec notamment l’intervention d’une commission départementale des hospitalisations psychiatriques.
• Loi du 5 mars 2007 (EV le 1er / 01/09) : il était temps de réformer la matière en profondeur, le système des années 60 n’était plus adapté. Besoin de modernité. Evolution plutôt que révolution. Causes :
- vieillissement de la population
- précarisation / surendettement
- exclusion / marginalisation
Prise en compte, en plus du patrimoine de la personne, la personne elle-même (innovation majeure). Plus qu’une réforme, on réactualise la loi de 68, on la complète. Réforme très attendue. On garde les 3 régimes de protection existants mais on ajoute des nouveautés :
- quand la protection n’est pas familiale → elle doit être professionnalisée
- place à la volonté de la personne (MPF) : grande novation
- mise en place de protections sociales
- mise en place d’une cotutelle
- activité des divers intervenants professionnels est désormais encadrée : apparition du mandataire judiciaire à la protection des majeurs (statut désormais uniforme pour tous les organes de protection professionnels). Mandataires judiciaires à la protection des majeurs = formation professionnelle. Ce sont les personnes extérieures à la famille protégeant ou accompagnant les majeurs, tuteurs ou curateurs d’Etat, les gérants de tutelle et les tuteurs aux prestations familiales.
- charte des droits du majeur + notice d’info remises au majeur quand désignation d’un mandataire judiciaire.
- disparition de la curatelle pour prodigalité
=> Souci de préserver le plus possible la liberté de la personne.
Dissociation du domaine juridique et social.
-Mesures judiciaires + Mesures conventionnelles
-Mesures de protection juridique
-Tutelle
-Curatelle
-Sauv. de justice
-MPF
-Mesures d’accompagnement social
-MAJ
-MASP
On ne parle plus d’incapables mais de personnes protégées (même si on met la personne dans la catégorie des incapables). Mais pour protéger, il faut retirer du pouvoir…
Rq : cette loi a quelques incidences sur la protection des mineurs, même si la révision du système de protection des mineurs n’était pas dans les objectifs du législateur.
OBJECTIFS DE LA LOI DE 2007
• Sécurité : faut prendre soin de la personne, améliorer les contrôles (par le juge, le procureur de la République qui vérifient que tout se passe bien) et redonner de la vigueur aux théories de la représentation (tutelle), de l’assistance (curatelle) et des nullités. Professionnalisation des fonctions de tuteur et curateur lorsque l’on est hors famille.
• Favoriser le recours à la famille et aux régimes extérieurs à la tutelle et curatelle
• Rééquilibrer les statuts de représentants (ou assistants) familiaux et extrafamiliaux. Quand le représentant est familial : pas de rémunération (sauf possibilité de verser des indemnités) et quand le représentant est extrafamilial : rémunération.
PRINCIPES DIRECTEURS APPLICABLES AUX REGIMES DE PROTECTION
• Liberté
• Dignité : par la protection des objets qui entourent la personne (logement, souvenirs…)
• Solidarité : protection = devoir des familles (d’abord) et de la collectivité publique (à défaut)
• Responsabilité : on a voulu renforcer la responsabilité des organes de protection. Pour que la personne soit protégée, les organes doivent être responsables. Gradation des responsabilités en fonction des organes de protection :
- tuteur et conseil de famille : il faut une faute qcq commise dans l’exercice des fonctions
- curateur : dol ou faute lourde
- mandataire de protection future : responsabilité engagée dans les conditions de droit commun du mandat (= en fonction de l’étendue de ses missions)
- le tiers (notaires, banquiers)
• Nécessité : la mesure judiciaire doit être justifiée par une altération des facultés personnelles du majeur à protéger. Art. 428.
But : remédier à l’inflation constante frappant le nombre de personnes placées sous un régime de protection.
• Subsidiarité : la mesure judiciaire est prononcée en l’absence de solutions moins contraignantes et moins attentatoires aux droits de la personne (ex : MPF, RM…) Art. 498.
• Proportionnalité : la mesure judiciaire doit être adaptée à la situation du majeur à protéger.
But : protéger les personnes en diminuant le moins possible leur liberté et en permettant la mise en place d’un régime de protection « sur mesure ». Individualisation du mode de protection. Art. 428.
Les 3 derniers principes sont fondamentaux car les régimes de protection judiciaires mettent en place une restriction des libertés individuelles.