samedi 30 octobre 2010

DROIT DES PERSONNES - Travail à faire pour le 8 novembre 2010

LICENCE 1 - TD Lundi 8h-9h30
Séance 2 - Les éléments d'individualisation des personnes physiques

Cas pratique + Fiche d'arrêt de Plén. 11 décembre 1992

DROIT DE LA FAMILLE : la prestation compensatoire

Quatre arrêts rendus le 6 octobre 2010 par la première chambre civile de la Cour de cassation sur la question de la prestation compensatoire

1/ Pour refuser l'attribution d'une prestation compensatoire, le juge ne peut pas prendre en compte des éléments non encore réalisés (héritage d'un immeuble)

Sur le premier moyen :
Vu les articles 270 et 271 du code civil ;
Attendu que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle ci dans un avenir prévisible ; que la vocation successorale ne constitue pas un droit prévisible au sens de ces textes ;

Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande de prestation compensatoire, l’arrêt attaqué retient notamment qu’elle a vocation à hériter de ses parents d’immeubles à usage d’habitation et commercial dont elle est déjà nue propriétaire ; qu’elle a évalué ce patrimoine en 2003 à la somme de 804 930 euros à partager avec sa soeur et qu’ainsi dans un avenir prévisible ses revenus (foncier et salaire) seront identiques à ceux de M. Y... et qu’il en sera sensiblement de même en ce qui concerne leur patrimoine ;
Qu’en prenant ainsi en compte des éléments non encore réalisés au moment du prononcé du divorce et qui ne présentent pas, à la date de celui ci, de caractère prévisible au sens des textes susvisés, la cour d’appel les a violés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à prestation compensatoire, l'arrêt rendu le 30 janvier 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée


2/ Versement d'une prestation compensatoire sous forme de rente viagère

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches, ci-après annexé :

Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt attaqué (Toulouse, 24 mars 2009) de l’avoir condamné à payer à Mme Y... une prestation compensatoire sous la forme d’une rente viagère ;

Attendu que, par motifs propres et adoptés, prenant en considération l’ensemble des éléments composant le patrimoine des époux, la cour d’appel, qui n’avait pas à tenir compte des perspectives de versement d’une pension de réversion en cas de prédécès du mari, et qui, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a constaté que l’épouse, âgée de 65 ans, sans emploi et sans qualification professionnelle, ne pouvait augmenter ses revenus modestes en raison de son âge, a pu fixer sous forme de rente viagère la prestation compensatoire ; que le moyen, inopérant en sa deuxième branche et mal fondé en ses trois autres, ne peut donc être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi


3/ Confirmation que la vie commune antérieure à la célébration du mariage ne doit pas être prise en compte dans la détermination du montant de la PC + Absence de prise en compte des prestations familiales destinées aux enfants pour évaluer les ressources du créancier de la PC

Attendu que M. Y... et Mme X... ont contracté mariage le 8 mars 2000 sans contrat préalable ; que deux enfants sont issus de cette union, M... née en 1998 et F... née en 2003 ; qu’un jugement du 28 janvier 2008 a, notamment, prononcé le divorce des époux sur le fondement des articles 233 et 234 du code civil et condamné M. Y... à verser à Mme X... une prestation compensatoire sous la forme d’un capital de 21 000 euros et une somme de 4 000 euros à titre de dommages intérêts sur le fondement de l’article 1382 du code civil ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches :

Attendu que Mme X... fait grief à l’arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, de l’avoir déboutée de sa demande de prestation compensatoire alors, selon le moyen ;

1°) que, d’une part, dans la détermination des besoins et des ressources en vue de la fixation de la prestation compensatoire, la durée de la vie commune antérieure à la célébration du mariage doit être prise en considération, en particulier lorsqu’un enfant est né durant cette période ; qu’en retenant que le juge n’avait pas à tenir compte d’une période de vie commune antérieure au mariage d’une durée de 8 années, la cour d’appel a violé l’article 271 du code civil ;

2°) que, d’autre part, à tout le moins le juge peut prendre en compte cette période de vie commune ; qu’en énonçant qu’elle n’avait pas à le faire et en méconnaissant ainsi l’étendue de ses pouvoirs, la cour d’appel a violé l’article 271 du code civil ;

3°) qu’en toute occurrence dans la détermination des besoins et des ressources en vue de la fixation de la prestation compensatoire, le juge ne peut tout à la fois refuser de prendre en considération la vie commune antérieure au mariage et la durée totale de celui ci ; qu’ainsi, la cour d’appel, en refusant tout à la fois de prendre en considération la période de vie commune antérieure au mariage et celle de séparation postérieure à la célébration de celui ci, a violé l’article 271 du code civil ;

Mais attendu que pour apprécier l’existence du droit de l’un desépoux à bénéficier d’une prestation compensatoire et pour en fixer le montant, le juge ne doit pas tenir compte de la vie commune antérieure au mariage mais peut prendre en considération la durée de la vie commune postérieure à la célébration du mariage ; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci après annexé :

Attendu que Mme X... fait encore grief à l’arrêt de l’avoir déboutée de sa demande de dommages intérêts ;

Attendu qu’après avoir relevé que si M. Y... avait fait l’objet d’une procédure de paiement direct en avril 2006 pour un arriéré de 4 000 euros, il établissait que sur la période litigieuse, il avait payé plusieurs loyers pour le domicile conjugal en sus des sommes mises à sa charge par décisions judiciaires et qu’un chèque avait soldé l’arriéré d’indexation de décembre 2006 à mai 2008, la cour d’appel a souverainement estimé que Mme X... ne justifiait pas avoir subi un préjudice du fait de l’inexécution par M. Y... du jugement de contribution aux charges du mariage et de l’ordonnance de non conciliation ; d’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur la quatrième branche du premier moyen :

Vu les articles 270 et 271 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande de prestation compensatoire formée par l’épouse, l’arrêt retient que Mme X... perçoit des prestations familiales à hauteur de 802,48 euros et un revenu mensuel de 529,83 euros au titre du congé parental, soit 1 332,21 euros par mois ;

Qu’en statuant ainsi, alors que les prestations destinées aux enfants, ne constituent pas des revenus bénéficiant à un époux, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives à la prestation compensatoire, l'arrêt rendu le 6 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.


4/ Convention conclue entre les époux qui prévoit la fin du versement de la rente en cas de remariage ou de concubinage du créancier de la PC (effet uniquement suspensif de la vie en concubinage)

Sur le moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu’un jugement du 22 janvier 1998 a prononcé le divorce des époux X.. Y... sur leur requête conjointe et a homologué la convention définitive aux termes de laquelle la rente mensuelle de 4 000 francs indexée que M. X.. s’engageait à verser à Mme Y... à titre de prestation compensatoire “cessera d’être due en cas de remariage ou de concubinage notoire de l’épouse, si celle ci devait partager avec un compagnon à la fois le domicile et la résidence à titre habituel et “prendra fin au décès de M. X...” ; que, se prévalant du concubinage notoire de son ex-épouse, M. X.... a cessé de verser la rente à compter d’octobre 2005 ; que le 19 mars 2007, Mme Y... a fait pratiquer une saisie attribution entre les mains du Crédit Mutuel sur les comptes de son ex époux pour avoir paiement de la somme de 13 119,59 euros, dont 12 657,55 euros en principal, correspondant à l’indexation de la prestation compensatoire de janvier 1999 à septembre 2005 et au paiement des prestations compensatoires d’octobre 2005 à décembre 2006 ; que M. X... a saisi le juge de l’exécution d’une demande de mainlevée de cette saisie ;

Attendu que M. X.. fait grief à l’arrêt attaqué (Aix en Provence, 5 décembre 2008) d’avoir retenu qu’il était toujours redevable de la prestation compensatoire à l’égard de Mme Y... et d’avoir validé la saisie attribution opérée le 19 mars 2007 et cantonné celle ci à une certaine somme, alors, selon le moyen, que :

1°) la convention homologuée par le jugement du 22 janvier 1998 stipulait que “la prestation compensatoire cessera d’être due en cas de remariage ou de concubinage notoire de l’épouse, si celle ci devait partager avec un compagnon à la fois la résidence et le domicile à titre habituel” ; qu’ainsi, l’état de concubinage emportait disparition de l’obligation et non suspension de son exécution ; qu’en décidant le contraire, les juges du fond ont dénaturé la convention des parties (convention définitive du 20 août 1997 homologuée par le jugement du 22 janvier 1998) ;

2°) et en tout cas, la convention stipulait que le service de la rente prendrait fin en cas de remariage ou de concubinage notoire sans prévoir que le service de la rente puisse renaître, dans l’hypothèse où le concubinage notoire viendrait à cesser ; qu’en décidant le contraire, les juges du fond ont ajouté à la convention une convention qu’elle ne comprenait pas et ont de nouveau dénaturé la convention (convention définitive du 20 août 1997 homologuée par le jugement du 22 janvier 1998)

Mais attendu que c’est par une interprétation nécessaire, exclusive de dénaturation, des dispositions ambiguës de la convention définitive et de la commune intention des parties que la cour d’appel a estimé que si les époux avaient entendu lier le versement de la prestation compensatoire à la situation de fait que constituait le concubinage notoire du bénéficiaire de cette prestation, ils n’avaient pas prévu en ce cas la suppression définitive de la prestation compensatoire que M. X.. s’était engagé à verser sa vie durant et qui était à nouveau due en cas de cessation du concubinage ; qu’ayant ensuite constaté que Mme Y... n’avait vécu en concubinage notoire que de septembre 2005 au mois de juillet 2006, la cour d’appel en a déduit qu’elle était fondée à obtenir le versement de la prestation compensatoire à compter du mois d’août 2006 ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi

DROIT DE LA FAMILLE : Existe-t-il un droit au divorce ?

ELEMENTS DE CORRECTION
Ces quarante dernières années, la famille a connu de profondes mutations. Jusque dans les années 1970, un consensus social est établi autour de certaines valeurs qui fondent la famille : l’institution du mariage, la préférence accordée à la sexualité dans le mariage et la puissance maritale. Tout se passe autour du mariage. Evidemment, le concubinage existe et se développe. Mais la formule de Napoléon raisonne encore.
Dans les années 1970, une rupture se produit. Les revendications individuelles s’amplifient et le terrain sociétal est investi par les associations. Le droit contemporain de la famille se construit alors sur de nouveaux enjeux. Enjeu d’égalité d’une part, dans le couple et des enfants. Enjeu de liberté d’autre part. Plus libres, certains individus se détournement ainsi peu à peu du mariage pour s’épanouir dans l’union libre.
A cette liberté du couple, s’ajoute un autre phénomène. Le couple moderne est davantage fondé sur le partage de sentiments, sur la passion que sur la raison. Aujourd’hui, on n’hésite plus à se séparer quand la passion n’est plus. Le droit le permet assez aisément d’ailleurs. Le législateur a en effet progressivement fait sauter le verrou législateur, et ainsi progressivement libéralisé le divorce. De 40 000 divorces en 1970, on en recense plus de 134 000 en 2007.

L’histoire du divorce en France n’est pas un long fleuve tranquille. D’abord prohibé sous l’Ancien Régime, puis largement autorisé durant la Révolution française, il fut une nouvelle fois interdit par la Loi Bonald du 8 mars 1816. De nouveau admis mais seulement en cas de faute par la loi Naquet du 27 juillet 1884 et enfin libéralisé par la loi du 11 juillet 1975, le divorce s’est aujourd’hui banalisé. Fidèle à la méthode impressionniste, le législateur a donc procédé à la mutation du droit du divorce par petites touches. La loi du 26 mai 2004, apporte la touche finale à cet édifice de libéralisation.

Aujourd’hui le divorce est donc régi par un droit de plus en plus libéral. La loi de1975 a offert de nouvelles possibilités en étendant les causes de divorce. Il s’est agi alors de sortir du carcan de la faute. Le divorce n’a alors plus eu comme vocation exclusive la sanction de la violation des règles découlant du mariage. Le législateur de 1975, sous la plume du Doyen Carbonnier, a en effet promu un divorce-liberté, notamment symbolisé par le divorce sur requête conjointe. La loi de 2004 va encore plus loin au point où l’on peut se demander si elle ne consacre pas un « véritable droit au divorce ». La question revêt en réalité une double dimension. Une dimension individuelle d’une part, avec la problématique du droit au divorce unilatéral, qui cristallise des divergences entre le législateur national et la jurisprudence européenne. Une dimension collective d’autre part, illustré par la valorisation des accords entre époux et la question du divorce sans juge.

Il convient par conséquent, d’étudier successivement ces deux questions. D’abord le droit collectif au divorce, entre contractualisation et déjudiciarisation (I), puis le droit individuel au divorce, entre hésitations et certitudes (II).


I. Un droit collectif au divorce : entre consensualisme et déjudiciarisation

Attaché au souci de pacification (un leurre ?) de la séparation, le législateur encourage les volontés individuelles.
Préférence donnée à un divorce voulu et maitrisé plutôt qu’un divorce subi
Manifestations de ce paradigme dans l’essor du consensualisme (A) et dans la récurrente question du divorce sans juge (B).

A. L’essor du consensualisme

Mouvement de libéralisation opérée par la loi de 1975 et confirmé par la loi de 2004. Trois niveaux :

1° Le divorce exprès de l’article 230 (double accord sur le principe de la rupture et sur les conséquences)
Rédaction d’une convention, d’un contrat de divorce. Si la convention est suffisamment équilibrée et qu’elle ne lèse pas les intérêts d’un des époux ou des enfants, homologation par le JAF => 95 % des cas.
En 2006, 55 % des divorces + durée de 3 mois en moyenne.

2° Promotion des accords
Equivalent en matière d’autorité parentale avec la loi du 4 mars 2002 (art. 373-2-8) => Art. 268. Passage d’une justice du divorce imposée à une justice négociée.

3° Maitrise de la procédure
Encouragement des passerelles qui permettent aux époux de passer d’un divorce contentieux à un divorce moins conflictuel.

Un nouveau stade pourrait être franchi dans la contractualisation du divorce => se défaire des liens par voie extrajudiciaire.


B. Le spectre de la déjudiciarisation

Idée n’est pas neuve = Irène Théry en 1999, reprise par le gouvernement en 2007 dans le cadre de la réforme de l’Etat (!).

Proposition d’un divorce prononcé devant notaire

Avantages :
- Uniformisation des modes de conjugalités
- Economies, optique budgétaire
- Lutte contre le « paternalisme judiciaire » dénoncé par Irène Théry.

Inconvénients :
- Affaiblissement du mariage
- Couts de justice absorbés par l’Aide juridictionnelle, les frais notariés…
- Le droit n’assure plus son rôle de protection du plus faible (présence du juge)

Finalement solution de repli (Rapport Guinchard de 2008) => rendre l’audition devant le juge facultative, mais le divorce reste judiciaire. Un projet de loi préparé par la Chancellerie reprend cette proposition (Conseil des ministres – 3 mars 2010).

Critique d’A. GARAPON : émergence d’un nouveau modèle de justice néolibérale fondé sur les enjeux d’efficacité et rentabilité…

En plus du consensualisme qui préside son droit, le divorce se caractérise aujourd’hui par la percée de l’unilatéralisme.


II. Un droit individuel au divorce : entre hésitations et certitudes

Paradoxe : ce que le juge européen s’est pour le moment refusé à faire, le législateur l’a fait. Pas de reconnaissance d’un droit au divorce (CEDH, 1986, Johnston c/ Irlande) Son œuvre jurisprudentielle et ses techniques d’interprétation tendant pourtant vers une telle consécration. Sa jurisprudence sur ce plan est hésitante. Le droit interne, au contraire, avec la loi du 26 mai 2004 reconnait un droit individuel au divorce. Les certitudes nationales (B) s’opposent ainsi aux hésitations européennes (A).

A. Les hésitations européennes

Pas de disposition dans la Convention sur cette question => seul art. 12 (droit au mariage). Seule possibilité = lecture a contrario. L’impossibilité de divorcer est en elle-même une atteinte à la liberté matrimoniale, puisque la polygamie étant prohibée par l’ensemble des Etats européens, un remariage est impossible. LECTURE REJETEE par la Cour. Selon cette dernière, l’art. 12 ne vise pas la dissolution des relations conjugales (arrêt Johnston).

Même résultat sur le fondement de l’art 8. La Cour n’oblige pas les Etats à instaurer des mesures positives instaurant le divorce. Tout juste le juge européen oblige les Etats d’organiser la séparation de corps (CEDH, 1979, Airey c./ Irlande)

Jurisprudence surprenante puisqu’il existe un véritable consensus européen (Seule l’Etat de Malte échappe à la règle). Notion « d’autonomie personnelle » (CEDH, 2002, Pretty) va dans le sens d’un droit au divorce.
Mais dans CEDH, 2004, Menzen c/ Lituanie => « le fait qu’un pays occupe une situation isolée quant à un aspect particulier de sa législation n’implique pas forcément que pareil aspect se heurte à la Convention surtout dans un domaine aussi étroitement lié aux traditions culturelles et historiques ».

Pertinence de la question ? Cas où un Etat souhaitait revenir sur le droit de divorcer.

Toujours est-il que la Cour ne consacre pas expressément un droit au divorce. Contrairement à la France.


B. Les certitudes nationales

Illustration éclatante des bouleversements qui secouent notre droit de la famille.
Impératif => consensualisme => unilatéralisme. Eclatement du droit objectif en « droits à … »

Institution du divorce par altération définitive du lien conjugal avec la loi du 26 mai 2004 => plus besoin d’être 2 pour divorcer, on peut divorcer seul (art. 238)

Critiques :
- Rupture avec le principe de parallélisme des formes
- Rupture équivalente au PACS (NON : contrôle du juge + durée de cessation de la vie commune prévue + prestation compensatoire)
- Rupture équivalente à une répudiation ? NON car égalité préservée + garanties procédurales et pécuniaires

METHODOLOGIE DE LA FICHE D'ARRET = Civ. 1ère, 10 décembre 1985 (application de l’adage "infans conceptus… »)

1) Les faits :
Quels sont les événements à l’origine du procès ? Attention, il doit s’agir des faits objectifs et non de l’interprétation de la situation par l’une ou l’autre des parties. De plus, aucun élément de procédure ne doit apparaître à ce stade. Les termes : juridiction, tribunal, demande, saisine… ne doivent jamais figurer dans le résumé des faits.

Monsieur Bernard Y a souscrit une police d’assurance auprès de son employeur, laquelle ouvre droit en cas de décès, au versement d’un capital à chacun des enfants à charge vivants au domicile de l’assuré. Ce dernier décède le 1er mars 1980. Près de deux mois plus tard, le 24 mai 1980, son épouse accouche de jumeaux. La compagnie d’assurance verse une somme aux trois enfants déjà existants mais refusent d’indemniser les deux nouveau-nés.


2) La procédure :
Attention, vous ne devez relater que les éléments de procédure figurant dans la décision. Aucun élément de procédure ne doit être déduit ou inventé. La liste de question ci-dessous vous permet de retrouver les différents éléments de procédure. Cependant, vous ne pouvez pas toujours répondre à toutes les questions. Si la décision ne vous permet pas de répondre à une question, passez à la suivante.
- Questions communes quelle que soit la juridiction qui a rendu la décision :
Quelle est la juridiction saisie en première instance ?
Quelles sont les parties au litige ? (demandeur et défendeur en première instance)
Quelle est la demande en première instance ?
- Question à rajouter s’il s’agit d’un arrêt rendu par une Cour d’appel :
Quelle a été la décision de première instance et quels en sont les motifs ?
Qui a interjeté appel ? C’est-à-dire qui est l’appelant et qui est l’intimé ?
- Question à rajouter s’il s’agit d’un arrêt rendu par la Cour de cassation :
Quelle a été la décision de la cour d’appel et quels en sont les motifs ? Attention : lorsqu’il s’agit d’un arrêt de rejet, et non d’un arrêt de cassation, les motifs de la Cour d’appel sont très souvent repris par la Cour de cassation. Ils n’apparaissent donc pas dans l’arrêt en tant que motifs de la Cour d’appel, mais comme motifs de la Cour de cassation. Dans cette hypothèse, ils doivent être retranscrits dans la fiche d’arrêt au moment des motifs de la Cour de cassation.
Qui a formé le pourvoi en cassation ? C’est-à-dire qui est le demandeur au pourvoi ? Attention, le rôle de la Cour de cassation n’est pas de trancher le fond du litige, elle n’est pas un troisième degré de juridiction. Son rôle est de vérifier que les magistrats de la juridiction précédente ont correctement appliqué la règle de droit. Elle est saisie soit par l’une des parties, soit par le ministère public dans l’intérêt de la loi. Souvent, seule l’une des parties se pourvoit en cassation. Dès lors, elle seule est représentée devant la Cour de cassation en tant que demandeur au pourvoi. Dans ce cas, il n’y a donc pas d’autre partie à rechercher.

L’épouse du défunt a assigné la compagnie d’assurance en paiement d’une somme aux jumeaux nés après le décès de l’assuré.
En appel, la demande de la requérante a été rejetée au motif qu’en limitant le nombre de bénéficiaires de la police d’assurance aux enfants vivant au foyer, le contrat excluait de fait les enfants simplement conçus.
L’arrêt du 24 mai 1984 rendu par la Cour d’appel de Paris fait l’objet d’un pourvoi en cassation introduit par Madame Y.


3) Arguments juridiques invoqués par les parties au dernier stade de la procédure.
- Pour une décision de première instance, quels sont les arguments juridiques invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions ? Très souvent, on ne peut donner que ceux de l’une des parties, ceux de l’autre ayant été repris pas la juridiction de première instance pour motiver sa décision.
- Pour un arrêt d’appel, quels sont les arguments juridiques invoqués par l’appelant et / ou l’intimé ? Là encore, il n’est pas toujours possible de préciser les arguments juridiques de chacune des parties. Dans ce cas, on met ceux dont on dispose.
- Pour un arrêt de la Cour de cassation, quels sont les moyens invoqués par le demandeur au pourvoi à l’appui de ses prétentions ? Attention : lorsqu’il s’agit d’un arrêt de cassation et non d’un arrêt de rejet, dans l’immense majorité des cas, la Cour reprend les moyens du pourvoi dans ses motifs. Dans ce cas, les moyens ne sont pas précisés dans l’arrêt et il ne faut donc pas en parler.

En l’espèce, nous somme en présence d’un arrêt de cassation. La Haute juridiction se contente de reprendre la motivation de la Cour d’appel pour la contrer. Rien à signaler dans la fiche d’arrêt.


4) Problème de droit
Quelle est la question juridique que la juridiction s’est posée pour trancher le litige ?
Le problème de droit doit refléter le problème soulevé par la décision, mais il doit être formulé en termes généraux et sous forme de question. Le nom des parties ou tout autre détail des faits ne doivent donc jamais figurer dans le problème de droit.

Les avantages d’un contrat d’assurance décès, visant expressément comme bénéficiaires les enfants vivants, peuvent-ils être étendus aux enfants simplement conçus au moment de la réalisation du risque ?


5) Dispositif et motifs
Quelle est la solution donnée par la juridiction qui a rendu la décision ?
Quels sont les arguments juridiques qu’elle donne à l’appui de sa décision ?

La première chambre civile de la Cour de cassation, dans sa décision du 10 décembre 1985, casse l’arrêt rendu en appel. Elle se fonde sur la règle selon laquelle l’enfant simplement conçu est réputé né chaque fois qu’il y va de son intérêt. La haute juridiction affirme le primat de ce principe général du droit sur les stipulations du contrat d’assurance. Ainsi, dès lors que les enfants simplement conçus sont nés viables, ils doivent bénéficier des avantages résultant du contrat d’assurance. L’affaire est renvoyée devant la Cour d’appel de Versailles.

jeudi 21 octobre 2010

CM INTRODUCTION AU DROIT - Thème 7 : les personnes morales

I. Les différentes catégories de personnes morales

A. La classification des personnes morales
1. les personnes morales de droit public
2. les personnes morales de droit privé

B. Les principales personnes morales de droit privé
1. les groupements à but non lucratif
2. les groupements à but lucratif


II. Le régime juridique de la personne morale

A. L’acquisition et la perte de la personnalité morale
1. l’acquisition
2. la perte

B. Les attributs de la personnalité morale
1. la capacité
2. le patrimoine

DROIT DE LA FAMILLE. CAS PRATIQUE MARIAGE

CAS PRATIQUE
Monsieur Sylla s’est marié avec Madame Soufiane le 17 septembre 2008 à Lyon. Monsieur Sylla est de nationalité malienne. Son épouse est française. Le 20 décembre 2009, un enfant est né de cette union.
Malgré cette naissance, la vie commune devient très vite chaotique. Le voisinage rapporte que l’époux est souvent absent du domicile conjugal et qu’il semble montrer un certain désintérêt pour la vie familiale.
Madame Soufiane, ayant fondée beaucoup d’espoirs dans ce mariage déchante vite. Elle pensait avoir trouvée l’homme de sa vie, correspondant aux critères qu’elle s’était fixée : charmant, responsable et de confession musulmane.
Elle soupçonne d’ailleurs de plus en plus son mari de s’être marié avec elle pour régulariser sa situation administrative et obtenir un titre de séjour en France.
Les doutes s’amplifient lorsqu’elle trouve dans les documents de son époux une correspondance évoquant Dieu et des passages de la Bible. Elle pensait avoir épousé un musulman alors que les papiers en sa possession semblent démontrer que Monsieur Sylla est catholique.
Subissant cette situation, Madame Soufiane ne réagit pas jusqu’à ce qu’elle découvre le mois dernier que Monsieur mène une double vie. D’après les informations recueillies auprès de proches de son époux, il semblerait que ce dernier se soit marié au Mali au début des années 2000.
Madame Soufiane, sous le choc, veut en finir au plus vite. Préférant éviter une procédure de divorce, elle souhaite mettre un terme à son mariage mais s’inquiète du sort réservé à son fils.

ELEMENTS DE CORRECTION :
La finalité de ce cas pratique est d’amener les étudiants à travailler les trois points suivants :
- L’intention matrimoniale
- L’erreur sur les qualités essentielles de la personne
- Le problème de bigamie

Pas de divorce souhaité par Madame Soufiane. La séparation de corps ne présente pas ici un grand intérêt par rapport au divorce.
Dernière option = obtenir l’annulation du mariage


I. Les causes d’annulation du mariage

A. Absence d’intention matrimoniale ?

Art. 146 : il n’y a pas de mariage s’il n’y a point de consentement

Trois niveaux de vérification de l’existence du consentement :

Expression du consentement : le « oui » prononcé par les deux époux devant l’officier d’état civil. Pas de difficulté en l’espèce.

Exigence d’un consentement conscient : absence de trouble mental + lucidité = en l’espèce pas de difficulté.

Exigence d’une intention matrimoniale :
-Principe : le consentement ne se réduit pas un « oui » prononcé lors de la célébration, il implique aussi la volonté des époux d’une vie conjugale et d’assumer l’engagement du mariage et ses conséquences.
-Jurisprudence : la jurisprudence considère que le mariage est nul si les époux ne se sont mariés « qu’en vue d’atteindre un résultat étranger à l’union matrimoniale » (Civ. 1ère, 20 novembre 1963). La Cour de cassation ne semble retenir la nullité du mariage que si celui-ci a été célébré dans un but exclusivement étranger (« qu’en vue de… ») à l’engagement matrimonial. Dans l’arrêt du 20 novembre 1963, seule la légitimation de l’enfant du couple était visée par le mari ; la Haute juridiction a tout de même considéré que ce mariage était valable.
-Discussion : en l’espèce, les témoignages des voisins (absences répétées du domicile conjugal et désintérêt pour la vie familiale) + les soupçons de l’épouse d’un mariage simulé [A DEVELOPPER => la jurisprudence considère que le changement d’attitude de l’un des époux dès l’obtention du titre de séjour, démontrant que le but poursuivi par lui était de manière exclusive étranger à la finalité du mariage constitue un mariage simulé (Douai, 18 février 2002)] peuvent laisser penser que Monsieur Sylla n’a pas véritablement eu l’intention de se marier avec Madame Soufiane et d’honorer son engagement. Toutefois, la naissance de l’enfant est un élément qui prouve l’existence d’une vie commune et d’une intention matrimoniale [Ainsi en a jugé pour des faits similaires la Cour d’appel de Dijon. (Dijon, 17 juin 2010)].
-Appréciation : L’appréciation des buts véritables poursuivis par les époux incombe aux juges du fond (Civ. 1ère, 12 novembre 1998). En l’espèce, les juges du fond apprécieront à la fois l’absence d’intention matrimoniale et le caractère ou non simulé du mariage.
- Charge de la Preuve : incombe au conjoint demandeur de la nullité (Civ. 1ère, 22 novembre 2005). En l’espèce, c’est l’épouse qui devra apporter la preuve de ses allégations.
- Exercice de l’action : action exercée par l’épouse, par ceux qui y ont un intérêt ou par le ministère public dans un délai de 30 ans à compter de la célébration du mariage (art. 184) => en l’espèce, pas de difficulté pour agir.


B. Erreur sur les qualités essentielles de la personne ?

Art. 180 al. 2 : S’il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l’autre époux peut demander la nullité du mariage.

Principe : En plus d’exister et de se manifester par une véritable intention matrimoniale, le consentement au mariage doit être exempt de tout vice.

Dol : A écarter. Selon le célèbre adage « en mariage, trompe qui peut » (LOYSEL). Les textes ne prévoient pas la sanction du dol pour deux raisons. D’abord, le mensonge ou la réticence dolosive sur les qualités de la personne ou sur son passé est absorbé par l’erreur. Ensuite, le mariage peut être précédé de toute une phase de séduction de l’autre qui peut relever parfois du dol, mais du bonus dolus, c’est-à-dire du bon dol traditionnellement non sanctionné par les juges. En l’espèce, par exemple, l’épouse ne pourra pas faire valoir l’argument selon lequel elle a été trompée sur le côté charmant et responsable de la personnalité de Monsieur Sylla...

Violence : physique ou morale. Aucun élément en l’espèce sur ce point.
Erreur :
-Deux types d’erreur : sur l’identité physique et civile de la personne (par exemple, j’épouse X en pensant qu’il s’agissait d’Y) et sur les qualités essentielles (depuis la loi du 11 juillet 1975).

- Erreur sur les qualités essentielles :
· Définition des qualités essentielles : selon Cornu, il s’agit de « toutes les caractéristiques morales, intellectuelles, spirituelles, physiques ou même socioprofessionnelles qui distinguent [une personne] des autres ».
· Appréciation des qualités essentielles : double critère exigé => critère subjectif (qualités qui ont déterminées le conjoint dans son choix de la personne… « l’amour a ses raisons que la raison ignore… ») + critère objectif (qualités qui relèvent de l’essence du mariage, qu’il est normal d’attendre de son conjoint. Critère sociologique évolutif).
· Discussion : 1 élément en l’espèce = Madame Soufiane semble avoir été trompée sur le fait que Monsieur Sylla ne serait en réalité pas de confession musulmane mais catholique. On l’a dit, l’erreur sur les qualités essentielles repose sur deux conditions cumulatives.
o Sur le critère subjectif, si elle démontre que la religion de son conjoint a été un élément déterminant de son engagement, ce critère sera rempli.
o En revanche, sur le critère objectif, l’épouse aura sans doute plus de difficultés à convaincre le juge. Les interprétations sont libres. Les étudiants peuvent s’appuyer dans une certaine mesure sur le récent arrêt de la Cour d’appel de Douai (17 novembre 2009), sur le déclin apparent du religieux dans notre société, sur le caractère civil du mariage…
· Exercice de l’action : action exercée par celui qui a été trompé (en l’espèce l’épouse), dans un délai de 5 ans à compter du mariage. En l’espèce, l’action n’est pas prescrite. L’épouse peut donc théoriquement agir sur ce fondement.


C. La situation présumée de bigamie

Art. 147 : on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier. En plus d’être sanctionnée au plan civil, la bigamie pénalement répréhensible. Ainsi l’article 433-20 du Code pénal dispose que « le fait, pour une personne engagée dans les liens du mariage, d'en contracter un autre avant la dissolution du précédent, est puni d'un an d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende ».

Eléments constitutifs du délit de bigamie :
- Elément préalable : existence d’un premier mariage
- Elément matériel : célébration d’un nouveau mariage
- Elément intentionnel : dol général + dol spécial (intention coupable). La bonne foi résultera de la croyance de la dissolution du premier mariage.

Principe : Caractère monogamique du mariage français affirmé donc à l’art. 147 C. Civ. A noter, aucune contrariété avec les textes internationaux (CEDH, 1970, X c. RU). Des difficultés en DIP, mais la question (à tort ?) doit être évacuée.

Discussion : En l’espèce, Madame Soufiane soupçonne son époux de s’être marié avec elle sans avoir rompu un premier engagement contracté au Mali. Si cela se vérifie et est constaté par le juge, le mariage sera annulé.

Exercice de l’action : Action exercée par l’épouse, par ceux qui y ont un intérêt ou par le ministère public dans un délai de 30 ans à compter de la célébration du mariage (art. 184) => en l’espèce, pas de difficulté pour agir.


II. Les effets de l’annulation du mariage

Principe 1 : dissolution pour l’avenir du lien conjugal => disparition des droits et devoirs entre époux. Perte de la vocation alimentaire et successorale ainsi que de l’usage du nom.
!! Cependant, en matière d’exercice d’autorité parentale, l’annulation emprunte ses effets au divorce. Le juge doit nécessairement statuer sur l’exercice de l’autorité parentale (ce devra être le cas en l’espèce).

Principe 2 : rétroactivité => le mariage est censé n’avoir jamais existé. Restitution est faite de ce qui a été donné ou livré.

Atténuation du principe de rétroactivité à l’égard des époux => Cas du mariage putatif. Atténuation de la rétroactivité pour l’époux qui a contracté le mariage de bonne foi (art. 201). Il incombe au conjoint de bonne foi d’en solliciter le bénéfice (Civ. 1ère, 14 juin 1957). A noter, que par application de l’article 2268, la bonne foi est présumée. Dans le cadre du mariage putatif, le mariage conserve ses effets pour le passé. En l’espèce, Madame Soufiane pourra en solliciter et vraisemblablement en obtenir le bénéfice.

Atténuation du principe de rétroactivité à l’égard de l’enfant => Madame Soufiane s’inquiète des effets de l’annulation pour son enfant. Pour la rassurer, il faut lui préciser que le mariage même annulé produit ses effets à l’égard de l’enfant, peu importe que les parents aient été ou non de bonne foi (art. 202). A noter que la restriction successorale de l’enfant adultérin ayant disparu avec la loi du 3 décembre 2001, l’intérêt de l’art. 202 est seulement limité à l’établissement du lien de filiation (bénéfice de la présomption de paternité). Quant à l’exercice de l’autorité parentale, le juge devra statuer comme en matière de divorce (art. 202 al. 2).

mercredi 13 octobre 2010

CM INTRODUCTION AU DROIT : Thème 6 = les personnes physiques

I. L’apparition de la personnalité juridique

A. Le début de la personnalité juridique
1. La naissance
2. La présomption de conception

B. La fin de la personnalité juridique
1. l’absence
2. la disparition


II. L’identification des personnes physiques

A. Le nom
1. l’attribution du nom
2. le régime juridique du nom

B. Le domicile
1. la détermination du domicile
2. l’unicité du domicile

DROIT DE LA FAMILLE = Evolution du droit de la famille

Ces quarante dernières années, la famille en général, et le droit de la famille en particulier ont profondément évolué. Montrez-le tout en relevant les facteurs de cette évolution.

La famille a connu ces quarante dernières années de profonds bouleversements. Les institutions qui la fondent ont évolué, les concepts qui la caractérisent également. La société qui l’entoure a également beaucoup changé. La famille se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Il se produit même sous nos yeux une « rupture »
[1], une cassure entre ce qui se faisait hier et ce qui se fait aujourd’hui. Songeons en effet simplement à la famille d’hier et comparons-la à celle d’aujourd’hui.

La famille a longtemps reposé sur un modèle fait de légitimité et de puissance.
La légitimité d’abord, légitimité du couple et légitimité des enfants qui découlaient toutes deux du mariage. Ce dernier est alors l’acte fondateur de la famille. Il porte en lui les enfants qui en naîtront. Formant les liens d’alliance et de parenté, le mariage est au cœur, sinon le cœur de la société.
La puissance ensuite, puissance maritale et puissance paternelle. L’épouse avait un devoir d’obéissance envers son mari, lequel devait lui assurer en contrepartie protection. Par ailleurs, c’est au mari et à lui seul, qu’incombait la direction de la famille. Les enfants portaient obligatoirement son nom (nom patronymique). Il disposait de pouvoirs prépondérants, notamment en matière de choix du logement familial. La famille reposait donc sur un socle inégalitaire, la femme étant effacée face à la toute puissance de l’homme.

Dès les années 1960, ce modèle traditionnel décline progressivement.
Peu à peu les individus rejettent la société patriarcale et sclérosée qui les enferme dans des carcans. « Famille, je vous hais », écrit alors André Gide à une époque où l’emprise de la famille sur l’individu est perçue comme étouffante. Les couples se détournent de l’institution du mariage, jugée trop contraignante et poussiéreuse. La nuptialité chute alors progressivement. De 395 000 mariages célébrés en 1970, on n’en recense plus « que » 297 000 en 2000. La formule de Napoléon, prononcée durant les travaux préparatoires du Code civil selon laquelle « les concubins se passent de la loi, la loi se désintéresse d’eux », fait dorénavant partie de l’Histoire. Par ailleurs, le couple repose dorénavant sur le seul plaisir d’être en couple, plaisir lui-même perçu comme une des clés du bonheur. Ainsi, quand l’amour ou la passion n’est plus, le couple se sépare[2].

Pour appuyer et porter leurs revendications et leur désir de liberté, certains individus s’organisent en groupe de pression. Ainsi, parallèlement aux évènements de mai 1968, des associations investissent le terrain sociétal. Le monde d’avant 1968, dominé par les luttes ouvrières et le combat social laisse place à une société marquée par l’entrée en force sur la scène politique du culturel
[3].

Les revendications des homosexuels, notamment, trouvent alors un écho. Toute réprobation sociale a été levée par l’effet de la libération sexuelle et le déclin du religieux. Les sanctions pénales se sont inversées. Jadis sanctionnés, le droit pénal protège aujourd’hui les homosexuels des violences et des discriminations. L’homosexualité, en tant que phénomène individuel, ne pose donc plus aucune difficulté.
En revanche, l’homosexualité, en tant que phénomène qui touche à la famille est plus problématique. Elle représente en même temps un enjeu et un défi pour la famille. Le législateur y a répondu partiellement avec l’introduction du PACS et la consécration du concubinage homosexuel par la loi du 15 novembre 1999. Le mariage, objet de convoitises, reste l’union exclusive entre un homme et une femme
[4]. Le mouvement d’ouverture du mariage aux homosexuels amorcé en Europe[5] constitue un motif d’espoir pour les couples de même sexe, surtout dans le contexte de convergence des droits.
Outre le couple, la problématique de l’homosexualité touche de près à l’enfant, au point même où une terminologie spécifique prospère en doctrine autour des notions « d’homoparentalité »
[6] et « d’homoparenté »[7].

Le mouvement de libération des mœurs s’accompagne des progrès réalisés par la science. Grâce aux avancées de la génétique, l’homme a acquis le pouvoir de contrôler les naissances
[8]. Mais plus que le contrôle, c’est la maîtrise des naissances, plus récemment conquise par l’homme, qui débouche sur des changements plus profonds. La maîtrise de l’homme acquise sur la vie multiplie ainsi le champ des possibles[9]. La conjugaison de la libéralisation des mœurs et des progrès de la génétique a donc accouché d’un droit en perpétuelle évolution, dicté principalement par les revendications individuelles.
Ces dernières ont trouvé une résonnance dans la percée des droits de l’homme en droit de la famille. Jusqu’alors étrangers à la matière ou dénués de toute valeur contraignante, les droits de l’homme se sont progressivement et récemment imposés en droit positif.

L’émergence des droits de l’homme a conduit à ce que le nouveau droit de la famille place la personne au cœur de la famille. L’individu est dorénavant la valeur première, qui l’emporte sur le groupe. Le droit de la famille se recentre ainsi sur la personne. Cela correspond d’ailleurs à « l’évolution individualiste suivie par notre droit des personnes depuis la fin du siècle dernier »
[10]. Cette poussée individualiste « libère les énergies individuelles et renforce l’autonomie respective des membres du groupe »[11]. La famille apparait comme un lieu d’épanouissement personnel « constructible » par les individus. La famille ne s’impose plus, elle se construit. On choisit sa famille et on décide comment la modeler.

L’individualisation de la famille s’exprime et se traduit, au plan juridique, par deux mouvements convergents : la contractualisation et la subjectivisation.
Les sources du droit de la famille ont été renouvelées pour intégrer l’autonomie de la volonté. On peut parler de « contractualisation du droit la famille », au sens où le consensualisme s’impose au détriment de l’impératif.
Seconde traduction juridique de l’individualisation du droit de la famille, la consécration de droits subjectifs sous l’effet principal de l’européanisation du droit. Porteur d’une philosophie individualiste et libérale, le juge européen tend à décliner le droit de la famille sous la forme de droits individuels, de « droits à … ». Le droit objectif est ainsi pulvérisé en droits subjectifs, selon l’expression du Doyen Carbonnier. Par exemple, la CEDH ne protège plus le mariage ou la famille en tant que telle, mais plutôt le droit de chacun de se marier ou le droit pour chacun de fonder une famille.

Les deux composantes de l’individualisation : contractualisation et subjectivisation du droit font de la famille de ces quarante dernières années un paysage toujours plus complexe. C’est l’idée de pluralisme
[12] et de diversité qui s’impose au détriment d’un modèle traditionnel, jadis prôné par l’Etat Il est devenu impropre d’évoquer la famille au singulier. La famille se conjugue en effet au pluriel. « Quand nous contemplons la famille, surgit, au-delà du rêve intérieur que nous portons, une kyrielle de cas »[13]. Ainsi, le mariage n’est plus la seule forme reconnue de conjugalité. Une offre plus grande est faite aux individus par le concubinage et le PACS. Le divorce peut être prononcé de différentes manières.
Pluralisme des situations mais aussi diversité des acteurs. Le nouveau droit de la famille laisse place à de nouveaux acteurs dont le rôle reste à définir. C’est le cas du donneur anonyme de sperme ou d’ovocytes dans le cadre de l’assistance médicalement assistée à la procréation et du tiers qui entretient régulièrement des relations avec l’enfant.


Le nouveau droit de la famille apparait donc comme un droit à la carte, un droit flexible et malléable. Les individus disposent d’un libre et large choix. De chaque statut du couple découlent des devoirs et une durée à géométrie variable. Les liens de filiation et de parenté se sont par ailleurs complexifiés sous l’effet de l’essor du consensualisme. « A chacun sa famille, chacun SON droit », selon la formule célèbre du doyen Carbonnier, le législateur et le(s) juge(s) de la famille promeuvent par leur action l’individualisme familial. (I).

Outre sa souplesse, le droit de la famille s’est individualisé en se recentrant sur la personne. Le bonheur de la famille est avant tout un bonheur individuel de ceux qui la composent. Cette tendance lourde se manifeste par l’affirmation d’un nouvel ordre public familial fondé sur la protection de l’individu et la reconnaissance de droits opposables. « A chacun sa famille, chacun SES droits » pourrait-on dire (II).

I. La promotion de l’individualisme familial

Jusque dans les années 1970, un consensus social est établi autour de certaines valeurs qui fondent la famille : l’institution du mariage et la puissance maritale. Tout se passe autour du mariage. Evidemment, le concubinage existe mais reste marginal. Peu à peu, l’individualisme gagne la famille. Impuissant, le législateur accompagne ce mouvement de libéralisation en donnant plus de pouvoirs aux individus dans leur façon de gérer leur couple (A).

Plus fragile, le couple marié n’est plus le cadre exclusif de la parenté. L’enfant peut se concevoir en dehors du cadre du mariage. Progressivement d’ailleurs, le législateur a fait disparaitre la distinction filiation légitime et filiation naturelle. Les nouvelles techniques de procréation médicalement assistée troublent par ailleurs le paysage classique de la filiation. Comme la parenté, la parentalité se complexifie. La prise en charge de l’enfant n’est plus systématiquement réservée à ses parents biologiques. D’autres possibilités s’offrent ainsi aux individus (B).


A. Le couple

=> Partir du mariage, institution monopolistique et quasi-exclusive dans les années 60 pour observer l’émergence de nouvelles formes de vie en couple consacrées par le droit et son affaiblissement par la libéralisation du divorce.

LE MARIAGE CONCURRENCE
- Emergence de nouveaux modes de conjugalité = il s’agit de faire apparaitre les nouveaux modes de conjugalité qui se développent en marge du mariage (concubinage + PACS). Reconnaissance progressive du concubinage par la jurisprudence mais rejet du concubinage homosexuel. Puis consécration législative par la loi du 10 novembre 1999. Par la même, création du PACS, statut à dominante contractuel plus protecteur que le concubinage. Question du couple homosexuel.

- Uniformisation des modes de conjugalité = Faible attractivité du PACS pour les couples homosexuels (6 % des PACS conclus)
[14]. Le modèle le plus attractif reste le mariage. Pour preuve, on assiste à un alignement des effets du PACS sur ceux du mariage (« matrimonialisation » du PACS par la loi du 23 juin 2006 + régime fiscal du PACS aligné sur celui du mariage). Pour la CJUE et la CEDH, la frontière entre ces 2 modes de conjugalité de plus en plus mince (critère de « l’engagement public ») => « L’absence d’un tel accord juridiquement contraignant entre les requérantes fait que leur relation de cohabitation, malgré sa longue durée, est fondamentalement différente de celle qui existe entre deux conjoints ou partenaires civils » (CEDH, 29 avril 2008, Burden c/ RU). La CEDH, de plus en plus, lie le sort du mariage et des partenariats qui font l’objet d’un enregistrement. Elle a récemment rappelé le caractère déterminant de l’engagement public en considérant que le mariage célébré uniquement sous une forme religieuse ne pouvait engendrer des droits identiques au mariage civil ou au partenariat[15]. Ainsi, la Cour rapproche le mariage du PACS par le dénominateur commun de l’engagement public. Au nom de la lutte contre les différentes formes de discrimination à l’égard des couples de même sexe et de sexe différent, les Etats doivent d’une part, déterminer l’existence d’une différence de traitement et apprécier d’autre part, concrètement si la différence de traitement est justifiée. Si tel n’est pas le cas, les régimes doivent être harmonisés (CJCE, gr. Ch., 1er avril 2008, aff. C-267/06, Maruko, JCP 2008, II, n° 36, note A. DEVERS et F. VIANGALLI).

- Mariage finalement renforcé ? Le mariage, on l’a dit, a longtemps constitué un modèle traditionnel de référence, à peine concurrencé par l’union libre. La diversification des statuts de couple, opérée sous la pression des individus, l’a semble-t-il fragilisé. On peut cependant défendre la position contraire. Le quasi-alignement des effets du PACS sur ceux du mariage lui a redonné un certain attrait. De même, les autres situations restant imparfaites, font du mariage un statut idéal, le statut de référence. Sur certains aspects, on peut toutefois déplorer une sorte de nivellement par le bas, un abaissement des obligations du mariage corrélativement à un affermissement des effets de l’union libre simple (le concubinage) ou renforcée (le PACS).


LE MARIAGE PRECARISE
- Promotion de la volonté dans le divorce
Ces quarante dernières années, le nombre de divorce a explosé. Le couple s’inscrit désormais dans la précarité, dans l’instant. Pourtant, selon Mme Brunetti-Pons, « la durée est l’essence du couple ». Le mariage a ainsi perdu de sa splendeur en raison du « déclin même de sa durée »
[16]. La question du divorce est en effet intimement liée à celle du mariage. La rupture des liens nés de ce dernier est d’autant plus simple que le mariage a perdu de son caractère sacré. Le législateur a progressivement fait sauter le verrou législatif, permettant ainsi aux époux de se défaire plus aisément des liens du mariage (retracer l’histoire du droit du divorce). L’affaiblissement de l’institution matrimoniale est ainsi dû en grande partie à la facilitation de sa rupture.

Deux principaux piliers président notre droit contemporain du divorce. D’une part, celui de la libéralisation avec la simplification des procédures. D’autre part, celui de contractualisation avec la consécration des accords de volonté entre époux.
L’un des objectifs assignés par le texte du 26 mai 2004 fut en effet de pacifier et assouplir les procédures de divorce. Le législateur a donné très clairement sa préférence à un divorce voulu et maîtrisé plutôt qu’à une séparation subie et qui échappe aux volontés individuelles. Pour cela, il a choisi la voie de la déconflictualisation. Ce paradigme se caractérise par trois mouvements : la tolérance pour les pactes de séparation amiable, l’émergence d’un divorce express (consentement mutuel en 3 minutes devant un JAF. Cf audience familiale du TGI de Lyon), et la promotion des accords ainsi que la maitrise de la procédure par les époux.

- Le spectre de la déjudiciarisation du divorce
C’est la question du divorce sans juge. L’idée n’est pas nouvelle. Irène Théry en 1999, dans son rapport, s’y est montrée favorable
[17]. Elle propose en effet la création d’un cinquième cas de divorce, le divorce sur déclaration commune. Dans les situations où la séparation fait l’objet d’une parfaite harmonie entre les conjoints et n’implique pas d’enfant, Mme Théry envisage l’éventualité d’un divorce sans recourir au juge.
La proposition n’a jamais été retenue mais le pouvoir actuel a récemment relancé ce concept
[18]. Il s’agirait de confier au notaire la charge d’authentifier la volonté des époux désirant divorcer. Ainsi, une partie du contentieux du divorce actuellement détenue par le juge aux affaires familiales serait transférée au notaire.
Cette hypothèse de divorce notarial va dans le sens de la contractualisation de la famille
[19]. Il s’agit en effet d’instituer un contrat de divorce. Celui-ci revêtirait la forme notariée.
Le rapport Guinchard opte finalement pour le maintien de la procédure de divorce par consentement mutuel devant un juge, mais selon une procédure allégée. Ainsi, il propose que l’audience de conciliation n’ait lieu que sur demande des parties ou du juge
[20]. L’objectif étant de faire l’économie de cette étape de la procédure de divorce en lui retirant son caractère systématique. Un projet de loi préparé par la Chancellerie reprend cette proposition (Conseil des ministres – 3 mars 2010).

B. Les parents

LA PARENTE = DEVENIR PARENT
Si le droit a pour mission de dompter, de dépasser les normes imposées par la nature, il doit aussi fixer un cadre éthique au progrès technique et aux avancées scientifiques. Le droit ne saurait par ailleurs être complètement éloigné des lois de la nature au risque de n’être que fiction. Il y a là un périlleux équilibre à trouver. Mettre la science au service de l’homme dans l’accès à la parenté sans rompre avec nos fondamentaux menacés par les risques de détournement des institutions de la filiation. Les nouvelles techniques d’accès à la parenté reposent en grande partie sur la volonté et la liberté des individus. Mais parce « qu’aucune famille ne saurait prospérer sur les seules considérations de liberté »[21], le législateur a posé certains interdits, qui demeurent toutefois bien fragiles.
- Aborder la problématique des PMA (fermées aux personnes célibataires et aux couples homosexuels) => qui demeurent une filiation bien encadrée (filiation conventionnelle)
- Question de la GPA : interdit en France. Malgré cet obstacle, de nombreux couples français (100 chaque année selon un rapport du Sénat) ont recourt à une convention de mères porteuses. Un « tourisme procréatif »
[22] prospère, aidé en cela par les contradictions qui existent entre le droit français et certains droits étrangers[23]. La jurisprudence est pour le moment inflexible (malgré quelques tergiversations). Mais la pression est forte, notamment quand un lien de filiation a été établi à l’étranger à l’égard d’un enfant. Au nom de l’intérêt de l’enfant, certains voudraient voir reconnaitre les maternités de substitution.

LA PARENTALITE = ETRE PARENT
La parentalité est, pour une grande part, attachée à la parenté (elle en découle). Ainsi, l’autorité parentale incombe en principe aux père et mère de l’enfant. Ceux qui ont conçu et/ou voulu l’enfant doivent le prendre en charge. Ils exercent cette mission et prennent les décisions dans l’intérêt de ce dernier. C’est le système de coparentalité fait d’égalité et de liberté institué par la loi. Mais la prise en charge et l’éducation de l’enfant renvoient parfois, de plus en plus souvent, à des situations plurielles qui relèvent du seul fait : beau-parent passager ou marié à l’un des parents de l’enfant, un tiers, une nourrice, un frère ou une sœur… Ces derniers revendiquent un rôle auprès de l’enfant. Malgré l’absence de véritable statut, la pluriparentalité existe et se développe.
Le nombre de divorces et de séparations ayant explosé, les familles monoparentales et recomposées se sont parallèlement multipliées. Les situations d’enfants éloignés de l’un de leurs parents qui en découlent sont, de fait, de plus en plus nombreuses. Très souvent, leur éducation est assurée au quotidien par le père ou la mère chez qui l’enfant a sa résidence principale, et par le nouveau compagnon ou la nouvelle campagne de ce parent. Mais le rôle parental traditionnellement dévolu aux père et mère peut être aussi joué par un tiers. Attachée à la préservation de l’intérêt de l’enfant, la Défenseure des enfants a appelé de ses vœux la création d’un statut pour celui qui « partage ou a partagé la vie [de l’enfant] et a des liens affectifs forts avec lui »
[24].
Le Rapport Léonetti d’octobre 2009 se prononce toutefois en faveur du maintien des règles de parentalité actuelles, et rejette donc l’idée de création d’un statut du tiers.

L’apparition de ces nouveaux visages en droit de la famille fait de ce dernier un droit des individus dans leurs relations familiales. Il s’agit dorénavant davantage de protéger la personne que la famille et les liens familiaux. Un nouvel ordre public familial s’affirme donc, recentré sur la personne.


II. L’émergence d’un nouvel ordre public familial

L’ordre public de direction et la conception classique des bonnes mœurs déclinent. L’Etat n’impose plus un modèle ou des valeurs. Il ne s’agit plus de préserver la famille en tant que telle. Cependant, la puissance publique n’a pas renoncé à développer un corps de règles visant à protéger la personne. Un ordre public de protection, recentré sur la protection de l’individu se déploie ainsi peu à peu en droit de la famille. De même, un nouvel ordre public de direction se développe parallèlement autour d’une tendance bien précise : l’essor de droits subjectifs.

Cet ordre public familial nouvellement constitué, s’affirme tant pour la personne en général (A) que pour l’enfant en particulier (B).

A. La personne en général

DE LA PROTECTION DE LA FAMILLE A LA PROTECTION DE LA PERSONNE
2 idées =
- La famille est traditionnellement perçue comme un refuge, un havre de paix et de protection. L’individualisme conquérant a fait évoluer les choses. Non pas que la famille ait totalement perdu sa fonction protectrice, mais l’épanouissement personnel ne s’inscrit plus exclusivement en elle. Il s’agit à présent de préserver la sphère d’intimité de chacun
[25]
- L’Etat maintient toujours un contrôle sur les familles pour assurer la protection des individus. La famille pouvant être un lieu de violence et de domination, cette ingérence est parfaitement justifiée. Il s’agit de protéger l’intégrité physique et morale de chacun.

L’émancipation de l’individu de sa famille
- Choix du mode de couple important
- Les degrés du mariage = certaines obligations deviennent ce que les époux veulent bien en faire (le devoir de fidélité par exemple)
- Vie privée respective = possible domicile distinct (art. 215 loi de 1975), autonomie financière des époux (art. 223 loi de 1965)

La protection de l’individu dans la famille
- Arsenal répressif contre les violences conjugales (dernière loi = loi du 9 juillet 2010)
- Art. 212 = notion de « respect » insérée
- Relèvement de l’âge de la femme pour se marier (art. 144 loi de 2006)
- Audition des futurs époux (art. 63) = lutte contre les mariages forcés

DU DROIT AUX DROITS A …
Au commencement, la famille était un droit objectif, porteur de règles impératives. Progressivement l’évolution des mœurs et la réception des droits de l’homme en droit positif ont fait éclater le Droit en droits opposables. On a donc assisté à la prolifération de droits subjectifs dans une matière jusqu’alors dominée par un droit objectif autoritaire. Cette évolution du droit de la famille n’est pas sans poser des difficultés. La subjectivisation du droit présente en effet certaines limites.
=> Illustrer par des exemples de jurisprudence de la CEDH


B. L’enfant en particulier

Jadis perçu comme « l’objet de la puissance paternelle et l’avenir de la lignée »[26], l’enfant a vu sa situation juridique évoluer. Ainsi « de l'enfant inexistant, presque animal, en passant par l'enfant objet d'intérêt et soumis à l'éducation, puis membre d'une famille idéalisée, on en arrive à l'enfant, personne à part entière, bénéficiant de garanties, de protection et reconnu comme vulnérable, mais néanmoins individu, égal aux autres individus et détenant des droits à faire valoir à ce titre »[27].
Peu à peu, son intérêt est donc pris en compte dans chacune des décisions qui le concernent. Par ailleurs, sous l’influence des droits de l’homme, il s’est vu progressivement conférer de droits subjectifs.


D’UN INTERET POUR L’ENFANT A L’INTERET SUPERIEUR DE L’ENFANT
Nécessaire protection de l’enfant. Apparition de la Convention internationale des droits de l’enfant (1989)
Notion d’intérêt supérieur de l’enfant = Nouvelle grille de lecture en droit de la famille, cette notion aux contours assez flous, fait l’objet d’une application prétorienne au cas par cas. Sa portée peut donc parfois suspendre. « L’intérêt supérieur de l’enfant » est devenu un concept incontournable. Il a des défauts : sa subjectivité et sa relativité. Mais il présente aussi des qualités : sa souplesse et son adaptabilité, qui permettent le respect des traditions nationales.

Il faut retenir que la notion soulève des difficultés. Dans sa conception même, il est périlleux de distinguer l’intérêt de l’enfant et l’intérêt de ses parents ou de l’adulte en général. Certaines applications ne laissent apparaitre aucune hésitation. C’est le cas par exemple de décisions de retrait d’autorité parentale justifiées par un comportement dangereux et nuisible des père et mère sur l’enfant.
Mais quid d’autres décisions comme notamment celles de délégation de l’autorité parentale. Une délégation partage est réalisée au profit d’un tiers. S’agit-il de l’intérêt de l’enfant, du délégataire ou du délégué ? Il est difficile de répondre à cette question. N’est-il pas question dans ce type de mesure de satisfaire avant tout les adultes. Armés d’un certain cynisme, nous pourrions même affirmer que cette notion a été forgée avant tout pour répondre aux désidératas des adultes. Est-ce que tout le droit de la famille peut-être démantibulé au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant ? Si tel est le cas il n’y aura plus de droit, on ne jugera plus qu’en opportunité. La notion ne peut pas légitimer des situations juridiques contra leguem comme en l’espèce, qui de surcroit répondent davantage aux désirs des parents plutôt qu’à l’intérêt de l’enfant.

En définitive, l’intérêt supérieur de l’enfant peut être présenté comme la contrepartie des droits de l’enfant. C’est cet instrument juridique qui permet à l’enfant, titulaire de droits, mais néanmoins vulnérable, de faire valoir ses droits face à ceux des adultes.

DES DROITS POUR L’ENFANT
L’enfant est aujourd’hui placé au cœur de la société et mieux encore de notre système juridique. L’affirmation de droits subjectifs en est une traduction. Les conflits de droits entre ceux de l’enfant et ceux de l’adulte deviennent alors possibles.

Des droits en plein essor
=> 2 types de droits :
- Des droits généraux, non attachés à sa qualité d’enfant, comme le droit à la vie (art. 6.1), le droit d’expression (art. 13) ou la liberté de pensée, de conscience et de religion (art. 14).
Le parallèle entre l’évolution de la condition de la femme et celle de l’enfant au sein de la famille est ici saisissant. En effet, chacun s’est vu progressivement octroyer un statut, symbole de leur libération et attribuer des droits, au détriment le plus souvent du pater familias. Le nouveau droit de la famille a permis ainsi le développement des droits de la femme et de l’enfant, et en a fait des individus à part entière.
La comparaison s’arrête cependant là puisque l’enfant ne peut être titulaire des mêmes droits que la femme. Sa jeunesse et son inexpérience le rendent partiellement incapable. Alain Finkielkraut souligne en ce sens que « voir en lui une personne achevée et non une personne en devenir, c’est sous l’apparence du libéralisme le plus généreux, lui dénier férocement la légèreté, l’insouciance, l’irresponsabilité qui sont ses prérogatives fondamentales pour l’exposer, alors qu’il est sans défense, à tous les conditionnements et à toutes les convoitises »
[28]. Il faut toutefois tempérer cette critique. L’enfant de 8 ans ne peut évidemment pas avoir les mêmes prérogatives qu’une personne majeure. Et l’idée de lui reconnaitre des droits subjectifs tombe sous le sens. Mais l’enfant de 16 ans, véritable citoyen en devenir, ne doit-il pas être préparé progressivement à la vie d’adulte ? Le droit a semble t-il un rôle à jouer dans la formation de celui-ci[29].

- Des droits spécifiques ou inhérents à sa qualité d’enfant lui sont par d’ailleurs reconnus, comme le droit à connaitre ses parents et être élevé par eux (art. 7), le droit de ne pas être séparé d’eux (art. 9), le droit à l’éducation (art. 28) ou encore le droit d’être entendu dans toute procédure administrative ou judiciaire le concernant (art. 12.2).

DES DROITS EN CONFLIT AVEC D’AUTRES
Pour le philosophe Michel Villey, les droits de l’homme peuvent être contradictoires, ils peuvent même conduire à des injustices pour certaines catégories de la population, pires que celles que l’on veut combattre
[30]. Un bien peut ainsi apparaitre pour un mal. Ainsi, « le droit de l’homme et de la femme à travailler contrariera le droit de l’enfant à l’éducation »[31].
Il y a là un équilibre à trouver pour le juge et le législateur : concilier des droits qui sont contradictoires et dont les intérêts de chaque titulaire entrent en conflit.

Illustrer par des exemples :
- Le droit de la mère à accoucher sous X et le droit de l’enfant à connaitre ses origine
- Le droit de la mère et celui du père à établir un lien de filiation à l’égard de l’enfant né sous X (affaire Benjamin. Civ. 1ère, 7 avril 2006). Celui des grands-parents à s’opposer à l’adoption…cf. Ord TGI Angers 8 octobre 2009)

[1] H. FULCHIRON, Mariage, conjugalité ; parenté, parentalité : métamorphose ou rupture ?, dans Mariage-conjugalité, parenté-parentalité, H. Fuchiron (dir.), Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2009, p. IX.
[2] D. BRUCKNER, Le mariage d’amour a-t-il échoué ?, Grasset, 2010.
[3] A. TOURAINE, Penser autrement, Fayard, 2007.
[4] Civ. 1ère, 13 mars 2007.
[5] A ce jour, 7 Etats ont ouvert le mariage aux couples de même sexe : les Pays-Bas d’abord (2000), suivis par la Belgique (2003), l’Espagne (2005), la Norvège (Etats hors UE 2008), la Suède (2009), le Portugal et l’Islande (2010).
[6] On recense une littérature abondante sur la question de l’homoparentalité. On peut retenir notamment : M. GROSS, L’homoparentalité, Que sais-je ?, août 2007 et S. NADAUD, Homoparentalité hors-la-loi, Lignes essais, mars 2006.
[7] Ph. MALAURIE et H. FULCHIRON, La famille, op. cit. 7. 108 et 1432.
[8] Par la contraception d’abord, autorisée par la loi Neuwirth du 28 décembre 1967, et par l’intervention volontaire de grossesse (IVG) votée le 5 décembre 1974. Ainsi, les chiffres de la natalité ont diminué. On est passé de 850 000 naissances en 1970 à 775 000 en 2000.
[9] Il est maintenant possible de concevoir un enfant en dehors du cadre naturel de la procréation. En conséquence, de nouvelles institutions apparaissent dans notre droit, comme les différentes techniques de procréation médicalement assistée ou les conventions de gestation pour autrui.
[10] A. BENABENT, La liberté individuelle et le mariage, RTD civ. 1973, p. 440.
[11] G. CORNU, Droit Civil – La famille, Ed. Montchrestien 2006, p. 14.
[12] J. LEMOULAND, Le pluralisme et le droit de la famille, postmodernité ou pré-déclin ?, D. 1997, Chron. 133.
[13] G. CORNU, Droit Civil – La famille, p. 16.
[14] Le manque d’attractivité du PACS à l’égard des couples de même sexe peut s’expliquer en partie par l’absence de « privilèges de filiation ». Les couples hétérosexuels y trouvent leur compte, puisque disposant déjà naturellement des moyens de la procréation, ils perçoivent dans le PACS, un « contrat de liberté », moins contraignant que le mariage et plus protecteur que le concubinage. D’autres avantages y sont même attachés, notamment pour les fonctionnaires. Par contre les partenaires homosexuels ne peuvent recourir, ni à la PMA, ni à l’adoption conjugale. La seule possibilité est l’adoption individuelle par une personne célibataire, même homosexuelle ; l’adoption conjugale étant réservée au couple marié. Par conséquent, même si l’adoption individuelle peut être demandée par un seul membre du couple, on peut penser que le fait de dévoiler son concubin ou partenaire homosexuel peut constituer un obstacle à l’obtention de l’agrément. Le célibat est alors l’option la plus sûre.
[15] CEDH, 20 janvier 2009, Serife Yygyt c/ Turquie, note A. GOUTTENOIRE, Le mariage a encore de beaux jours devant lui…, Lexbase hebdo n ° 338, Edition Privée générale.
[16] La notion juridique de couple, C. Brunetti-Pons (dir.), Economica, 1998, p. 148.
[17] I. THERY, Couple, filiation, parenté aujourd’hui : le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée, Odile Jacob, La Documentation française, 1999, p 120.
[18] Le mercredi 12 décembre 2007, le Chef de l’Etat a présenté cent mesures pour réformer l’Etat. L’une d’entre elles concerne le divorce sans juge.
[19] F.-J. PANSIER, De la contractualisation du droit de la famille en général et du droit du mariage en particulier, Gaz. Pal. 5 et 6 mars 1999, p. 5.
[20] Rapport sur la répartition des contentieux, L’ambition raisonnée d’une justice apaisée, Serge Guinchard, 30 juin 2008.
[21] D. FENOUILLET, Droit de la famille, Dalloz, 2ème édition, juin 2008, p. 12.
[22] J. LEMOULAND, Le tourisme procréatif, Petites Affiches 2000, n° 62, p. 34.
[23] E. CAMUZET, La convention de gestation pour autrui : une illégalité française injustifiée, Mémoire soutenu sous la direction de X. LABBE, Lille, 2006.
[24] Rapport 2006 de la Défenseure des enfants, L’enfant au cœur des nouvelles parentalités. Pour un statut des tiers qui partagent ou ont partagé la vie d’un enfant et ont des liens affectifs forts avec lui, La Documentation française, novembre 2006.
[25] Sur la montée de l’individualisme dans le couple : F. de SINGLY, Le soi, le couple et la famille, Armand Collin, juin 2005.
[26] F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, Les droits de l’enfant, coll. Que sais-je ?, PUF, 8ème édition mise à jour, février 2009.
[27] J. ZERMATTEN, L’intérêt supérieur de l’enfant, de l’analyse littéraire à la portée philosophique, Institut international des droits de l’enfant, 2003.
[28] A. FINKIELKRAUT, Droit de l’enfant : la nouvelle statue de Pavel Morozov, Le Monde, 9 janvier 1990.
[29] L’idée d’une majorité progressive dès l’âge 13 ans (!) émerge au sein de la doctrine. La multiplication des « capacités d’exception », par le développement des droits de l’enfant encourage certains auteurs à défendre l’idée de l’institution dans notre droit d’une « prémajorité ». J. ROQUE, La prémajorité, Dr. fam. Avril 2009, p. 25.
[30] Ph. De DINECHIN, Les droits de l’enfant, une fausse bonne idée ?, éditions du cygne, avril 2009, p. 17.
[31] M. VILLEY, Le droit et les droits de l’homme, PUF, Paris, 1983, p. 13.

lundi 11 octobre 2010

Exposition Our Body interdite - Civ. 1ère, 16 septembre 2010 - Respect du corps humain après la mort


Attendu que la société Encore Events (la société) avait organisé, dans un local parisien et à partir du 12 février 2009, une exposition de cadavres humains “plastinés”, ouverts ou disséqués, installés, pour certains, dans des attitudes évoquant la pratique de différents sports, et montrant ainsi le fonctionnement des muscles selon l’effort physique fourni ; que les associations “Ensemble contre la peine de mort” et “Solidarité Chine”, alléguant un trouble manifestement illicite au regard des articles 16 et suivants du code civil, L. 1232-1 du code de la santé publique et 225-17 du code pénal, et soupçonnant par ailleurs au même titre un trafic de cadavres de ressortissants chinois prisonniers ou condamnés à mort, ont demandé en référé la cessation de l’exposition (...) ;

(...)

2°/ que le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort et les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence ; qu’en l’espèce, pour déterminer si les corps exposés avaient été traités avec respect, dignité et décence, la cour d’appel a recherché s’ils avaient une origine licite et, plus particulièrement, si les personnes intéressées avaient donné leur consentement de leur vivant à l’utilisation de leurs cadavres ; qu’en se fondant sur ces motifs inopérants, tout en refusant, comme il lui était demandé, d’examiner les conditions dans lesquelles les corps étaient présentés au public, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 16-1-1 du code civil ;

(...)

mercredi 6 octobre 2010

Cours d'introduction au Droit => Thème 5 = La personnalité juridique

I. La capacité

A. La capacité de jouissance
1 Les compartiments de la capacité de jouissance
2. les degrés de la capacité de jouissance

B. La capacité d’exercice
1. les majeurs protégés
2. Le cas du mineur


II. Le patrimoine

A. l'unité du patrimoine
1. Le contenu
2. Le contenant

B. l’unicité du patrimoine
1. Principe
2. Limites