vendredi 14 janvier 2011

POLITIQUE : "Rendons aux Tunisiens ce qui appartient aux Tunisiens..." Petite histoire de souveraineté !


Petit florilège de déclarations de dirigeants politiques français sur la situation en Tunisie :

- Olivier BESANCENOT : Mme Alliot-Marie "s'est clairement rangée du côté de la répression qui a fait près de 70 morts depuis la mi-décembre", écrit, dans un communiqué, M. Besancenot, pour qui  "le gouvernement français doit cesser de soutenir le dictateur en place". "Ben Ali doit partir et laisser le mouvement social tunisien, les organisations politiques d'opposition bâtir une nouvelle société débarrassée de toutes les tares du régime Ben Ali", conclut-il.
- Martine AUBRY :  La France va devoir adopter "une position forte de condamnation de la répression inacceptable" menée contre la contestation sociale.
- Jean-Marc AYRAULT :  Alors qu'on lui demandait si le président (Zine El Abidine) Ben Ali devait quitter le pouvoir, il a répondu: "Je crois que c'est inévitable. Il faut qu'il parte", mais dans le cadre d'"une solution démocratique, parce que si c'est pour mettre en place une solution encore plus dure, encore plus autoritaire, ce serait une catastrophe", a-t-il dit.
- Cécile DUFLOT :  "Il faut soutenir les jeunes Tunisiens et Algériens victimes de répressions, la France a aussi une responsabilité". Elle a également appelé le gouvernement français à sortir de son silence. "Le régime Tunisien est policier, très dur avec le peuple, la France doit soutenir l'opposition démocratique en Tunisie."
Mais qui sont ces hommes et femmes politiques français pour juger la situation sociale d'un autre Etat , aussi grave soit-elle, ou pour demander le départ d'un chef d'État étranger aussi illégitime soit-il ?
La position de Michèle ALLIOT-MARIE me paraît au contraire plus équilibrée. ("On ne doit pas s'ériger en donneur de leçons...).  
Les relents de néocolonialisme sont forts, les tentations de l'ingérence dans les affaires des autres également.
La France se doit de créer des ponts avec les autres États et s'efforcer de maintenir un dialogue permanent mais elle doit surtout respecter les souverainetés. Elle doit se garder de tout jugement de valeur ou moral.

Le départ du Président Ben Ali démontre d'ailleurs que le peuple tunisien, unique souverain,  n'a besoin de nul autre que lui pour gérer les affaires de son pays.

Une leçon à retenir pour l'avenir... 
La Tunisie... c'est la Tunisie, la France... la France !

samedi 8 janvier 2011

POLITIQUE : Bilan économique de l'année 2010 par Emmanuel TODD => "Je serais très étonné que l'euro survive à 2011"

Selon Emmanuel Todd, la crise qui a sévi en 2010 aura tout de même eu deux vertus : ébranler la croyance dans le libre-échange et dans l’euro en tant qu’horizon spécifique pour l’Europe. Pour sauver le système, selon lui, il faut mettre en place un protectionnisme européen « raisonnable et coopératif ». Mais ce n’est pas gagné…

Que nous est-il permis d’espérer et que doit-on craindre en 2011 ? Le politologue, démographe et essayiste français Emmanuel Todd a accepté de se livrer, pour nous, à un « bilan et perspectives » étayé, plus spécifiquement centré sur la crise économique et financière qui secoue l’Europe.

Que retiendrez-vous de l’année 2010, qui vient de s’achever ?

Je dirais que ce fut une année charnière. C’est l’année où les croyances, économiques et politiques dominantes de l’Occident sont arrivées au bout de quelque chose.

D’abord dans la gestion de la crise économique. J’ai été frappé par la prise de conscience concernant la relance, telle qu’on l’avait conçue lorsque la crise financière, puis la crise de la demande mondiale ont été diagnostiquées – chose qu’il fallait faire, précisons-le… –, qui n’allait pas suffire. Et pour une raison très simple : les plans de relance ont, à la rigueur, relancé les profits dans les économies occidentales, ont regonflé à un niveau acceptable les indicateurs boursiers, mais n’ont pas fait repartir l’emploi, les salaires. Malgré ces plans, la dégradation du niveau de vie a commencé ; aux Etats-Unis, les indicateurs mettent même en lumière une diminution de l’espérance de vie…

Les gens ont donc compris que dans une économie ouverte, dans un régime de libre-échange, si l’on réinjecte des signes monétaires ou des moyens de payement dans l’économie par en haut – plutôt par le système bancaire qu’autrement –, on crée de la demande, mais que cette demande ne modifie absolument pas le mécanisme de la compétition sur les salaires, mais que cela relance tout simplement les économies à bas salaires. En France par exemple, et j’imagine ailleurs, les plans de relance de l’après-crise ont abouti à une accélération de la désindustrialisation et des délocalisations…

Un « électrochoc », donc…

Les gens l’ont compris mais, pour le moment, ils ne sont pas allés au bout de la compréhension. Cela réintroduit les différences traditionnelles entre Américains et Européens où, pour une fois, je ne peux plus dire que les Américains sont quand même moins bêtes parce qu’ils ont compris le problème de la demande globale, les mécanismes keynésiens de soutien à la demande, la notion de flexibilité monétaire, etc. On ne peut plus considérer qu’un plan de relance, en économie ouverte, est simplement mieux que les plans d’austérité européens. Les plans d’austérité européens ne sont pas une solution actuellement. Ils vont relancer la crise mondiale, et s’ils remettent l’économie mondiale en crise, pour le coup, l’économie chinoise, qui est gérée de façon extrêmement dangereuse par l’exportation, va s’effondrer. Mais ces plans d’austérité européens traduisent quand même, me semble-t-il, une volonté de ne pas faire de la relance pour autrui… Je dirais qu’ils sont un premier pas vers le protectionnisme, mais dans la mesure où il s’agit d’un protectionnisme par contraction de sa propre demande, c’est ce que l’on peut appeler un « protectionnisme bête ». Moi, je me bats depuis longtemps pour un « protectionnisme intelligent ». Je vais y revenir.

C’est le deuxième tournant. Le premier concerne le premier élément de la pensée unique : le libre-échange. Le deuxième est sur l’euro. L’acquis du dernier trimestre de 2010, c’est qu’on est arrivé au bout de la croyance en l’euro comme horizon spécifique pour l’Europe. Il s’agit donc d’une année chargée en termes de prises de conscience !

Sur quoi cela pourrait-il déboucher ?

Paradoxalement, la crise, l’effondrement de croyances qui font du mal au continent, au monde développé et à la planète, c’est déjà inespéré ! On a trop longtemps vu de sympathiques gouvernements se réunissant paisiblement – ce qui est une bonne chose –, conclure leurs travaux en expliquant qu’ils allaient défendre bec et ongles le mécanisme qui produisait la crise, à savoir le libre-échange. Or, le libre-échange, c’est quoi ? C’est la guerre de tous contre tous sur le plan économique, c’est la concurrence sur le coût du travail, sur l’efficacité économique.

Cela dit, comment va être l’année 2011 ? On va avoir des surprises. Je serais très étonné que l’euro, dans sa forme actuelle, survive à l’année 2011. S’il survit, ce sera dans un contexte de réorientation générale des politiques économiques européennes.

Au final, cette crise pourrait donc, selon vous, se révéler positive ?

Oui. Mais l’une des choses qui me poussent à être très prudent, c’est la lenteur des processus idéologiques, la lenteur du débat, le caractère un peu amorphe de la société. En France par exemple, la façon dont la crise a ramené à la surface le vieux phantasme de la supériorité des conceptions économiques allemandes, ces choses qu’on entendait telles quelles à l’époque du « franc fort », dans les années 80, a quelque chose d’inquiétant. Pour expliquer ce phénomène de lenteur, il y a le vieillissement des populations occidentales et ce que j’ai décrit dans mon dernier livre, Après la démocratie (Gallimard/Folio), à savoir un état d’atomisation des sociétés – avec des comportements narcissiques, des gens qui ne se soucient que d’eux-mêmes, une absence de croyances collectives – qui empêche la décision politique.

Donc, ce que je ressens, c’est une sorte de tension qui est devant nous, de bras de fer conceptuel entre deux tendances : la crise générale des conceptions qui devrait amener des évolutions et des prises de décisions rapides, et puis cette espèce de lenteur, de sénilité narcissique des sociétés développées, qui suggère que quand même, elles seraient capables de continuer à ne rien faire pendant toute une année…

Quid de l’euro, que vous avez évoqué plus haut ?

L’image qui me vient, c’est « acharnement thérapeutique »… L’euro est une abstraction. Les sociétés nationales, avec leurs cultures, existent toujours. Il y a des différences de mentalités, de rythmes démographiques, il y a des traditions de discipline salariale en Allemagne qui ne sont pas concevables en France…

En fait, du temps des monnaies nationales, chacune des économies européennes avait son mode de régulation spécifique qui lui convenait. Des bureaucrates abstraits ont posé l’euro là-dessus et, bien entendu, ça ne marche pas. Et toutes les tentatives institutionnelles, bancaires ou autres, pour que ça fonctionne, ne peuvent pas marcher. Tant que l’Europe est en économie ouverte, dans le régime de libre-échange, il y a une guerre économique acharnée entre les économies européennes dans laquelle l’Allemagne est la plus forte parce qu’elle pratique mieux la compression du coût salarial. Mais dans ce contexte, l’euro est une sorte de prison pour tout le monde, pour laisser les plus faibles ou les moins capables se torturer au niveau salarial, à la merci de l’Allemagne. Attention, je n’en veux pas du tout à l’Allemagne : il y a de l’aveuglement et du narcissisme là-bas comme en France…

Comment sortir de cette situation ?

De deux manières : par le bas ou par le haut. Par le bas, c’est admettre que l’euro est foutu. Puis on en sort et on revient aux monnaies nationales. Pour moi, ce n’est pas optimal : je ne suis pas du tout partisan de la disparition de l’euro. Simplement le système actuel est le pire concevable parce qu’il détruit une partie de l’industrie européenne, il dresse les Européens les uns contre les autres, il met l’Allemagne dans une position de domination mais aussi de cible, d’ennemi collectif pour l’Europe…

La sortie vers le haut : on veut sauver l’euro, on y tient vraiment et on accepte l’idée que le problème mondial, c’est le libre-échange, l’insuffisance de la demande. On fait revenir l’Europe à sa conception initiale de la préférence communautaire. On dit que l’Europe a le droit, dans un monde en guerre sur les coûts salariaux, de faire un virage protectionniste. On établit un protectionnisme européen raisonnable, coopératif, qui permet de relancer les salaires, l’investissement, la demande à l’échelle du continent. Dans un tel contexte, on rétablit un intérêt collectif européen, un bénéfice mutuel. Dans le domaine économique, les différences culturelles entre l’Allemagne et les autres pays cesseraient d’être un facteur de conflit et l’Europe retrouverait son véritable avantage compétitif dans le monde qui est sa diversité – avec l’euro, on a réussi à faire de la diversité européenne quelque chose de complètement négatif dans ses conséquences.

Êtes-vous plutôt optimiste ou pessimiste à ce propos ?

Pour moi, l’explosion de l’euro, c’est une probabilité de 90 %. Ce qui provoquerait un trou d’air idéologique formidable mais, dans ce contexte, j’ai très très peur de l’effet de délégitimation des élites. Mais bon, les choses peuvent changer très vite : les populations sont quand même à des niveaux éducatifs très élevés, le sentiment d’une crise est là… Et puis les esprits ont évolué. En France, j’ai passé une dizaine d’années à être considéré comme un rigolo avec mon protectionnisme européen, maintenant ça va très bien pour moi, merci ! Évidemment, la grande réponse, c’est : « Ce n’est pas possible, on ne pourrait pas faire accepter ça aux Allemands, ils sont tournés vers l’extérieur, ils veulent conquérir des marchés en Chine, ils préféreraient d’ailleurs retourner au mark, etc. » Mais la chute de l’euro mettrait l’Allemagne à genoux, et les Allemands sont en train de comprendre qu’ils sont les principaux bénéficiaires de l’euro. Quand des Allemands disent qu’ils en ont marre de l’euro, marre de payer ces plans de sauvetage des États, qu’il faut en retourner au mark, etc., je pense qu’ils bluffent ! Je pense qu’ils ont compris que la fin de l’euro serait un désastre pour l’économie allemande. Et s’ils ont compris cela, il suffirait d’avoir un gouvernement français intelligent, qui arrête de faire des «

cocoricos » ridicules, qui admette que l’Allemagne est l’économie dominante et qui lui demande de prendre ses responsabilités à l’échelle du continent, de prendre le leadership dans l’établissement d’un protectionnisme européen raisonnable, qui sera d’ailleurs favorable, en termes d’accroissement de la demande, à l’industrie allemande beaucoup plus que les quelques marchés chinois ne pourraient l’être…

Nicolas Sarkozy pourrait-il conclure son mandat de la sorte ?

Là, on retombe dans les paramètres lourds, pesants et qui rendent pessimistes.

On a énormément de mal à imaginer Sarkozy dans ce rôle. Si vous regardez sa trajectoire dans son rapport à l’Allemagne, il avait démarré très anti-Allemand. Il scandalisait les Allemands pas juste par sa vulgarité mais parce que de tempérament, il était anti-Allemand et pro-Américain. Il a fini par s’aligner sur l’Allemagne mais il faut tout de même constater la coïncidence chronologique entre la chute du sarkozysme et la remontée en puissance d’une vieille droite conne qui croit au discours de la rigueur, qui pense en termes d’équilibre budgétaire et de choses comme ça… Aujourd’hui, le sens du gouvernement Fillon II, c’est que Sarkozy n’a plus le pouvoir. Il est le premier président de la Ve République qui n’a pas eu le droit de renvoyer son Premier ministre… Donc, quand on dit : « Est-ce que Sarkozy pourrait ? »… on ne sait plus très bien ce que Sarkozy peut. On n‘a donc aucune raison d’être optimiste, d’autant que du côté du Parti socialiste – qui a certes accouché avec beaucoup de difficultés de la notion de « justes échanges » –, c’est très lent aussi. On est dans le people !

mardi 4 janvier 2011

Examen Licence droit de la famille - SEXE ET FAMILLE

Proposition de corrigé

DECOUVERTE DU SUJET.
Le sujet est large, ouvert. A priori, il offre un champ d’analyse important. Plusieurs façons d’aborder le sujet donc. Tout est à construire. Mais il parait difficile de passer à côté de certains éléments (transsexualisme, homosexualité, égalité des sexes, procréation).

Difficile de répondre au sujet en 3 heures

DEFINITIONS.
Pas de difficultés sur la notion de « famille ». Mais les définitions sont nombreuses. On peut toutefois s’entendre sur la définition suivante : la famille est composée d’un groupe de personnes (2 ou plus), rassemblé par d’un lien de famille (de filiation, de parentalité, de conjugalité, matrimonial…). Il s’agit donc d’expérimenter le sujet à TOUTE la famille, à toutes les familles.

Le mot sexe peut revêtir plus sens :
- D’abord, l’idée de sexualité, de procréation.
- Ensuite, l’idée de sexe au sens de l’état civil = masculin ou féminin, sexe biologique ou sexe transformé.
- Enfin, l’idée de genre. Le sexe serait en réalité une construction culturelle, sociale (cf. les mouvements féministes et notamment Simone de BEAUVOIR)

CONTEXTE.
Contexte de libération sexuelle à partir des années 1960 (voir jp CEDH sur les pratiques sadomasochistes).
Levée du tabou sur l’homosexualité, sur le transsexualisme.
Nouveau droit de la famille reconstruit sur les enjeux de liberté (sexuelle) et d’égalité (entre les sexes)
Importance du sexe en droit de la famille :
- fonde certains interdits => mariage entre personnes de même sexe, adoption homosexuelle, inceste (récente pénalisation)
-de la sexualité => mariage acte fondateur de la famille, idée de consommation du mariage. Finalité procréative. Même si on a découplé sexualité et procréation

PROBLEMATIQUE (schématisée)
Longtemps exclus de la famille, les couples de même sexe s’installent progressivement dans le paysage familial (concubinage et PACS). Ils restent néanmoins exclus du mariage. Parce qu’elle l’acte fondateur de la famille, l’union matrimoniale est fondée sur la différence de sexe. Il en découle que les techniques de procréation restent réservées aux couples hétérosexuelles. Les choses ne sont cependant pas figées. Le droit en général et le droit de la famille en particulier évoluent. Une brèche s’étant ouverte par la parentalité, la famille homosexuelle se développe. A suivre…


PROPOSITION DE PLAN

On peut retenir un plan classique (I. Couple / II. Enfant)

I. A chacun son sexe, à chacun son couple

A. Le couple en général : l’indifférence des sexes

Concubinage et PACS homosexuel
Cas du transsexualisme

B. Le mariage en particulier : la différence de sexe

Particularisme du mariage.
Rappel du droit positif (jp C Cass + CEDH)


II. A chacun son sexe, à chacun ses enfants

A. La parenté : l’exclusivité réservée aux couples de sexe différent

Filiation et modes de procréation fondés sur un lien biologique réel, erroné ou symbolique. Importance de la différence de sexe. L’enfant est issu d’un homme et d’une femme.
Les couples homosexuels exclus des PMA et de l’adoption.

B. La parentalité : des possibilités offertes aux couples de même sexe

Moyens de détourner la parenté
Délégation d’autorité parentale (même si recul constaté)
Création d’une famille homosexuelle

samedi 1 janvier 2011

Droit des personnes - Propos introductifs au droit des personnes protégées

Loi du 5 mars 2007 « portant réforme de la protection juridique des majeurs ».

Plan du code :

- chap. 1 : contient des dispositions générales sur les personnes protégées

- chap. 2 : traite des mesures de protection juridique qui sont applicables en cas de mesures de protection judiciaires proprement dites (tutelle, curatelle, SJ) et en cas de MPF


DEFINITIONS

Notion de capacité : du latin capacitas, atis = faculté de contenir, qui a une certaine contenance, lui-même dérivé du verbe capio, ere = tenir, contenir.
• La capacité est l’aptitude à être sujet de droits et d’obligations et à les exercer ; ce que la loi définit est son contraire : l’incapacité.
• En droit français, la capacité est la règle et l’incapacité l’exception. On peut noter que cela n’a pas toujours été le cas : dans l’Ancien droit, les incapacités étaient nombreuses (mineurs, fous, femmes, prodigue…) → la Révolution a supprimé ces inégalités : l’égalité civile est devenue le principe, l’incapacité l’exception.
• Il existe plusieurs sortes d’incapacité :
- d’exercice : l’incapable est titulaire de ses droits, mais sans pouvoir les exercer librement.
- de jouissance : impossibilité absolue de faire certains actes, d’avoir certains droits et d’être tenu de certaines obligations. Dans notre droit, cette incapacité ne peut jamais être totale.

Notion de personne vulnérable : du latin vulnus, eris = blessure. La personne vulnérable est donc la personne qui est susceptible d’être blessée, attaquée dans son physique, dans son psychique et pour certains auteurs dans son social.
Le droit civil ignore totalement la personne vulnérable : on est soit capable soit incapable : pas d’état intermédiaire ≠ droit pénal qui prend en compte cet état de fait : cela constitue soit une circonstance aggravante soit un élément constitutif d’une infraction (= c’est parce que la victime est une personne vulnérable que l’infraction existe : ex : abandon de famille, délaissement…).

• La vulnérabilité = état de fait. Pas de définition en droit. 3 critères établissent la vulnérabilité :
- Handicap : XIXème : sens positif ≠ XXème terme qui signifie la défiance, l’infériorité, l’exclusion. Le droit prend en compte cet état de faiblesse, ce qui n’a pas toujours été le cas. On veut assurer l’insertion, l’égalité des personnes handicapées avec les autres.
- Age : facteur de vulnérabilité aux 2 extrêmes : le jeune âge (minorité) et le grand âge (vieillesse). Mais le droit ne définit pas la personne âgée : à partir de quand est-on une personne âgée ? Pas de seuil sauf concernant la retraite. Age = fait biologique pris en compte par le droit et qui est créateur de droits et obligations. Au sein de l’UE : la charte des droits fondamentaux, par exemple, comporte un article consacré aux droits des personnes âgées. On rappel toujours le principe de dignité de la personne…
- Maladie : pas de définition de la personne malade mais l’OMS définit la santé : « état de complet bien être physique, mental et social ».

• Comment le droit prend t-il en compte cet état ? Le droit est là pour réguler les rapports sociaux. Quand le droit civil veut protéger une personne vulnérable, il doit la faire changer de catégorie : la faire passer de personne capable à personne incapable.

• Incapacité de droit ≠ incapacité de fait ( = la personne est capable en droit donc peut faire tous les actes qu’elle veut mais on pourra toutefois annuler des actes a posteriori c’est-à-dire après le jugement prononçant l’incapacité).


HISTORIQUE DE LA MISE EN PLACE DES REGIMES DE PROTECTION

• Code de 1804 : on voulait éloigner la personne vulnérable de la société pour éviter qu’elle ne lui porte atteinte. Par ailleurs, on ne s’occupait que des biens de la personne (protection de son patrimoine) et pas de la personne elle-même. Il y avait 2 régimes de protection des biens :
- l’interdiction judiciaire : « organisation de l’incapacité d’un majeur qui est dans un état habituel d’imbécillité, de démence ou de fureur ». Mise en place d’une représentation.
- la dation de conseil judiciaire : organisation d’une assistance (= moins fort que la représentation) pour les faibles d’esprit et les personnes prodigues pour les actes patrimoniaux les plus graves.

• Loi du 30 juin 1838 « Loi des aliénés » : traitait des institutions et de la prise en charge des malades mentaux (= elle réglementait l’internement des aliénés). Mais cette loi ne modifie pas les régimes civils de protection de 1804. Une certaine incapacité résultait de l’internement lui-même, indépendamment de l’interdiction judiciaire ou de la dation de conseil judiciaire.

• Loi du 18 octobre 1966 : on institue la tutelle aux prestations sociales adultes (TPSA). Création du droit social. Elle ne crée pas de véritable incapacité. Idée : il ne faut pas verser les prestations sociales à leur bénéficiaire lorsqu’il risque de ne pas les utiliser convenablement mais il faut les payer à un tiers qui les dépensera pour le compte de l’incapable (sorte de trust au profit des assistés).Tutelle qui faisait souvent double emploi avec la curatelle.
Mais institution remplacée en 2007 par les mesures d’accompagnement social et judiciaire.

• Loi du 3 janvier 1968 : loi Carbonnier. Il s’agissait d’adapter le droit des incapacités aux transformations de la famille, notamment son pluralisme, de tenir compte de l’évolution de la médecine psychiatrique et de l’évolution de la durée de vie humaine.

Distinction claire entre le traitement médical de la personne et la gestion de son patrimoine. On laisse subsister les règles de l’internement mais on n’en a plus fait résulter automatiquement une incapacité.

Le législateur va décider de ne s’intéresser qu’au patrimoine (choix explique la réforme de 2007).
- loi qui a crée les 3 régimes de protection (tutelle, curatelle et sauvegarde de justice)
- donne les mesures de protection en cas de TM d’une personne sans régime de protection
- a crée le juge des tutelles
- renvoie au CSP pour les intérêts non patrimoniaux (hospitalisation, soins…)
- elle constitue l’essentiel du régime des majeurs incapables

• Loi du 27 juin 1990 : révise le régime de l’internement des malades mentaux. Loi relative à l’hospitalisation des personnes atteintes de TM.
- précautions contre les risques d’internements arbitraires accrues (amis système antérieur pas bouleversé)
- distinction entre : hospitalisation volontaire (à l’initiative du malade lui-même), à la demande d’un tiers (sur le fondement de 2 certificats médicaux), d’office prononcée par le Préfet sur avis médical lorsque l’individu cause un trouble à l’OP.
- de multiples contrôles sont prévus avec notamment l’intervention d’une commission départementale des hospitalisations psychiatriques.

• Loi du 5 mars 2007 (EV le 1er / 01/09) : il était temps de réformer la matière en profondeur, le système des années 60 n’était plus adapté. Besoin de modernité. Evolution plutôt que révolution. Causes :
- vieillissement de la population
- précarisation / surendettement
- exclusion / marginalisation

Prise en compte, en plus du patrimoine de la personne, la personne elle-même (innovation majeure). Plus qu’une réforme, on réactualise la loi de 68, on la complète. Réforme très attendue. On garde les 3 régimes de protection existants mais on ajoute des nouveautés :
- quand la protection n’est pas familiale → elle doit être professionnalisée
- place à la volonté de la personne (MPF) : grande novation
- mise en place de protections sociales
- mise en place d’une cotutelle
- activité des divers intervenants professionnels est désormais encadrée : apparition du mandataire judiciaire à la protection des majeurs (statut désormais uniforme pour tous les organes de protection professionnels). Mandataires judiciaires à la protection des majeurs = formation professionnelle. Ce sont les personnes extérieures à la famille protégeant ou accompagnant les majeurs, tuteurs ou curateurs d’Etat, les gérants de tutelle et les tuteurs aux prestations familiales.
- charte des droits du majeur + notice d’info remises au majeur quand désignation d’un mandataire judiciaire.
- disparition de la curatelle pour prodigalité
=> Souci de préserver le plus possible la liberté de la personne.

Dissociation du domaine juridique et social.
-Mesures judiciaires + Mesures conventionnelles
-Mesures de protection juridique
-Tutelle
-Curatelle
-Sauv. de justice
-MPF
-Mesures d’accompagnement social
-MAJ
-MASP

On ne parle plus d’incapables mais de personnes protégées (même si on met la personne dans la catégorie des incapables). Mais pour protéger, il faut retirer du pouvoir…

Rq : cette loi a quelques incidences sur la protection des mineurs, même si la révision du système de protection des mineurs n’était pas dans les objectifs du législateur.

OBJECTIFS DE LA LOI DE 2007
• Sécurité : faut prendre soin de la personne, améliorer les contrôles (par le juge, le procureur de la République qui vérifient que tout se passe bien) et redonner de la vigueur aux théories de la représentation (tutelle), de l’assistance (curatelle) et des nullités. Professionnalisation des fonctions de tuteur et curateur lorsque l’on est hors famille.
• Favoriser le recours à la famille et aux régimes extérieurs à la tutelle et curatelle
• Rééquilibrer les statuts de représentants (ou assistants) familiaux et extrafamiliaux. Quand le représentant est familial : pas de rémunération (sauf possibilité de verser des indemnités) et quand le représentant est extrafamilial : rémunération.

PRINCIPES DIRECTEURS APPLICABLES AUX REGIMES DE PROTECTION
• Liberté
• Dignité : par la protection des objets qui entourent la personne (logement, souvenirs…)
• Solidarité : protection = devoir des familles (d’abord) et de la collectivité publique (à défaut)
• Responsabilité : on a voulu renforcer la responsabilité des organes de protection. Pour que la personne soit protégée, les organes doivent être responsables. Gradation des responsabilités en fonction des organes de protection :
- tuteur et conseil de famille : il faut une faute qcq commise dans l’exercice des fonctions
- curateur : dol ou faute lourde
- mandataire de protection future : responsabilité engagée dans les conditions de droit commun du mandat (= en fonction de l’étendue de ses missions)
- le tiers (notaires, banquiers)

• Nécessité : la mesure judiciaire doit être justifiée par une altération des facultés personnelles du majeur à protéger. Art. 428.
But : remédier à l’inflation constante frappant le nombre de personnes placées sous un régime de protection.

• Subsidiarité : la mesure judiciaire est prononcée en l’absence de solutions moins contraignantes et moins attentatoires aux droits de la personne (ex : MPF, RM…) Art. 498.

• Proportionnalité : la mesure judiciaire doit être adaptée à la situation du majeur à protéger.
But : protéger les personnes en diminuant le moins possible leur liberté et en permettant la mise en place d’un régime de protection « sur mesure ». Individualisation du mode de protection. Art. 428.

Les 3 derniers principes sont fondamentaux car les régimes de protection judiciaires mettent en place une restriction des libertés individuelles.