Conférence - B. Mallet-Bricout
Mai 2009... Les choses n'ont pas bougé depuis...
Université Jean Moulin Lyon 3
INTRODUCTION
1° réformer le Code, une idée ancienne
- Déjà en 1904, la doctrine s’est interrogée sur la réforme du Code, qui apparaissait bien incomplet et obsolète au regard de la réalité juridique de l’époque
- En 1804, on n’a pas forcément appréhendé les changements, évolution des mœurs…
- 100 ans après, le Code civil ne reflète plus la réalité => le livre du centenaire, qq modifications espérées (même mouvement qu’aujourd’hui)
- Encore plus au 21ème siècle…
- Illustrations :
• Théorie de l’abus de droit (1915, Clément Bayard)
• Elargissement de l’interprétation de l’art. 1384
- Mise en lumière de certaines incohérences dans le droit des obl., des biens et de la responsabilité
Situation du DO à l’aube du 21ème siècle ? => CC n’est plus qu’une base, ne suffit pour maîtriser l’ensemble du droit des obligations
2° le code, base (insuffisante) du droit des contrats
- Textes à l’extérieur du CC => fragmentation des règles applicables
- Absence de concordance entre le droit écrit dans le CC et le droit positif => décalage qui remet en cause la légitimité du Code et le choix de la France de fonder son droit des contrats sur un Code
- Perte totale de l’esprit napoléonien => n’est plus le code des citoyens, est devenu un Code de juristes
3° la récente décision du gouvernement de rénover le droit des obligations
- Décision récente de rénover le droit des obligations
- Une action réformatrice du Code clairement engagée depuis 2000 :
• Droit de la preuve (mars 2000)
• Droit des successions, autorité parentale, nom, divorce
• Filiation, libéralité, régimes matrimoniaux, suretés…
• Rien sur le droit des contrats, ni sur le droit de la responsabilité
- Une initiative présidentielle et gouvernementale en 2004
• Bicentenaire du Code civil, de nombreuses manifestations, colloque à la Sorbonne important au cours duquel J. Chirac a demandé aux juristes français de s’atteler à la réforme du DO
- Méthode législative particulière
• Mise en place d’un groupe d’universitaires sous la direction de P. Catala => avant-projet réforme du droit des obligations = 1ère base de discussion et de critiques
• Autre groupe universitaire sous la direction de F. Terré (académie des sciences morales et politiques), « Pour une réforme du droit des contrats » => rendu public en juillet 2008
• Le ministère de la justice a lancé sa propre étude à partir des 2 avant-projets concurrents + ouverture aux droits européens des contrats (Code Gondolfi) + travail mené sur le cadre commun de référence (la commission européenne a identifié a identifié un besoin européen dans le droit des contrats pour éliminer les obstacles à la libre circulation des biens et des services. Mise en place en 2003 d’un plan d’action. Objectif est d’améliorer l’acquis communautaire, principes communs dans le droit des contrats dégagés par un groupe pour créer un instrument optionnel pour les contractants européens. Plusieurs activités dont la réflexion autour du cadre commun de référence dans le domaine contractuel. Plusieurs volets prévus = définition et langage commun, principes fondamentaux. A terme rédaction de contrats type européens) + droit comparé
• 2 versions successives de la Chancellerie, en attendant la version définitive qui devrait arriver. La chancellerie négocie avec différents interlocuteurs et praticiens du droit (banque, magistrats, avocat, CCIP, notaires, MEDEF = grande influence)
- Pourquoi cette réforme prend-elle autant de temps ?
• lobbying efficace, secret pour éviter les fuites et les critiques des universitaires
• influence internationale => bonne réforme peut permettre d’influencer la réflexion menée sur le droit européen des contrats
OBJECTIFS DE LA REFORME
Réforme de la prescription a eu lieu
2ème : Contrat
3ème : Régime de l’obligation
4ème : Responsabilité
- rendre sa cohérence au code civil, améliorer l’accessibilité
• cohérence formelle : concernant le plan => réécriture du Titre III du livre 3 du Code civil : chapitre préliminaire (sources des obligations), 1er sous-titre intitulé le contrat divisé en 11 chapitres = définition, principes directeurs, formation (négociation, offre et acceptation, date et lieu de formation, avant-contrats), représentation, forme, validité (cst, capacité, obl contractuelles, intérêt, licéité, sanctions, restitutions), exécution, effets, interprétation et qualification, inexécution, contrat électronique = PLAN PEDAGOGIQUE ET NON DOGMATIQUE. = changement de place de la lésion (envisagée dans le contenu du contrat et non dans le consentement, apparition de subdivisions, de la représentation (et plus seulement le mandat), durée du contrat, phase précontractuelle, offre et acceptation. MAIS pas de chapitre sur la preuve, au régime des obl (traitée à part), rien de nouveau sur la responsabilité contractuelle.
• cohérence au fond : règles mises en œuvre par les juges
o cohérence-constat (codification stricte de certaines règles jurisprudentielles affirmées) : règles sur l’offre, obligation précontractuelle d’information (art. 50), exception d’inexécution, réticence dolosive
o cohérence-consolidation (jp controversées ou peu confirmées) : violence économique, dol incident, jp Chronopost (art. 87)
o cohérence-affirmations (contra-jurisprudence) : pacte de préférence (la sanction est la nullité seulement et non la substitution du bénéficiaire au tiers acquéreur, notion de mauvaise foi au détriment de la collusion frauduleuse), promesse unilatérale
- moderniser le droit des contrats = réfléchir à de nouvelles règles, améliorer la prévisibilité
• introduction de nouvelles notions : concepts connus (contrats-cadre, contrats interdépendants, cession de contrat…), concepts tirés du droit comparé (« contenu » du contrat), distinction entre obligation expresse et implicite
• substitution de l’intérêt à la cause : chaque partie doit avoir un intérêt au contrat qui justifie son engagement (85 et s.). Concept qui reste proche de la cause objective.
• Introduction de la notion de clause abusive dans le Code (incertain)
• Le prix « autonomisé » dans le Code = élément autonome, dispositions propres. Si prix abusif, possible saisine du juge
• La rupture unilatérale du contrat : un équilibre délicat => admission de la résolution unilatérale préventive du contrat : mise en demeure préalable, motivation, résolution aux risques et périls de celui qui l’exerce, possible contestation de l’autre (procédure de référé qui permet la suspension de la résolution, et ordonner l’exécution = le juge maintient une main sur le contrat, à défaut d’en avoir une sur le contenu)
- mettre en exergue les « valeurs contractuelles » françaises, mettre en valeur l’attractivité de notre droit des contrats
• nouveauté déjà contestée
• 3 principes directeurs (on parlerait plutôt de « dispositions générales ») : liberté contractuelle (« chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter », liberté de choisir son cocontractant, liberté de déterminer le contenu et la forme du contrat sous réserve de l’OP et des bonnes mœurs MAIS discrimination, droit de préemption, droit de la concurrence etc, … sont des atténuations importantes), sécurité contractuelle (force exécutoire du contrat, prohibition de toute révocation ou toute modification unilatérale du contrat, exiger l’exécution forcée de l’obl (devient le principe et non plus l’exception), si le promettant se rétracte pendant le délai de réflexion, cela n’empêche pas la formation forcée du contrat) bonne foi (instrument de pouvoir donné au juge ?). Le principe de cohérence n’a pas été retenu mais art 153 fait référence directement référence à cette obligation (interprétation cohérente des clauses les unes par rapport aux autres)
• Valeur juridique ? « élévation au rang de principes directeurs » = quelle signification ? principes généraux à la disposition du juge ?
• Attachement aux racines, volonté de conserver sa spécificité => à replacer dans le contexte de concurrence forte entre les systèmes juridiques
• Inspiration directe : Principes Unidroit
- Renforcer le pragmatisme du droit français des contrats
• Accueil favorable de l’inventivité des praticiens du droit = vision du contrat plus commercialiste que civiliste, d’abord appréhendé comme une relation d’affaires
• Relative mise à l’écart des théories doctrinales = seulement la théorie des nullités et de l’opposabilité (seules marques doctrinales du projet)
• Abandon de plusieurs symboles du droit français des contrats : articles symboliques (1134, 1165) et la cause à laquelle est préféré le concept « d’intérêt »
• Reprise pure et simple de certains mécanismes étrangers pragmatiques : ex de l’action interrogatoire (dans le cadre du pacte de préférence, permettre à un tiers de demander au bénéficiaire s’il existe un pacte de préférence. Dans le cadre de la représentation, possibilité de clarifier les pouvoirs du représentant)
LES DEFAUTS ET REGRETS DU PROJET
- Ex de défaut : textes relatifs à la représentation
- Ex de regrets
• Régime de l’imprévision : absence de prise en considération. Ce qui est prévu : une partie peut demander à l’autre renégocier le contrat mais poursuite des obl du contrat. Intervention du juge que si les parties l’acceptent, sinon il ne peut pas. Quel impact des ppes directeurs ? Dans ce cas si l’un des cocontractants refuse de donner son accord au juge de MF => le juge pourrait alors adapter le contrat
• Obligation de donner : reprise dans la classification tripartite
• La lésion qualifiée : déséquilibre manifeste entre les obl issues du contrat, rejet de cette perspective pour l’instant, pas de nullité
CONCLUSION
Malgré ces défauts, projet moderne, pédagogique, ouvert sur les droits étrangers et européens => rénovation qui n’est pas artificielle