dimanche 4 décembre 2011

TD obligations - pour le mercredi 7 décembre 2011

Commenter l'arrêt suivant : Civ. 28 octobre 2003, n° 00-18794, 00-20065 (qui figure dans la fiche)


Attendu que la société Consult voyages a organisé un voyage au Cambodge pour un groupe de Français ; qu'au cours d'une excursion sur le fleuve Mékong, la pirogue ayant chaviré, quatre personnes sont décédées par noyade, les autres regagnant la rive ; que les dix-huit survivants et les proches parents des quatre victimes ont fait assigner l'agence de voyages et son assureur, la compagnie Axa assurances, en réparation de leurs préjudices moraux ; que l'arrêt attaqué (Paris, 9 mai 2000) a confirmé, en application de la loi française sur le fondement de la responsabilité contractuelle de l'agence de voyages, la condamnation de ces derniers à réparer le préjudice moral subi par les dix-huit survivants, mais a rejeté l'action des proches parents des quatre personnes décédées, la loi cambodgienne ne reconnaissant pas la réparation de ce préjudice ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° K 00-20.065 :

Attendu que le pourvoi fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que l'action des proches des victimes avait un fondement quasidélictuel et non contractuel dès lors qu'ils ne bénéficiaient pas d'une stipulation pour autrui explicite ou implicite insérée dans le contrat de voyage, alors, selon le moyen, qu'en exigeant que la stipulation pour autrui tacite qu'ils invoquaient à leur profit ait revêtu un caractère exprès, la cour d'appel a violé les articles 1121, 1122 et 1147 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt, après avoir énoncé que les demandeurs, victimes par ricochet, n'étaient pas ayants cause de leurs parents décédés, n'agissant ni en qualité de cessionnaires, ni d'héritiers, a exactement décidé qu'ils ne pouvaient pas bénéficier d'une stipulation pour autrui implicite au titre du contrat de voyage, de sorte qu'il était exclu que leur action soit fondée sur la responsabilité contractuelle de l'agence de voyages ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen du pourvoi n° K 00-20.065 et sur le moyen du pourvoi n° D 00-18.794 :

Attendu que les demandeurs font grief à l'arrêt attaqué d'avoir violé les articles 3 et 1382 du Code civil en rejetant leurs demandes de réparation du préjudice moral subi du fait du décès de leur parent, alors, selon le moyen, que, si le fait générateur s'est produit au Cambodge, leur dommage s'est réalisé en France, lieu où ils vivent, de sorte que la loi française était applicable ;

Mais attendu que la loi applicable à la responsabilité extracontractuelle est celle de l'Etat du lieu où le fait dommageable s'est produit ; que ce lieu s'entend aussi bien de celui du fait générateur du dommage que celui du lieu de réalisation de ce dernier ; que s'agissant du préjudice moral subi par les victimes par ricochet, qui est en relation directe avec le fait dommageable et qui trouve sa source dans le dommage causé à la victime, la loi applicable à sa réparation est celle du lieu où ce dommage s'est réalisé et non celui où ce préjudice moral est subi ; que l'arrêt attaqué ayant relevé que le fait générateur du dommage était l'embarquement des passagers à bord d'un bateau instable, doté d'installations inadéquates et d'un barreur inexpérimenté, ce fait s'étant produit au Cambodge, pays où le bateau avait chaviré et celui où le dommage s'était réalisé, en appliquant la loi cambodgienne à la réparation du préjudice des victimes par ricochet, la cour d'appel a fait une exacte application de la règle de conflit de lois ; que les moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois

mardi 15 novembre 2011

Droit des obligations (TD séance sur les clauses abusives) - pour le 16 novembre 2011

Lire l'arrêt suivant : Civ. 1ère, 12 mars 2002 (sur le déséquilibre significatif). Nous travaillerons ensemble l'arrêt en cours.

3 mariages, 3 divorces et 2 annulations ? (à propos de Civ. 1ère, 26 octobre 2011)

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme Y... s’est mariée, le 20 juillet 1991, avec M. Z... dont elle a divorcé le 29 octobre 1999 ; que, le 9 décembre 1995, faisant usage d’un extrait d’acte de naissance falsifié, elle s’était mariée avec M. A... dont elle a divorcé le 27 juin 2000 ; que, le 11 décembre 1999, elle avait épousé M. X... dont elle a divorcé le 20 mars 2006 ; que, saisi par ce dernier d’une demande en annulation de son mariage, le tribunal de grande instance de Nîmes, par jugement du 4 mars 2009, a accueilli sa demande ; que Mme Y..., appelante de cette décision, a produit devant la cour d’appel une assignation, enrôlée le 12 avril 2010, tendant au prononcé de la nullité de son mariage avec M. A... et a demandé qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de l’issue de cette procédure ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Vu l’article 189 du code civil ;
Attendu que, si les nouveaux époux opposent la nullité du premier mariage, la validité ou la nullité de ce mariage doit être jugée préalablement ;

Attendu que, pour rejeter la demande de sursis à statuer de Mme Y... dans l’attente de la décision à intervenir sur l’action en nullité de son mariage avec M. A... et déclarer M. X... recevable à invoquer une situation de bigamie, l’arrêt retient que, même si le mariage de Mme Y... avec M. A... était annulé, cette annulation ne permettrait pas de régulariser a posteriori son mariage avec M. X..., la procédure pendante étant sans incidence ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la demande en nullité du mariage de Mme Y... et de M. A... devait préalablement être jugée, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 8 septembre 2010, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier.


 
Voici un arrêt qui restera très certainement dans les annales de la jurisprudence familiale !
 
En l'espèce, Mme Y épouse M. Z en juillet 1991, puis divorce de celui-ci en octobre 1999. Jusque ici, la situation est plutôt banale. Sauf qu'entre temps, en décembre 1995, Mme Y contracte un second mariage (après avoir falsifié un extrait d'acte de naissance) avec M. A, de qui elle divorce en juin 2000. De 1995 à 1999, Mme Y se trouve donc en état de bigamie ; ce que notre droit prohibe à l'article 147 du Code civil. En effet, "on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier". Mme Y va même se remarier à nouveau, cette fois avec M. X en décembre 1999, puis divorcera en 2006. 
A la demande de M. X, le TGI de Nîmes prononce par jugement du 4 mars 2009 l'annulation du mariage. Mme Y fait appel de cette décision et produit une assignation tendant à l'annulation du deuxième mariage. On ne connait pas ses motivations, mais le 3ème mariage (dissous) lui a certainement procurer des avantages qu'elle tient à garder (donation, prestation compensatoire ?). La Cour d'appel de Montpellier rejette sa demande en considérant que même si le mariage n° 2 est annulé, le mariage n°3 ne sera pas pour autant régularisé, la procédure pendance étant sans incidence.
La Cour de cassation censure la décision rendue en appel sur le fondement de l'article 189. La Haute juridiction invite la Cour d'appel à exercer son contrôle dans l'ordre de célébration des mariages : le 2ème mariage doit donc être préalablement examiné (comme le suggérait la demande de Mme Y) avant que le 3ème ne le soit.  
 
La question est de savoir ce qu'il adviendra de 3ème mariage. Sa nullité ne fait a priori aucun doute. Une Cour d'appel a jugé précédemment que l'état de polygamie constitue une cause de nullité absolue de la seconde union, qui entraine l'annulation de cette union dès son origine, sans possibilité de régularisation a posteriori, par un divorce prononcé postérieurement à la seconde union (Grenoble, 23 janvier 2001). La solution est assez logique. L'état de bigamie entraine la nullité du premier comme du second mariage ; le fait qu'ils aient été dissous par divorce ne remet pas en cause le principe. 

samedi 12 novembre 2011

Un pas de plus vers l'homoparentalité ou deux pas en arrière ?

Brièvement, quelques mots sur le jugement du TGI de Bayonne du 26 octobre 2011… (décision que l'on peut retrouver sur le Blog Dalloz famille http://forum-famille.dalloz.fr/?p=2871).

Dans cette affaire, deux femmes pacsées ont saisi le juge aux affaires familiales et sollicité une délégation d'autorité parentale des deux enfants de la première à l'endroit de la seconde.
La jurisprudence a déjà admis cette possibilité (Civ. 1ère, 24 février 2006). En effet, l'article 377 du Code civil (sur lequel se fonde la demande en l'espèce) dispose que "les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l'exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l'exercice de leur autorité parentale à un tiers (…)".
Aussi, la Cour de cassation a estimé que rien ne s’oppose à ce qu’une mère seule titulaire de l’autorité parentale en délègue tout ou partie de l’exercice à la femme avec laquelle elle vit en union stable et continue, dès lors que les circonstances l’exigent et que cette mesure est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant. La Haute juridiction posait ainsi trois conditions à l’utilisation de l’article 377 dans le cadre de l’homoparentalité : 1° une union stable et continue, 2° l'existence de circonstances particulières, 3° et le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Dans un arrêt du 8 juillet 2010, la Cour de cassation a même semble t-il durci ces conditions. Dans cette affaire, elle a en effet rejeté la demande du couple homosexuel après avoir considéré que la preuve de circonstances particulières n’était pas apportée et que la mesure ne satisfaisait pas à l’intérêt des enfants, puisque ceux-ci étaient déjà suffisamment épanouis. Ainsi, la Cour envoyait un message très clair aux partisans de l’homoparentalité : l’article 377 ne saurait faire l’objet d’un détournement, en dehors des situations exceptionnelles qu’il recouvre. Elle invitait alors les juridictions de fond à faire une application rigoureuse de l'article 377.

Ce message n’a semble t-il pas été entendu par le TGI de Bayonne ! En effet, le JAF accède à la demande des requérantes en relevant "qu'il est de l'intérêt des deux mineures que les deux adultes présents au foyer partagent cette autorité parentale" ; la Cour de cassation, dans son arrêt du 8 juillet 2010 rejette très précisément cet argument.
Les autres conditions d’application de l’article 377 aux situations homoparentales ne sont même pas vérifiées, ou à peine :
- la stabilité du foyer : il est ici uniquement précisé que les deux femmes ont vécu en concubinage, puis se sont pacsées en 2009. Rien n'est dit sur la durée de leur concubinage. Le JAF fait seulement référence « au couple uni, bien intégré de [son] milieu familial et social » + «qualités éducatives et affectives reconnues »… On ne peut évidemment se contenter d’une telle motivation pour justifier une entorse au principe d’indisponibilité de l’autorité parentale.
- Surtout que la condition de circonstances particulières est (étonnamment) ignorée par le TGI…
En conclusion, ce jugement a été largement relayé par les médias comme constituant « un pas de plus vers l’homoparentalité ». Mais il ne faudrait tout de même pas exagérer les conséquences d’une telle décision : d’une part, parce qu’il s’agit « seulement » d’un jugement de première instance et d’autre part parce qu’en l’état actuel du droit, un tel jugement serait très certainement censuré en appel, sinon en cassation…

jeudi 3 novembre 2011

Travail à faire en droit des obligations (séance sur les nullités)

- Définir les termes : nullité, caducité, résolution, résiliation et inopposabilité

- Commentaire rédigé de Com. 23 octobre 2007

vendredi 28 octobre 2011

J. SAPIR, L'accord signé ne fait que prolonger l'agonie de l'euro (Marianne 2 - 28 oct 2011)

L'accord réalisé cette nuit ne fera que prolonger l'agonie de l'Euro car il ne règle aucun des problèmes structurels qui ont conduit à la crise de la dette. Mais, en plus, il compromet très sérieusement l'indépendance économique de l'Europe et son futur à moyen terme. C'est en fait le pire accord envisageable, et un échec eût été en fin de compte préférable.

Nos gouvernements ont sacrifié la croissance et l'indépendance de l'Europe sur l'autel d'un fétiche désigné Euro.

Huit mesures actées :

Si nous reprenons les mesures qui ont été actées nous avons :

1. Une réduction partielle de la dette mais ne touchant que celle détenue par les banques. Autrement dit c'est 100 milliards qui ont été annulés et non 180 (50% de 360 milliards). Cela ne représente que 27,8%. La réalité est très différente de ce qu'en dit la presse. Cela ramènera la dette grecque à 120% en 2012, ce qui est certes appréciable mais très insuffisant pour sortir le pays du drame dans lequel il est plongé.

2. Le FESF va se transformer en « fonds de garantie » mais sur les 440 milliards du FESF, seuls 270 milliards sont actuellement « libres ». Comme il faut garder une réserve c'est très probablement 200 milliards qui serviront à garantir à 20% les nouveaux emprunts émis par les pays en difficultés. Cela représente une capacité de 1000 milliards d'emprunts (200 / 0,2). C'est très insuffisant. Barroso avait déclaré qu'il fallait 2200 milliards et mes calculs donnaient 1750 milliards pour les besoins de la Grèce (avant restructuration) du Portugal et de l'Espagne. Cet aspect de l'accord manque totalement de crédibilité.

3. La recapitalisation des banques est estimée à 110 milliards. Mais, l'agence bancaire européenne (EBA) estimait ce matin la recapitalisation à 147 milliards (37 de plus). De plus, c'est sans compter l'impact du relèvement des réserves sur les crédits (le core Tier 1) de 7% à 9% qui devra être effectif en juin 2012. Il faudra en réalité 200 milliards au bas mot, et sans doute plus (260 milliards semblent un chiffre crédible). Tout ceci va provoquer une contraction des crédits (« credit crunch ») importante en Europe et contribuer à nous plonger en récession. Mais, en sus, ceci imposera une nouvelle contribution aux budgets des États, qui aura pour effet de faire perdre à la France son AAA !

4. L'appel aux émergents (Chine, Brésil, Russie) pour qu'ils contribuent via des fonds spéciaux (les Special Vehicles) est une idée très dangereuse car elle va enlever toute marge de manoeuvre vis à vis de la Chine et secondairement du Brésil. On conçoit que ces pays aient un intérêt à un Euro fort (1,40 USD et plus) mais pas les Européens. La Russie ne bougera pas (ou alors symboliquement) comme j'ai pu le constater moi-même lors d'une mission auprès du gouvernement russe en septembre dernier.

5. L'engagement de Berlusconi à remettre de l'ordre en Italie est de pure forme compte tenu des désaccords dans son gouvernement. Sans croissance (et elle ne peut avoir lieu avec le plan d'austérité voté par le même Berlusconi) la dette italienne va continuer à croître.

6. La demande faite à l'Espagne de « résoudre » son problème de chômage est une sinistre plaisanterie dans le contexte des plans d'austérité qui ont été exigés de ce pays.

7. L'implication du FMI est accrue, ce qui veut dire que l'oeil de Washington nous surveillera un peu plus... L'Europe abdique ici son « indépendance ».

8. La BCE va cependant continuer à racheter de la dette sur le marché secondaire, mais ceci va limiter et non empêcher la spéculation.

Les piètres conclusions que l'on peut en tirer...

Au vu de tout cela on peut d'ores et déjà tirer quelques conclusions :

- Les marchés, après une euphorie passagère (car on est passé très près de l'échec total) vont comprendre que ce plan ne résout rien. La spéculation va donc reprendre dès la semaine prochaine dès que les marchés auront pris la mesure de la distance entre ce qui est proposé dans l'accord et ce qui serait nécessaire.

- Les pays européens se sont mis sous la houlette de l'Allemagne et la probable tutelle de la Chine. C'est une double catastrophe qui signe en définitive l'arrêt de mort de l'Euro. En fermant la porte à la seule solution qui restait encore et qui était une monétisation globale de la dette (soit directement par la BCE soit par le couple BCE-FESF), la zone Euro se condamne à terme. En recherchant un « appui » auprès de la Chine, elle s'interdit par avance toute mesure protectionniste (même Cohn-Bendit l'a remarqué....) et devient un « marché » et de moins en moins une zone de production. Ceci signe l'arrêt de mort de toute mesure visant à endiguer le flot de désindustrialisation.

- Cet accord met fin à l'illusion que l'Euro constituait de quelque manière que ce soit une affirmation de l'indépendance de l'Europe et une protection de cette dernière.

Pour ces trois raisons, on peut considérer que cet accord est pire qu'un constat d'échec, qui eût pu déboucher sur une négociation concertée de dissolution de la zone Euro et qui aurait eu l'intérêt de faire la démonstration des inconséquences de la position allemande, mais qui aurait préservé les capacités d'indépendance des pays et de l'Europe.

Les conséquences de cet accord partiel seront très négatives. Pour un répit de quelques mois, sans doute pas plus de six mois, on condamne les pays à de nouvelles vagues d'austérité ce qui, combiné avec le « credit crunch » qui se produira au début de 2012, plongera la zone Euro dans une forte récession et peut-être une dépression. Les effets seront sensibles dès le premier trimestre de 2012, et ils obligeront le gouvernement français à sur-enchérir dans l'austérité, provoquant une montée du chômage importante. Le coût pour les Français de cet accord ne cessera de monter.

Politiquement, on voit guère ce que Nicolas Sarkozy pourrait gagner en crédibilité d'un accord où il est passé sous les fourches caudines de l'Allemagne en attendant celles de la Chine. Ce thème sera exploité, soyons-en sûrs, par Marine Le Pen avec une redoutable efficacité. Il importe de ne pas lui laisser l'exclusivité de ce combat.

La seule solution, désormais, réside dans une sortie de l'euro, qu'elle soit négociée ou non.

mercredi 26 octobre 2011

Travail à faire pour la séance 5 (cause du contrat)

- Fiche d'arrêt et éléments de commentaire (2 ou 3 axes de commentaire rédigés) de Com. 22 octobre 1996 (arrêt Chronopost).

- Commentaire entièrement rédigé de Plén. 29 octobre 2004. Pour cela, je vous invite à consulter les nombreuses notes de commentaire écrites sur cet arrêt : notamment RTD Civ. 2005. 104 note J. HAUSER ; Dr. famille (Jurisclasseur), 2004, n° 230, note B. BEIGNIER ; et Ph. MALAURIE, "Libéralité, bonnes moeurs et relations adultères, Defrénois, 2006, 38.

Je vous encourage également à lire l'arrêt suivant rendu en 1999 sur le même thème :

Cass. Civ. 1ère, 3 février 1999

Sur le moyen unique :

Vu les articles 1131 et 1133 du Code civil ;

Attendu que n’est pas contraire aux bonnes mœurs la cause de la libéralité dont l’auteur entend maintenir la relation adultère qu’il entretient avec le bénéficiaire ;

Attendu que le 26 octobre 1989, Roger Y... est décédé en laissant à sa succession son épouse et M. Christian Y... qu’il avait adopté ; que par testament authentique du 17 mars 1989, il a, d’une part, révoqué toute donation entre époux et exhérédé son épouse, et, d’autre part, gratifié Mme X... d’une somme de 500 000 francs ; que M. Christian Y... a soutenu que la cause de cette disposition était contraire aux bonnes mœurs ;

Attendu que pour prononcer la nullité de la libéralité consentie à Mme X..., la cour d’appel a retenu que la disposition testamentaire n’avait été prise que pour poursuivre et maintenir une liaison encore très récente ;

En quoi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 20 novembre 1995, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée.

mardi 25 octobre 2011

Séance 3 – Les avants-contrats (Eléments de correction)

Rien dans le Code civil = dans les projets de réforme : de larges développements.
 
Civ. 3ème, 10 décembre 1997 (offre avec délai et décès de l'un des pollicitants)
Le décès de l'un des pollicitants avant l'acceptation de l'offre de vente emporte–t-il caducité de l'acte ?
La Cour d'appel établit une distinction entre délai de levée d'option et délai de maintien de l'offre. - Délai de levée d'option : délai avant l'expiration duquel la levée d'option doit être faite. - Délai de maintien de l'offre : délai durant lequel le pollicitant s'engage à maintenir son offre.

En l'espèce, pour la Cour d'appel, il s'agit seulement d'un délai de levée d'option et non de maintien de l'offre ; dès lors, à défaut de l'acceptation du contrat de promesse formulée avant le décès de l'un des pollicitants, l'offre devient caduque.
La Cour de cassation censure la décision rendue par la juridiction d'appel en considérant qu'il résulte des propres constatations établies par cette dernière que les époux Y se sont engagés à maintenir leur offre jusqu'au 31 décembre 1991.

 Eléments de commentaire :

- Argument non évoquée par la Cour de cassation qui préfère se focaliser sur l'engagement de maintien de l'offre : théorie de la dualité de l'offre (J.-L. AUBERT). C'est l'idée selon laquelle l'offre faite par plusieurs pollicitants est maintenue par la survie de l'un d'entre eux. - Revirement de jurisprudence ? : « Mais attendu que la notification d'une vente sous condition suspensive au titulaire du droit de préemption, par le notaire chargé d'instrumenter, ne constituant pas une promesse de vente mais une simple offre, celle du 22 juillet 1981 devenue caduque par l'effet du décès de Mme X... survenu le 11 août 1981, ne pouvait être l'objet postérieurement à cette date d'une acceptation de la part de la SAFER » (Civ. 3ème, 10 mai 1989). A nuancer avec la présence d'un seul pollicitant en l'espèce (plusieurs dans l'arrêt du 10 décembre 1997)

 
Civ. 1ère, 1er décembre 2010.

 Quel est le sort d'un immeuble acquis à la suite d'une promesse unilatérale de vente assortie d'une importante indemnité de réservation signée pendant le mariage mais levée après une assignation en divorce ?
Véritable enjeu de l'arrêt : fixer la date exacte du transfert de propriété pour en déterminer le véritable propriétaire Qualification de la propriété d'un immeuble (propre ou commun) acquis à cheval entre le mariage, une procédure de divorce et le divorce.
Article 1401 : La communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres.
Deux choses l'une :
-Soit le transfert de propriété a lieu pendant le mariage : bien commun-Soit il a lieu après : bien propre
En l'espèce, la chronologie est la suivante :
-Promesse de vente signée le 6 mai 1958
-Assignation en divorce délivrée le 18 mai 1959
-Acte authentique signée le 13 avril 1960
-Divorce prononcé le 21 mai 1962.

 Ancien article 262-1 : dans les procédures contentieuses, le divorce produit ses effets entre les époux à compter de l'assignation. Droit nouveau : à compter de l'ordonnance de non-conciliation.
Il s'agit ici d'une promesse unilatérale de vente : qui n'engage donc que le promettant. Dès lors, la vente n'est formée que lorsque le bénéficiaire de cette promesse ne décide d'en lever l'option (pas sans avant et sans effet rétroactif), sauf stipulation contraire. De même, l'immeuble en question fait l'objet d'une VEFA, qui exige la signature d'un contrat de réservation, laquelle ne peut opérer non plus un transfert de propriété.
Caractère indifférent du montant des indemnités de réservation (revirement de jurisprudence). Jusqu'alors, la Cour de cassation avait tendance à assimiler les promesses unilatérales de vente à des promesses synallagmatiques (et donc à une vente), celles qui contiennent des indemnités de réservations très élevées (proche du prix de vente). V. notamment Com., 13 février 1978 et Civ. 3ème, 31 mars 1981.
 
Civ. 3ème, 23 juin 2004.

Toute la phase contractuelle est dominée par le principe de bonne foi. Cette règle est posée à l'article 1134 dans son alinéa 3. Elle peut par exemple justifier l'allocation de D/I lors de la rupture de pourparlers contractuels, alors même qu'en principe celle-ci est libre.
La mauvaise foi du vendeur exonère-t-elle l'acquéreur de l'accomplissement de la condition suspensive prévue dans la promesse de vente ? En l'espèce, une promesse synallagmatique de vente est conclue sous diverses conditions suspensives, dont le paiement d'un prix et des frais dans la comptabilité du notaire au plus tard le 30 janvier 1998. Dans un courrier du 7 janvier, le vendeur et son conseil demandent au notaire « d'arrêter » la vente. Puis le 30 janvier, date limite de la réalisation des conditions suspensives, ils derniers informent l'acquéreur que la vente ne peut plus se faire. Ce dernier sollicite la réalisation de la vente. Par demande reconventionnelle, le vendeur invoque la caducité de la promesse, faute de réalisation des conditions suspensives par le co-promettant. La Cour d'appel constate la caducité de la promesse synallagmatique. La vente était conditionnée par la réalisation de l'engagement de l'acquéreur de consigner une somme sur le compte du notaire ; à défaut, la vente ne peut être réalisée. Saisie d'un pourvoi, la Cour de cassation invite la juridiction d'appel à se focaliser sur le comportement du vendeur et de son conseil. En effet, avant que le délai de réalisation de la condition suspensive n'expire, ils ont, par courrier, demandé à ce que la vente soit « arrêtée ». Et lorsque le délai fut définitivement écoulé, ils ont sollicité la « nullité » de la promesse. Sous le visa de l'article 1134 al 3, la Haute juridiction considère que ce comportement est caractéristique de la mauvaise foi contractuelle ; que dès lors, le vendeur ne peut se prévaloir de la non réalisation de la condition suspensive.
Art 1134Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. 
 Art. 1178La condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement.
-La Cour de cassation invite la Cour d'appel à se focaliser sur le comportement du vendeur et de son conseil. En effet, avant que le délai de réalisation de la condition suspensive, ils ont, par courrier, demandé à ce que la vente soit « arrêtée ». Et lorsque le délai fut définitivement écoulé, ils ont sollicité la « nullité » de la promesse.
Art. 1176
Lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé. S'il n'y a point de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie ; et elle n'est censée défaillie que lorsqu'il est devenu certain que l'événement n'arrivera pas.
Sanction : caducité de la promesse (et non nullité comme le prétendent le vendeur et son conseil en l'espèce). V. not. Civ. 3ème, 15 janvier 2003.
- Préférence pour l'article 1134 plutôt que l'article 1178. Application d'un texte général plutôt qu'un texte spécial. L'article 1134 pouvait très bien s'appliquer en l'espèce.

mardi 18 octobre 2011

Obligations - Le dol et la violence


I - Le dol
Art. 1116 : le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
Il s'agit de la malhonnêteté d'une partie visant à induire l'autre en erreur afin de la pousser à contracter.

Différences avec l'erreur :
Le dol est une erreur provoquée
Le dol est un vice du cst volontairement causé par le cocontractant
Le dol ouvre droit à des D/I

1° Eléments constitutifs du dol :
a - Elément matériel : action visant à tromper l'autre
  • Manœuvres : c'est ce que vise l'article 1116 mais la jp a une lecture extensive de cette disposition. Il s'agit de machinations proche de l'escroquerie en droit pénal.
  • Mensonges : « un simple mensonge, non appuyé d'actes extérieurs, peut constituer un dol » Civ. 3, 6 novembre 1970. Il convenait auparavant de distinguer bon (pour un bon commerce) et mauvais dol. Mais cette distinction ne semble plus d'actualité → à l'heure de la protection du consommateur et du devoir de l'informer, les juges sont peu enclins à qualifier de bon dol le mensonge professionnel.
  • Réticence dolosive : il s'agit du silence gardé par une partie sur un élément d'information relatif au contrat qui, s'il avait été connu, aurait dissuadé l'autre de contracter. Pourtant, dans un tel cas, le contractant n'a pas provoqué l'erreur mais l'a tout simplement exploitée. La difficulté c'est de déterminer jusqu'où l'exigence de loyauté entre les parties doit s'imposer. La jurisprudence récente a affirmé que le silence de l'acheteur sur la réelle valeur du bien qu'il acquiert ne peut être sanctionné par le biais du dol (Civ. 1ère, 3 mai 2000 et confirmé par Civ. 3ème, 17 janvier 2007 : « L'acquéreur, même professionnel, n'est pas tenu d'une obligation d'information au profit du vendeur sur la valeur du bien acquis ») 

b - Elément intentionnel du dol : volonté de tromper le cocontractant (différence ici avec l'erreur). La preuve du caractère intentionnel doit en principe être rapportée par la victime. Mais certains arrêts récents ont pu considérer que le vendeur professionnel est tenu d'une obligation d'information dont il lui incombe de prouver qu'il l'a exécutée (Civ.1ère, 15 mai 2002.
Cette jurisprudence donne raison à Terré, Simler et Lequette qui considère que le dol, en méconnaissance de l'art. 1116 al. 2, serait présumé lorsque la réticence est le fait d'un professionnel.
Remise en cause de cette faveur faite à la victime avec l'arrêt
Com. 28 juin 2005 ?
« Le manquement à une obligation précontractuelle d'information ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci ». A discuter

Caractères du dol :
a - Le dol doit être déterminant : art. 1116 il doit être évident que « sans ces manœuvres l'autre partie n'aurait pas contracté ».
D'où la distinction faite traditionnellement entre dol principal (la partie n'aurait pas contracté) qui conduirait à la nullité du contrat et dol incident (la partie aurait contracté mais à des conditions différentes) qui ne pourrait qu'engager la responsabilité du cocontractant.
Toutefois, la jurisprudence récente semble avoir abandonné cette distinction : Civ. 3ème, 22 juin 2005 : Société Simco a conclu une promesse de vente d'un immeuble de grande hauteur avec la société Saint-Pray. Cette première a cependant dissimulé à Saint-Pray la situation exacte de l'immeuble et le montant réel des charges de sécurité. La CA constate que si Saint-Pray avait eu ces informations, elle aurait certes acquis l'immeuble mais à un prix inférieur. La Cass. considère alors qu'il y a nullité de la vente pour dol (pas nécessaire de prouver un dol principal = la non conclusion du contrat par Saint-Pray si elle avait eu connaissance de l'info).

b - Le dol doit avoir provoqué l'erreur du cocontractant : toute erreur peut être prise en compte. L'erreur sur la valeur n'est pas un vice du consentement en elle-même mais lorsqu'il y a intention frauduleuse, elle peut être constitutive d'un dol.
Certains arrêts avaient pu laisser croire que l'erreur provoquée n'était pas une condition du dol : le dol intègrerait alors dans son champ d'application toute pression exercée sur le consentement ou toute malhonnêteté dans la phase de formation du contrat même si celle-ci n'avait pas conduit à une fausse représentation de la réalité. Condamné par la Cass. : Civ. 1ère, 10 juillet 1995 : la CA avait annulé, sur le fondement du dol, une reconnaissance de dette signée suite aux pressions exercées par un créancier sans que la victime n'en ait conçu une fausse représentation de la réalité. La Cass. reproche à la CA d'avoir retenu le dol « sans constater … des manœuvres destinées à provoquer une erreur de nature à vicier le consentement ».

c - L'erreur n'a pas à être excusable : Civ. 3ème, 21 février 2001 : Une SCI a vendu un immeuble à usage d'hôtel à M. Plessis. Puis, une autre société lui a vendu le fonds de commerce exploité dans cet immeuble. M. Plessis demande annulation de la vente pour dol au motif que l'exploitation ne possédait pas d'autorisation d'ouverture et n'était pas conforme aux règles de sécurité, ce que lui avaient caché la SCI et la société. La CA refuse l'annulation considérant que l'erreur est ici inexcusable, M. Plessis ayant l'obligation de se renseigner compte tenu du caractère professionnel de l'opération. La Cass. casse l'arrêt d'appel au motif « qu'une réticence dolosive rend toujours excusable l'erreur provoquée » + « la mauvaise foi de l'une des parties rend toujours l'erreur de l'autre excusable ».

d - Le dol doit émaner du cocontractant : aspect délictuel du dol qui reste ici présent.
Le dol du tiers ne donnera lieu qu'à des D&I sur fondement de 1382. Rq : selon la jurisprudence, la victime pourrait toutefois ici solliciter la nullité sur fondement de l'erreur (Civ. 1er, 3 juillet 1996). Mais, attention, dol du représentant ou dol d'un complice = nullité.
 
Sanction du dol : Nullité relative du contrat. La RCD du cocontractant peut également être engagée. Libre choix de la victime, elle peut décider d'agir sur les deux fondements à la fois ou l'un ou l'autre de ces fondements seulement. La seule obtention de D&I permet un certain rééquilibrage du contrat.

II - La violence
Art. 1111. Il s'agit d'une contrainte exercée sur le cocontractant pour le contraindre à donner son consentement au contrat.

1° types de violence : Violence physique ou morale (pressions psychologiques) ou économique (abus de puissance économique du cocontractant. Admise depuis peu par la Cass. : Civ. 1ère, 3 avril 2002 : La rédactrice d'un livre avait cédé ses droits d'auteur à son employeur. Elle est licenciée en 1997 et demande alors l'annulation de cette cession pour violence ayant vicié son consentement.
La CA accueille cette demande au motif que la rédactrice était au moment de la cession dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de son employeur, la société de ce dernier étant dans une phase difficile ou nombreux licenciements étaient projetés.
Cass. : « Seule l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, peut vicier de violence son consentement » Or en l'espèce, la CA n'a pas constaté que lors de la cession la rédactrice était elle-même menacée sur le plan du licenciement, ni que l'employeur avait exploité auprès d'elle cette circonstance pour la convaincre.
Difficulté pour obtenir annulation sur ce fondement car la Cass. exige de la victime qu'elle prouve le caractère illégitime de la situation de puissance économique.
 
Caractères de la violence :
  • contrairement au dol, l'auteur de la violence est indifférent.
  • La violence doit être illégitime : càd que l'acte constitutif de violence ne doit pas être autorisé par le droit positif (ex : exercice des voies de droit ou du droit de grêve). Ainsi, la situation objective de domination économique d'une partie sera le plus souvent dépourvue de caractère illégitime.
  • La violence doit être déterminante : la violence doit avoir altéré le consentement du cocontractant. Même si l'art. 1112 est ambiguë sur ce point, les juges se livrent ici à une appréciation in concreto : prise en compte de la condition physique et intellectuelle de la victime, son âge ou toute autre circonstance particulière.
  • Rq : violence peut entrainer la nullité alors même qu'elle n'a pas été exercée sur la partie directement mais sur « son époux ou épouse, sur ses descendants ou ses ascendants » Art. 1113.

jeudi 13 octobre 2011

Obligations - L'erreur

Art. 1109 : il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.


Art. 1110 : L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.
Elle n'est point une cause de nullité lorsqu'elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention.

Sanction de l’erreur : nullité relative du contrat.

Deux sources d’erreur sont proposées par le Code civil (erreur sur la substance et erreur sur la personne) mais la pratique en a révélé d’autres.


I – Types de l’erreur

1° Cas de l’erreur obstacle :
a) Origine : Création doctrinale
b) Contenu : erreur sur la nature du contrat (je pensais vendre un bien alors que mon cocontractant croyait signer un contrat de bail) et erreur sur l’identité de la chose objet du contrat (je pensais acheter un mas de Provence alors que le contrat porte un bateau). Erreur également sur la devise (confusion entre francs et euros = Orléans, 13 mai 2004).
c) Conséquences : selon PLANIOL, « ce n’est pas un contrat, c’est un malentendu ». L’erreur est telle qu’il ne peut y avoir accord de volontés. Certains auteurs ont invoqué la théorie de l’inexistence (une telle erreur dépasse la notion de vice du consentement).

2° Erreur sur la substance :

a) Contenu : « l’erreur sur la substance même de la chose ». Porte à la fois sur la matière même de la chose (j’achète un bijou en diamant alors que ce n’est que de l’oxyde de zirconium) et sur la qualité substantielle de la chose, c’est-à-dire l’authenticité (je pensais céder la copie d’un tableau alors qu’il s’agit de l’original Cass. civ. 1ère, 22 février 1978, sur l’œuvre de Nicolas Poussin), l’origine et l’utilisation (je pensais acheter un terrain constructible alors qu’il ne l’est pas).
b) Tempérament : L’aléa chasse l’erreur ! l’erreur ne peut être obtenue si le doute sur l’authenticité est entré dans le champ contractuel (je vends un tableau attribué à …) Cass. civ.1ère, 24 mars 1984.
c) Cas de l’erreur sur la valeur : en principe, l’erreur sur la valeur est exclue. Les arguments de cette exclusion sont nombreux : incitation à la vigilance de chaque contractant, inspiration libérale de notre droit des contrats, perception différente de la valeur (et c’est finalement cela qui créé la richesse), risque d’encourager un contentieux nourri. Action alternative : lésion. Mais en pratique, l’erreur sur la valeur sera souvent la conséquence d’une erreur sur la substance de la chose.


3° L’erreur sur la personne :

a) Principe : l’erreur sur la personne n’est pas une cause de nullité
b) Exception : elle peut l’être toutefois quand la considération de cette personne est la cause principale de la convention. Importance de l’intuitu personae
c) Illustrations : cautionnement, contrat de travail, droit des affaires (erreur de fournisseur)…


4° L’erreur de droit :

a) Traditionnellement admise par la jurisprudence = l’erreur est admise lorsque le consentement de l’une des parties a été donnée par l’idée fausse que cette partie avait de la nature des droits dont elle croyait se dépouiller ou acquérir par l’effet du contrat (Civ. 17 novembre 1930).
b) Illustrations : existence d’un droit de préemption (Civ. 3ème, 20 octobre 2010). Refus de prendre en considération l’erreur de droit consécutive à une diversité de jurisprudence et à une controverse établie (Soc. 24 octobre 1946).


II – Caractères de l’erreur

Double caractère : pour être retenue, l’erreur doit être déterminante (1) et excusable (2).

1° Erreur déterminante :

a) L’erreur doit être déterminante (condition souvent confondue avec la preuve du caractère substantiel de la qualité défaillante). Condition implicitement posée par la lettre du Code civil : « si le consentement n’a été donné que par erreur… ».
b) Appréciation in concreto (personnalité et âge de la victime, compétences particulières…) [s’oppose à l’appréciation in abstracto : ce qui est objectivement recherché par le contractant type] par le juge au jour où le consentement est donné mais les parties peuvent utiliser, pour apporter cette preuve, des éléments postérieurs à la conclusion du contrat (cf. affaire Poussin, les victimes ont prouvé leur erreur par la production d’avis d’experts postérieure à la vente).


2° Erreur excusable :

a) Principe : De non vigilantibus non curat praetor (le juge ne protège pas ceux qui ne s’occupent pas de leurs affaires). L’erreur n’entraîne pas l’annulation du contrat lorsqu’elle est inexcusable. Tel sera le cas quand il était facile à un employeur de se renseigner sur la situation de la personne qu’il emploie (Cass. Soc., 3 juillet 1990), à un acheteur amateur d’art qui ne pourra arguer avoir confondu « signé Courbet » et « attribué à Courbet » (Cass. Civ. 1ère, 16 décembre 1964).
b) Exception : en principe, le caractère inexcusable de l’erreur de droit est indifférent (Cass. Civ. 3ème, 20 octobre 2010. Arrêt abondamment commenté)

mercredi 12 octobre 2011

Cass. Civ. 3ème, 20 octobre 2010. Indifférence du caractère inexcusable de l'erreur de droit



Sur le moyen unique :


Vu l'article 1109 du code civil ;

Attendu qu'il n'y a pas de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 février 2009), que les société Pitch promotion et Coffim ont acquis, le 25 octobre 2003, l'intégralité d'un immeuble, qu'à l'occasion de la mise en vente des appartements sis dans cet immeuble, elles ont signifié à Mme X..., locataire d'un lot, et à Mme Y..., occupante en vertu d'une clause du bail, un offre de vente sur le fondement de l'article 10-I de la loi du 31 décembre 1975 ;

Attendu que pour dire parfaite la vente au profit de Mme Y..., l'arrêt retient que la société Compagnie foncière et financière Morizet-Coffim propriétaire de l'immeuble, avait commis une erreur inexcusable en sa qualité de professionnel de l'immobilier en se méprenant sur l'existence d'un droit de préemption au profit du tiers occupant les lieux ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le caractère inexcusable de l'erreur de droit à l'origine de la notification du droit de préemption est sans incidence sur la validité de l'offre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Compagnie foncière et financière Morizet, la société civile immobilière 106 rue Cardinet et par Mme Y... ;


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie foncière et financière Morizet et la SCI 106 rue Cardinet à Paris

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité de la vente formée entre la SCI 106 rue Cardinet et la Sté COFFIM, d'avoir constaté la vente intervenue entre la COFFIM et Madame Y..., d'avoir condamné la Sté COFFIM in solidum avec la SCI 106 rue Cardinet à restituer les loyers versés depuis décembre 2006 jusqu'à l'arrêt et de l'avoir condamnée à verser à Madame Y... la somme de 2000 € à titre de dommages intérêts,

AUX MOTIFS QUE l'erreur n'est cause de nullité que dans la mesure où elle est excusable ; que la Sté COFFIM, propriétaire du bien litigieux antérieurement à l'offre des 22 et 23 août 2006, disposait du bail du 15 mars 1996, consenti à Madame X..., en application de la loi du 6 juillet 1989 et qui précisait que les lieux seraient occupés par Madame Y... ; qu'exerçant, selon les mentions de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, l'activité de promotion immobilière, de gestion des sociétés immobilières, d'acquisitions immobilières, cette société a commis une erreur inexcusable en sa qualité de professionnel de l'immobilier en se méprenant sur l'existence d'un droit de préemption au profit du tiers occupant les lieux ; qu'en conséquence, l'offre n'est pas nulle et qu'ayant été acceptée, la vente au profit de Madame Y... est parfaite, le jugement est confirmé de ce chef ; qu'il y a lieu de condamner la SCI 106 rue Cardinet in solidum avec la Sté COFFIM qui est à l'origine de la situation litigieuse à restituer à Madame Y... les loyers versés par elle depuis décembre 2006 jusqu'à la date du présent arrêt ; que Madame Y... justifie avoir dû cesser son travail pendant dix jours en raison d'un état dépressif lié à des problèmes locatifs ; que le préjudice moral subi sera réparé par la somme de 2000 € à titre de dommages intérêts ;

1 ) ALORS QUE conformément à l'article 1131 du code civil, l'obligation sur une fausse cause ou une cause erronée est nulle et ne peut avoir d'effet ; qu'en l'espèce, la Sté COFFIM a, sur le fondement exprès de l'article 10 I de la loi du 31 décembre 1975, notifié une offre de vente, dans la croyance erronée de ce que le destinataire de l'offre était titulaire du droit de préemption ; que la cour d'appel, pour décider que l'acceptation de l'offre ainsi émise en considération d'une cause erronée avait formé la vente et que celle-ci était valable, s'est déterminée en considération du caractère inexcusable de l'erreur du bailleur, caractère sans effet quant à la nullité de l'offre résultant de la fausse cause à l'origine de sa notification ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé par refus d'application la disposition susvisée et par fausse application l'article 1109 du code civil ;

2 ) ALORS QUE à titre subsidiaire, conformément aux dispositions de l'article 10 I de la loi du 31 décembre 1975, dans le cas où, par erreur, le bailleur notifie une offre de vente à un tiers dépourvu du droit de préemption, l'acceptation de l'offre par ce destinataire de l'offre ne peut ni couvrir la nullité de celle-ci ni conférer en conséquence à la vente un caractère parfait, faute pour le destinataire de l'offre d'avoir qualité pour l'accepter ; qu'en retenant que la Sté COFFIM, bailleur / vendeur, avait commis, en raison de sa compétence professionnelle, une erreur inexcusable, exclusive de la nullité de l'offre de vente, en se méprenant sur l'existence du droit de préemption du tiers occupant les lieux, la cour d'appel qui n'a pas recherché si l'acceptation de l'offre par une personne ne jouissant pas du droit de préemption était de nature à former la vente mais qui a néanmoins déclaré la vente parfaite a, en statuant ainsi, privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ensemble les articles 1101 et 1109 du code civil.

mardi 4 octobre 2011

Société de consommation => quid des familles ?

Une récente campagne de publicité lancée par ERAM fait état du lien très net existant entre une société de consommation sans limite (menant à la société du divertissement selon l'expression chère à Guy DEBORS) et la destruction de la famille unie... La marque de chaussures, de façon provocante (mais talentueuse), surfe sur cette vague. La publicité n'a plus aucune limite mais ne fait-elle pas finalement qu'entériner un état de (dé)fait(e).On ne mesure peut-être pas suffisamment à quel point cette société du tout-marchand est nuisible pour nos sociétés occidentales. Chacun appréciera.


jeudi 29 septembre 2011

Selon que vous serez puissant ou misérable... Mise à prix de la justice : 35 €

LOI n°2011-900 du 29 juillet 2011 - art. 54 (V)

I.-Par dérogation aux articles 1089 A et 1089 B, une contribution pour l'aide juridique de 35 € est perçue par instance introduite en matière civile, commerciale, prud'homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou par instance introduite devant une juridiction administrative.

II. ― La contribution pour l'aide juridique est exigible lors de l'introduction de l'instance. Elle est due par la partie qui introduit une instance.

III. ― Toutefois, la contribution pour l'aide juridique n'est pas due :
1° Par les personnes bénéficiaires de l'aide juridictionnelle ;
2° Par l'Etat ;
3° Pour les procédures introduites devant la commission d'indemnisation des victimes d'infraction, devant le juge des enfants, le juge des libertés et de la détention et le juge des tutelles ;
4° Pour les procédures de traitement des situations de surendettement des particuliers et les procédures de redressement et de liquidation judiciaires ;
5° Pour les recours introduits devant une juridiction administrative à l'encontre de toute décision individuelle relative à l'entrée, au séjour et à l'éloignement d'un étranger sur le territoire français ainsi qu'au droit d'asile ;
6° Pour la procédure mentionnée à l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;
7° Pour la procédure mentionnée à l'article 515-9 du code civil ;
8° Pour la procédure mentionnée à l'article L. 34 du code électoral.

IV. ― Lorsqu'une même instance donne lieu à plusieurs procédures successives devant la même juridiction, la contribution n'est due qu'au titre de la première des procédures intentées.

V. ― Lorsque l'instance est introduite par un auxiliaire de justice, ce dernier acquitte pour le compte de son client la contribution par voie électronique.

Lorsque l'instance est introduite sans auxiliaire de justice, la partie acquitte cette contribution par voie de timbre mobile ou par voie électronique.

Les conséquences sur l'instance du défaut de paiement de la contribution pour l'aide juridique sont fixées par voie réglementaire.

VI. ― La contribution pour l'aide juridique est affectée au Conseil national des barreaux.

VII. ― Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article, notamment ses conditions d'application aux instances introduites par les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.

NOTA:

Loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 article 54 II : Le I est applicable aux instances introduites à compter du 1er octobre 2011.

Lien vers le décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 qui précise les modalités d'application de cette nouvelle taxe : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000024602249&dateTexte=&categorieLien=id



Jean de la FONTAINE - Les Fables, Livre VII - Les animaux malades de la peste

Un mal qui répand la terreur,

Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom)
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n'en voyait point d'occupés
A chercher le soutien d'une mourante vie ;
Nul mets n'excitait leur envie ;
Ni Loups ni Renards n'épiaient
La douce et l'innocente proie.
Les Tourterelles se fuyaient :
Plus d'amour, partant plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L'état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons
J'ai dévoré force moutons.
Que m'avaient-ils fait ? Nulle offense :
Même il m'est arrivé quelquefois de manger
Le Berger.
Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.
- Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;
Et bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur
En les croquant beaucoup d'honneur.
Et quant au Berger l'on peut dire
Qu'il était digne de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire.
Ainsi dit le Renard, et flatteurs d'applaudir.
On n'osa trop approfondir
Du Tigre, ni de l'Ours, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L'Ane vint à son tour et dit : J'ai souvenance
Qu'en un pré de Moines passant,
La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et je pense
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net.
A ces mots on cria haro sur le baudet.
Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu'il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable !
Rien que la mort n'était capable
D'expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

mercredi 28 septembre 2011

Quel avenir pour le droit des obligations ?

Conférence - B. Mallet-Bricout
Mai 2009... Les choses n'ont pas bougé depuis...
Université Jean Moulin Lyon 3



INTRODUCTION

1° réformer le Code, une idée ancienne
- Déjà en 1904, la doctrine s’est interrogée sur la réforme du Code, qui apparaissait bien incomplet et obsolète au regard de la réalité juridique de l’époque
- En 1804, on n’a pas forcément appréhendé les changements, évolution des mœurs…
- 100 ans après, le Code civil ne reflète plus la réalité => le livre du centenaire, qq modifications espérées (même mouvement qu’aujourd’hui)
- Encore plus au 21ème siècle…

- Illustrations :
• Théorie de l’abus de droit (1915, Clément Bayard)
• Elargissement de l’interprétation de l’art. 1384

- Mise en lumière de certaines incohérences dans le droit des obl., des biens et de la responsabilité

Situation du DO à l’aube du 21ème siècle ? => CC n’est plus qu’une base, ne suffit pour maîtriser l’ensemble du droit des obligations

2° le code, base (insuffisante) du droit des contrats
- Textes à l’extérieur du CC => fragmentation des règles applicables
- Absence de concordance entre le droit écrit dans le CC et le droit positif => décalage qui remet en cause la légitimité du Code et le choix de la France de fonder son droit des contrats sur un Code
- Perte totale de l’esprit napoléonien => n’est plus le code des citoyens, est devenu un Code de juristes

3° la récente décision du gouvernement de rénover le droit des obligations
- Décision récente de rénover le droit des obligations

- Une action réformatrice du Code clairement engagée depuis 2000 :
• Droit de la preuve (mars 2000)
• Droit des successions, autorité parentale, nom, divorce
• Filiation, libéralité, régimes matrimoniaux, suretés…
• Rien sur le droit des contrats, ni sur le droit de la responsabilité

- Une initiative présidentielle et gouvernementale en 2004
• Bicentenaire du Code civil, de nombreuses manifestations, colloque à la Sorbonne important au cours duquel J. Chirac a demandé aux juristes français de s’atteler à la réforme du DO

- Méthode législative particulière
• Mise en place d’un groupe d’universitaires sous la direction de P. Catala => avant-projet réforme du droit des obligations = 1ère base de discussion et de critiques
• Autre groupe universitaire sous la direction de F. Terré (académie des sciences morales et politiques), « Pour une réforme du droit des contrats » => rendu public en juillet 2008
• Le ministère de la justice a lancé sa propre étude à partir des 2 avant-projets concurrents + ouverture aux droits européens des contrats (Code Gondolfi) + travail mené sur le cadre commun de référence (la commission européenne a identifié a identifié un besoin européen dans le droit des contrats pour éliminer les obstacles à la libre circulation des biens et des services. Mise en place en 2003 d’un plan d’action. Objectif est d’améliorer l’acquis communautaire, principes communs dans le droit des contrats dégagés par un groupe pour créer un instrument optionnel pour les contractants européens. Plusieurs activités dont la réflexion autour du cadre commun de référence dans le domaine contractuel. Plusieurs volets prévus = définition et langage commun, principes fondamentaux. A terme rédaction de contrats type européens) + droit comparé
• 2 versions successives de la Chancellerie, en attendant la version définitive qui devrait arriver. La chancellerie négocie avec différents interlocuteurs et praticiens du droit (banque, magistrats, avocat, CCIP, notaires, MEDEF = grande influence)

- Pourquoi cette réforme prend-elle autant de temps ?
• lobbying efficace, secret pour éviter les fuites et les critiques des universitaires
• influence internationale => bonne réforme peut permettre d’influencer la réflexion menée sur le droit européen des contrats


OBJECTIFS DE LA REFORME

Réforme de la prescription a eu lieu
2ème : Contrat
3ème : Régime de l’obligation
4ème : Responsabilité

- rendre sa cohérence au code civil, améliorer l’accessibilité
• cohérence formelle : concernant le plan => réécriture du Titre III du livre 3 du Code civil : chapitre préliminaire (sources des obligations), 1er sous-titre intitulé le contrat divisé en 11 chapitres = définition, principes directeurs, formation (négociation, offre et acceptation, date et lieu de formation, avant-contrats), représentation, forme, validité (cst, capacité, obl contractuelles, intérêt, licéité, sanctions, restitutions), exécution, effets, interprétation et qualification, inexécution, contrat électronique = PLAN PEDAGOGIQUE ET NON DOGMATIQUE. = changement de place de la lésion (envisagée dans le contenu du contrat et non dans le consentement, apparition de subdivisions, de la représentation (et plus seulement le mandat), durée du contrat, phase précontractuelle, offre et acceptation. MAIS pas de chapitre sur la preuve, au régime des obl (traitée à part), rien de nouveau sur la responsabilité contractuelle.

• cohérence au fond : règles mises en œuvre par les juges
o cohérence-constat (codification stricte de certaines règles jurisprudentielles affirmées) : règles sur l’offre, obligation précontractuelle d’information (art. 50), exception d’inexécution, réticence dolosive
o cohérence-consolidation (jp controversées ou peu confirmées) : violence économique, dol incident, jp Chronopost (art. 87)
o cohérence-affirmations (contra-jurisprudence) : pacte de préférence (la sanction est la nullité seulement et non la substitution du bénéficiaire au tiers acquéreur, notion de mauvaise foi au détriment de la collusion frauduleuse), promesse unilatérale

- moderniser le droit des contrats = réfléchir à de nouvelles règles, améliorer la prévisibilité
• introduction de nouvelles notions : concepts connus (contrats-cadre, contrats interdépendants, cession de contrat…), concepts tirés du droit comparé (« contenu » du contrat), distinction entre obligation expresse et implicite
• substitution de l’intérêt à la cause : chaque partie doit avoir un intérêt au contrat qui justifie son engagement (85 et s.). Concept qui reste proche de la cause objective.
• Introduction de la notion de clause abusive dans le Code (incertain)
• Le prix « autonomisé » dans le Code = élément autonome, dispositions propres. Si prix abusif, possible saisine du juge
• La rupture unilatérale du contrat : un équilibre délicat => admission de la résolution unilatérale préventive du contrat : mise en demeure préalable, motivation, résolution aux risques et périls de celui qui l’exerce, possible contestation de l’autre (procédure de référé qui permet la suspension de la résolution, et ordonner l’exécution = le juge maintient une main sur le contrat, à défaut d’en avoir une sur le contenu)

- mettre en exergue les « valeurs contractuelles » françaises, mettre en valeur l’attractivité de notre droit des contrats
• nouveauté déjà contestée
• 3 principes directeurs (on parlerait plutôt de « dispositions générales ») : liberté contractuelle (« chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter », liberté de choisir son cocontractant, liberté de déterminer le contenu et la forme du contrat sous réserve de l’OP et des bonnes mœurs MAIS discrimination, droit de préemption, droit de la concurrence etc, … sont des atténuations importantes), sécurité contractuelle (force exécutoire du contrat, prohibition de toute révocation ou toute modification unilatérale du contrat, exiger l’exécution forcée de l’obl (devient le principe et non plus l’exception), si le promettant se rétracte pendant le délai de réflexion, cela n’empêche pas la formation forcée du contrat) bonne foi (instrument de pouvoir donné au juge ?). Le principe de cohérence n’a pas été retenu mais art 153 fait référence directement référence à cette obligation (interprétation cohérente des clauses les unes par rapport aux autres)
• Valeur juridique ? « élévation au rang de principes directeurs » = quelle signification ? principes généraux à la disposition du juge ?
• Attachement aux racines, volonté de conserver sa spécificité => à replacer dans le contexte de concurrence forte entre les systèmes juridiques
• Inspiration directe : Principes Unidroit

- Renforcer le pragmatisme du droit français des contrats
• Accueil favorable de l’inventivité des praticiens du droit = vision du contrat plus commercialiste que civiliste, d’abord appréhendé comme une relation d’affaires
• Relative mise à l’écart des théories doctrinales = seulement la théorie des nullités et de l’opposabilité (seules marques doctrinales du projet)
• Abandon de plusieurs symboles du droit français des contrats : articles symboliques (1134, 1165) et la cause à laquelle est préféré le concept « d’intérêt »
• Reprise pure et simple de certains mécanismes étrangers pragmatiques : ex de l’action interrogatoire (dans le cadre du pacte de préférence, permettre à un tiers de demander au bénéficiaire s’il existe un pacte de préférence. Dans le cadre de la représentation, possibilité de clarifier les pouvoirs du représentant)


LES DEFAUTS ET REGRETS DU PROJET

- Ex de défaut : textes relatifs à la représentation

- Ex de regrets
• Régime de l’imprévision : absence de prise en considération. Ce qui est prévu : une partie peut demander à l’autre renégocier le contrat mais poursuite des obl du contrat. Intervention du juge que si les parties l’acceptent, sinon il ne peut pas. Quel impact des ppes directeurs ? Dans ce cas si l’un des cocontractants refuse de donner son accord au juge de MF => le juge pourrait alors adapter le contrat
• Obligation de donner : reprise dans la classification tripartite
• La lésion qualifiée : déséquilibre manifeste entre les obl issues du contrat, rejet de cette perspective pour l’instant, pas de nullité


CONCLUSION

Malgré ces défauts, projet moderne, pédagogique, ouvert sur les droits étrangers et européens => rénovation qui n’est pas artificielle

lundi 26 septembre 2011

Quand la famille protège du surendettement…

Quand la famille protège du surendettement…

Par Younes Bernand,
Université Jean-Moulin Lyon III,
Centre de droit de la famille
Article paru dans la Revue Droit et Patrimoine - Septembre 2011 (Rubrique Débat)


Alfred Sauvy, en statisticien averti, faisait observer que « les chiffres sont des êtres fragiles, qui à force d’être torturés, finissent par avouer tout ce que l’on veut leur faire dire ». Il illustrait son propos par cet exemple évocateur : « Une femme est fidèle à son mari. Une autre est infidèle au sien deux fois par semaine. En moyenne, ces deux femmes trompent leur mari une fois par semaine ».

On retiendra dès lors que la prudence est de mise lorsqu’il s’agit de tirer des enseignements de données chiffrées.

Cependant, il est des matières où les chiffres parlent d’eux-mêmes et où leur seule lecture offre un aperçu si fidèle de la réalité, qu’il est permis d’en extraire une idée, au fond, assez peu contestable.

Il en est ainsi de la récente enquête typologique sur le surendettement réalisée par la Banque de France. L’objet de cette étude visait à « analyser le profil sociodémographique et professionnel, le niveau et la structure des ressources ainsi que les caractéristiques de l’endettement des particuliers en situation de surendettement ».

Le droit du surendettement génère aujourd’hui un contentieux de masse bien au-delà de ce « qu’on aurait pu imaginer une fois résorbées les situations les plus délicates » (P.-L. Chatain et F. Ferrière, Surendettement des particuliers, Dalloz, coll. « Référence », 2e éd., 2002, p. 2). Depuis la première loi « Neiertz » n° 89-1010 du 31 décembre 1989, près de 2 650 000 dossiers ont été examinés par les commissions de surendettement.

Aussi, lorsque Georges Ripert dénonçait en 1936 le « droit de ne pas payer ses dettes », il était sans doute loin de penser qu’un demi-siècle plus tard, le législateur dessinerait les contours d’un tel droit en faveur du débiteur vulnérable défaillant. Mais plutôt qu’un « droit de ne pas payer ses dettes », s’est imposé le constat que certains débiteurs ne sont plus en mesure d’honorer leurs engagements contractuels ; c’est donc davantage la reconnaissance d’un « droit de ne plus pouvoir payer ses dettes ».

Au fil du temps, les pouvoirs publics ont pris la mesure de la gravité et de l’ampleur de la tâche. Les années 1970 ont accouché d’une société marchande (développement du crédit à la consommation pour satisfaire de nouveaux besoins), où la croissance et le plein emploi ne sont plus assurés. Dès lors, les difficultés économiques demeurent, persistent et s’inscrivent dans le temps ; il en découle logiquement des phénomènes de précarité et d’exclusion sociale. L’endettement devient alors un moyen de subsistance. Ainsi, le débiteur surendetté type, souvent décrit comme un acheteur compulsif qui abuse des crédits, est avant tout un individu de plus en plus seul, de moins en moins jeune, et qui subit l’inexorable érosion de son pouvoir d’achat.

L’enquête fait ainsi apparaître que 65 % des dossiers déclarés recevables par les commissions de surendettement ont été déposés par des personnes vivant seules (contre 58 % en 2001). À l’inverse, la proportion de couples surendettés est à la baisse (35 % en 2010 contre 42,2 % en 2001). Très souvent, le surendettement est la conséquence de difficultés familiales. En effet, près d’un quart des dépôts de dossiers font directement suite à une séparation ou un divorce. C’est ainsi qu’en dix ans, le nombre de personnes séparées ou divorcées surendettées a fortement augmenté (passant de 26,5 % en 2001 à 34,9 % en 2010).

À la lecture de ces chiffres, la rupture conjugale et plus largement familiale apparaît comme l’une des causes principales du surendettement. À cet égard, il est intéressant de constater que la première loi sur le surendettement visait dans son intitulé le « surendettement des particuliers et des familles ». Par la suite, les « familles » ont été oubliées ; les lois suivantes ne visant plus que les particuliers.

Aussi, s’il n’est pas rare que la séparation soit liée aux problèmes d’argent du ménage (surendettement = séparation), force est de constater que la famille protège du surendettement (protection contre : séparation = surendettement).

Plus significatif encore, le nombre de personnes vivant seules, et bénéficiant d’une procédure de rétablissement personnel. Initialement, le législateur a voulu intégrer au mieux le droit du surendettement dans le droit des obligations en instaurant un dispositif spécial visant à mettre le débiteur en état de désintéresser ses créanciers. Mais assez vite, le droit est apparu dépassé par la complexité du phénomène ; les solutions classiques (moratoire, rééchelonnement des dettes) ne suffisant plus. Les pouvoirs publics ont alors imaginé un traitement différencié selon les situations. La loi n° 2003-710 du 1er août 2003 est ainsi venue modifier le visage de ce droit naissant et balbutiant en instituant la procédure de rétablissement personnel, sorte de faillite personnelle (qui s’inspire du droit des procédures collectives). Il s’agit, dès lors que la situation du débiteur est fortement obérée, de prononcer l’effacement de l’ensemble des dettes non professionnelles du débiteur (C. consom., art. L. 332-5). Cette procédure est donc réservée aux situations les plus graves, celles qui sont a priori figées, c’est-à-dire insusceptibles d’évoluer du fait de l’âge ou de la qualification du débiteur.

Ici encore, les chiffres le montrent. Les personnes vivant seules sont les plus vulnérables puisqu’elles représentent 78,4 % des débiteurs orientés vers un rétablissement personnel.

Autre illustration de notre propos. On pourrait croire que plus le débiteur a de personnes à charge, plus il est exposé au surendettement. En réalité, c’est l’inverse, puisque 53 % des surendettés n’ont aucune personne à charge et plus le nombre de personnes présentes au foyer augmente, moins il y a de dossiers déposés. Les statistiques sont suffisamment explicites :

– 0 personne à charge = 53 % ;
– 1 personne à charge = 19 % ;
– 2 personnes à charge = 15,1 % ;
– 3 personnes à charge = 8,2 % ;
– 4 personnes et plus = 4,8 %.

Les chiffres du surendettement offrent un aperçu du coût social et humain engendré par la fragilité des familles. De plus en plus libérale, la législation familiale protège de moins en moins les individus. La hausse de la divortialité et le déclin des solidarités conjugales lors de la séparation (au premier rang desquelles la prestation compensatoire) creusent encore davantage les inégalités (v. notamment, H. Fulchiron, Les solidarités dans les couples séparés : renouvellement ou déclin ?, D. 2009, p. 1703.). Le droit s’éloigne ici peu à peu de sa vocation première, celle de protéger les plus vulnérables. À vouloir reconstruire la famille autour de l’individu, sur une base eudémonique, le législateur ne croyait certainement pas mettre en péril le bonheur de celui qu’il prétend libérer. Dans ce contexte, il ne reste plus au droit du surendettement qu’à colmater les brèches…