mercredi 12 décembre 2007

Vers la déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel



Le Chef de
l'Etat a présenté aujourd'hui cent mesures pour réformer l'Etat. Parmi ces mesures, l'un d'elles a tout particulièrement attiré l'attention des médias : "le divorce par consentement mutuel pourrait se passer du juge" (Le Monde). C'est Le Figaro qui publie ce matin cette information :

Coup de tonnerre dans le monde judiciaire. Ce mercredi, en fin de matinée, le président de la République, Nicolas Sarkozy, pourrait annoncer la fin du divorce devant le juge. Au moins lorsqu’il y a accord entre les deux époux. Cette annonce serait faite dans le cadre de la révision générale des politiques publiques engagée fin juin et qui vise à lancer la réforme de l’État. Selon nos informations, les époux qui engagent un divorce par consentement mutuel n’auraient plus – sous certaines conditions – à se rendre au tribunal, mais pourraient aller tout simplement devant leur notaire, ce dernier étant un officier ministériel. L’objectif de cette mesure serait bien sûr d’alléger la charge des tribunaux et de réduire le coût du divorce.

L'histoire du divorce en France n'est pas un long fleuve tranquille. D'abord prohibé, en raison du caractère sacré du mariage (Ancien Régime), puis admis mais seulement en cas de faute (loi Naquet de 1884), et enfin libéraliser (loi de 1975), le divorce est aujourd'hui dédramatisé (loi de 2004).
L'évolution des moeurs et des comportements familiaux a entraîné une forte augmentation des séparations (estimées aujourd'hui à environ 120 000 par an).

Pour certains la réforme de 2004 a même sonné le glas de l'institution du mariage. Pourtant une réforme était nécessaire car la législation de 1975 ne semblait plus adaptée aux moeurs actuelles. Les principaux reproches formulés au dispositif de 1975 étaient les suivants : procédures de divorce trop conflictuelles et trop formalistes (trop compliquées en clair).
La loi du 26 mai 2004 maintient le divorce pour faute (sa supression avait été envisagée), permet notamment le prononcé du divorce en cas de séparation de fait pendant 2 ans (contre 6 ans auparavant) et surtout modifie la procédure en matière de divorce par consentement mutuel.
De deux comparutions devant le juge, on passe à une seule. Pour faire simple, les époux décident de divorce d'un commun accord, ils établissent ensemble une convention qu'ils présentent au juge (en présence de leur(s) avocat(s)), lequel homologue la convention et prononce le divorce sur le champ.
L'idée est de responsabiliser les deux futurs ex-époux et de pacifier la procédure de divorce.

Nicolas Sarkozy veut déjudiciariser cette forme de séparation au profit d'un divorce par acte notarié.
Plus besoin de passer devant le juge pour divorcer !
Le but est de visiblement désengorger les tribunaux de ce contentieux (d'où une partie de l'explication de la carte judiciaire version Rachida Dati) et baisser le coût du divorce (sans doute une mesure en faveur du pouvoir d'achat).

Les notaires ne sont pas contents car ils n'ont pas été prévenus ! Les avocats sont inquiets car on leur retire une partie de leur gagne pain ! Et les magistrats ne comprennent pas !
Voilà trois formules simplistes pour résumer les réactions des principaux acteurs.

Mais cette mesure est-elle une bonne chose ?
Non selon moi.
Cette réforme avait déjà été envisagée par le gouvernement de Lionel Jospin. Le projet était de confier aux maires le prononcé de certains divorces. Cette idée a été écartée.
L'intervention du juge me paraît indispensable au regard de deux éléments.

1) la question du libre consentement. Pour bien comprendre cet argument, il faut rappeler comme se déroule la comparution des époux. Le juge entend d'abord un époux seul, puis son conjoint. Il s'agit pour le magistrat de s'assurer de la volonté réelle et libre de chaque époux d'obtenir le divorce. Le juge veille à ce qu'aucun des époux n'ait été forcé accepter le divorce. Le consentement mutuel recueilli doit par conséquent être un consentement exempt de tout vice.

2) la question de l'homologation de la convention. Avant de prononcer le divorce, le juge a la charge d'examiner la convention liquidative du régime matrimonial (prestation compensatoire, sort de la résidence commune, autorité parentales, droit de visite...). Si le magistrat estime que la convention ne préserve pas suffisamment les intérêts de chaque époux et des enfants, il peut refuser d'homologuer cette convention. Par exemple, si l'épouse refuse toute prestation compensatoire alors qu'elle n'a que de faibles revenus ou en cas de contribution dérisoire versée à l'enfant... En cas de refus d'homologation par le juge, les époux ont six mois pour modifier la convention initiale rejetée. Il est important de noter à cette étape, que le juge peut prononcer des mesures provisoires, transitoires afin de permettre à chacun des époux de vivre au mieux cette période difficile de divorce (pension alimentaire, sort du logement...).

Outre un processus de contractualisation très fort du droit de la famille dans lequel s'inscrit cette mesure de déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel, l'effacement du juge dans cette procédure peut donc à juste titre susciter des inquiétudes.

samedi 17 novembre 2007

Une petit "oui" aux tests ADN et un grand "non" à la collecte de données ethniques par le Conseil constitutionnel


Le député UMP Thierry Mariani : "Sur l'ADN, il y a quelques mois on nous expliquait que c'était liberticide, fasciste, dangereux etc. Aujourd'hui, c'est validé par le Conseil constitutionnel donc je pense que tous ceux qui m'ont insulté pendant des semaines devraient un peu faire preuve d'humilité".

L'instigateur du fameux amendement (nauséabond) sur les tests ADN peut se réjouir dans ses déclarations à la presse, son texte a toutefois été sérieusement plombé après l'avoir été par les parlementaires (lors de son adoption, on l'a vu sur ce blog) par le Conseil Constitutionnel.
Ce dernier devait en effet se prononcer sur la constitutionnalité de l'art. 13 de la loi sur l'immigration portant sur les tests génétiques lors du regroupement familial et de l'art. 63 sur la collecte des données ethniques.

1) Sur les tests ADN

- d'abord le Conseil constitutionnel émet sur cette amendement une réserve d'interprétation. C'est-à-dire qu'en quelque sorte il réécrit une partie de loi pour qu'elle soit conforme à la Constitution. Sur la question du mode d'établissement de la filiation il précise effectivement la loi ne saurait avoir pour effet de modifier les règles en la matière. La loi applicable étant la loi personnelle de la mère (art. 311-14 Code Civil), il reviendra donc à cette loi de fixer les moyens de preuve d'établissement d'un lien de filiation.

(...) que les dispositions déférées n'ont pas pour objet et ne sauraient, sans violer l'article 1er de la Déclaration de 1789, avoir pour effet d'instituer, à l'égard des enfants demandeurs de visa, des règles particulières de filiation qui pourraient conduire à ne pas reconnaître un lien de filiation légalement établi au sens de la loi qui leur est applicable ; que, dès lors, la preuve de la filiation au moyen de « la possession d'état telle que définie à l'article 311-1 du code civil » ne pourra être accueillie que si, en vertu de la loi applicable, un mode de preuve comparable est admis ; qu'en outre, ces dispositions ne pourront priver l'étranger de la possibilité de justifier du lien de filiation selon d'autres modes de preuve admis en vertu de la loi applicable" .

- ensuite, le Conseil valide l'amendement mais sans omettre de rappeler les différents garde-fous prévus par les parlementaires :

* caractère expérimental de la mesure (18 mois) ;

* liste des Etats pour lesquels les tests s'appliqueront établie par décret ;

* les tests doivent être préalablement autorisés par le TGI de Nantes (lieu des services du ministère en matière de délivrance de visa);

* caractère subsidiaire des tests : sur demande de l'intéressé + si preuve de la filiation ne peut pas être établie en vertu de la loi applicable + doute sérieux sur l'authenticité de l'acte.


2) Sur la collecte de données à caractère ethnique

Le juge constitutionnel s'appuie sur deux moyens pour invalider cette disposition.

29. Considérant que, si les traitements nécessaires à la conduite d'études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration peuvent porter sur des données objectives, ils ne sauraient, sans méconnaître le principe énoncé par l'article 1er de la Constitution, reposer sur l'origine ethnique ou la race ; qu'en tout état de cause, l'amendement dont est issu l'article 63 de la loi déférée était dépourvu de tout lien avec les dispositions qui figuraient dans le projet dont celle-ci est issue ; que, l'article 63 ayant été adopté au terme d'une procédure irrégulière, il convient de le déclarer contraire à la Constitution

- 1er moyen : il y a contradiction entre la collecte de données à caractère ethnique et l'art. 1er de la Constitution. Les études ethniques ne peuvent en effet porter sur des considérations d'origine ou de race. Quid de la religion ?

- 2ème moyen : l'art. 63 est un cavalier législatif (ie sans lien direct avec l'objet même de la loi) il est donc inconstitutionnel. Ces statistiques portant aussi bien sur des étrangers que sur des Français, cette disposition n' a par conséquent pas sa place dans la loi sur l'immigration.

jeudi 15 novembre 2007

Les sages se sont prononcés !

Je vous livre simplement le communiqué ("express") de l'AFP avec un lien sur le site du Conseil constitutionnel pour lire la décision intégrale. Je publierai bientôt un commentaire sur ce blog. Bonne lecture !

Les Sages ont validé "sous certaines réserves" le recours aux tests ADN pour des candidats au regroupement familial prévu dans la loi Hortefeux sur l'immigration, mais ont censuré l'autorisation de statistiques ethniques, a-t-on appris, jeudi 15 novembre, auprès du Conseil constitutionnel. (AFP) -15h16 - 15 novembre 2007

http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2007/2007557/2007557dc.htm


Les "sages" vont se prononcer

On attend la décision des 9+1+1 (9 membres désignés + 2 membres de droit que sont VGE et J.Chirac) sages du Conseil constitutionnel dans la journée. Les 11 "juges" ont commencé l'examen de loi sur l'immigration ce matin. Saisi par une opposition composée d'au moins 60 députés et/ou sénateurs (PS + Modem), le Conseil constitutionnel va vérifier la conformité du texte controversé (notamment en raison de la fameuse disposition relative au test ADN commentée sur ce blog notamment...) au bloc de constitutionnalité. Deux principaux griefs devraient tout particulièrement retenir l'attention du Conseil :
1. l'art. 63 de la loi qui autorise les statistiques ethniques
2. l'art. 13 de cette même loi qui introduit le teste des empreintes génétiques dans le droit des étrangers.

Evidemment, si censure de ces dispositions il doit y avoir, elle ne sera que d'ordre juridique. Les présences de JL Debré (comme Président du Conseil) et de J Chirac, pas spécialement "proches" du Chef de l'Etat ne devraient en principe pas être de nature à fausser leur décision. Le Conseil constitutionnel, malgré le mode de désignation de ses membres et le privilège accordé aux anciens Présidents de la République, a toujours été au-dessus de tout soupçon en raison de la qualité juridique de ces décisions.

Toutefois cette situation n'est pas digne d'une véritable démocratie. Sur ce plan, la Commission Balladur souhaite que les futurs anciens Chefs de l'Etat ne deviennent plus membres de droit.
Par ailleurs, le nombres de juges (et leur mode de nomination) siégeant au Conseil devra à mon sens évoluer si l'on veut adopter un contrôle de constitutionnalité a posteriori ouvert à chaque justiciable par voie préjudicielle. En effet devant l'inéluctable croissance du contentieux, la physionomie actuelle du Conseil deviendrait très vite intenable, parce que engorgé.

vendredi 19 octobre 2007

"La rupture" selon Nicolas Sarkozy

PARIS - Nicolas Sarkozy et Cécilia Sarkozy "ont divorcé par consentement mutuel", a annoncé jeudi la présidence française, environ deux heures après la diffusion d'un premier communiqué annonçant leur "séparation par consentement mutuel".

Dans un nouveau communiqué, le porte-parole de la présidence, David Martinon, a déclaré à l'AFP que les époux Sarkozy "avaient divorcé par consentement mutuel".

Le premier communiqué, diffusé en début d'après-midi, faisait état d'une "séparation par consentement mutuel" sans mentionner le mot divorce.

Deux heures plus tard, la présidence précisait que par "séparation" il fallait comprendre "divorce", une indication qui faisait l'objet dans la foulée d'une mise au point officielle.

(AFP / 18 octobre 2007 16h08)

La Rupture



lundi 15 octobre 2007

Mariée de force ?



La rumeur se fait de plus en plus insistante. L'Est Républicain nous annonçait vendredi que l'officialisation allait être faite dans la journée par le porte-parole (et successeur proclamé du Président de la République à la mairie de Neuilly) de l'Elysée David Martinon. Nicolas et Cécilia devraient se séparer.

Première réaction : Oui et alors ? Ils font ce qu'ils veulent. Le Chef de l'Etat a droit, comme tout le monde au respect de son intimité et sa vie privée. Le Chef de l'Etat comme toute personnalité politique d'ailleurs.

Deuxième réaction : La dimension privée ne nous intéressant pas, y a t-il tout de même une dimension politique dans cette séparation ? On peut estimer par exemple que des problèmes d'ordre privé sont susceptibles de perturber le Président, qui reste malgré tout un être humain. Cela risque d'avoir des répercussions sur sa politique. Ce genre de considérations restent toutefois très subjectives.
Pour répondre à cette question, il me semble plus opportun de l'envisager au regard de l'attitude du couple et surtout de la place tenue par Madame Sarkozy auprès de son époux. Théoriquement, on peut prêter deux types de comportement à une 1ère Dame de France.
1. Le premier consiste à se tenir la plus éloignée possible des responsabilités exercées par le Président, en clair assumer soi-même des fonctions électives locales ou bien caritatives, sans ingérer dans les affaires du mari. Dans ce cas, le couple présidentiel ne fait qu'un. L'épouse fait éventuellement corps
auprès de son mari. Ce fut le cas de Bernadette Chirac par exemple, qui allait chez Drucker pour dire que son mari était formidable, et qui exerçait aussi des responsabilités politiques locales (au conseil général) et associatives (pièces jaunes). Tout cela sans intervenir publiquement et directement sur le travail présidentiel.
2. Le deuxième consiste au contraire pour l'épouse à exercer des fonctions étatiques de conseillère ou bien à accepter des missions diplomatiques en lien direct avec l'Elysée. C'est l'exemple du rôle tenu par Cécilia Sarkozy en Lybie au sujet de la libération des infirmières bulgares. C'est un phénomène nouveau dans la vie politique française. On se trouve là avec un couple présidentiel à deux têtes. Dans ce cas de figure, l'absence de statut de l'épouse du chef de l'Etat est problématique. On l'a vu lors de l'opération diplomatique auprès du dictateur lybien.
Au vu de cette analyse le divorce des Sarkozy revêt nécessairement une dimension politique, dans le sens où Cécilia Sarkozy exerçe(ait) un rôle actif auprès de son époux.
Par ailleurs, la situation actuelle où règne l'expectative autour du couple élyséen n'est pas saine, notamment lors des voyages officiels. Le Président et son entourage pour expliquer l'absence de Madame ne savent plus quoi inventer : la grippe de Cécilia, Cécilia vexée par la polémique qui a suivie son expédition lybienne...

Voila pourquoi il est préférable de mettre un terme au feuilleton, les choses doivent être clarifiées : cela semble passer par une séparation.

Troisième réaction : le divorce du Chef de l'Etat n'est pas sans poser de lourdes difficultés sur le plan juridique.
Explications : en droit français, le couple marié dispose de deux solutions pour organiser sa séparation. Soit, il décide de ne pas recourir au juge : c'est ce que l'on appelle la séparation de fait. En clair, l'un des conjoints quitte le domicile conjugal (en l'occurrence ce sera Cécilia), mais les obligations découlants du mariage demeurent. Soit, il décide de recourir au juge : c'est le cas de la séparation de corps ou du divorce. Cette dernière solution est logiquement préférable.
Donc, pour divorcer les Sarkozy vont devoir saisir un juge (même dans l'éventualité d'un divorce sur requête conjointe (par consentement mutuel) où le juge a la charge de l'homologation de la convention préalablement préparée par les époux). Or la Loi constitutionnelle du 23 février 2007 relative au nouveau statut pénal du chef de l'Etat interdit toute action contre le Président ou toute information devant "aucune juridiction ou autorité administrative française" ce qui comprend les juridictions civiles (compétentes en matière de divorce). Du fait de sa fonction, le Président ne peut être obligé à rien. Il n'est pas un justiciable comme les autres donc il doit bénéficier du principe d'irresponsabilité durant toute la durée de son mandat.

Cette disposition (nouvel article 67 de la Constitution) peut déboucher sur des situations juridiques intenables. On le voit bien ici en matière de divorce. Le mariage est censé placer les époux sur un pied d'égalité jusqu'à sa dissolution. Sauf celui du Président de la République.
En clair, le divorce du couple Sarkozy ne pourra être prononcé que si le Chef de l'Etat le veut. Soit il accepte de recourir au juge. Soit il démissionne. C'est au bon vouloir de Monsieur. Dans le cas contraire, Cécilia Sarkozy restera mariée (de force) durant tout le quinquennat (et peut-être même plus en cas de réélection).
Ce qui serait proprement scandaleux !

lundi 8 octobre 2007

Le détail de trop




Lors du Conseil national du l'UMP de samedi, le Premier ministre a qualifié le fameux amendement autorisant le recours aux tests ADN en matière de regroupement familial de "détail masquant l'essentiel du texte".
Une polémique est née quant à l'utilisation du terme "détail", lequel avait été employé par un certain JM Le Pen pour qualifier l'existence des chambres à gaz il y a tout juste 20 ans. Pour ma part, je ne me livrerai pas à une bataille terminologique. Je crois en effet que l'essentiel n'est pas là.
Le projet de loi
relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile a été amendé et adopté (conformément au principe de la navette législative) par le Sénat le 4 octobre 2007. Analysons le fond de la mesure en question.

Le projet de texte se présente comme suit :

« Le demandeur d'un visa pour un séjour de longue durée supérieure à trois mois, ou son représentant légal, ressortissant d'un pays dans lequel l'état civil présente des carences peut, en cas d'inexistence de l'acte de l’état civil ou lorsqu'il a été informé par les agents diplomatiques ou consulaires de l'existence d'un doute sérieux sur l'authenticité de celui-ci, qui n'a pu être levé par la possession d'état telle que définie à l'article 311-1 du même code, demander que son identification par ses empreintes génétiques soit recherchée afin d'apporter un élément de preuve d'une filiation déclarée avec la mère du demandeur de visa. Le consentement des personnes dont l'identification est ainsi recherchée doit être préalablement et expressément recueilli. Une information appropriée quant à la portée et aux conséquences d'une telle mesure leur est délivrée.


En droit français, le principe du recours aux empreintes génétiques d'une personne a été posé par loi sur la bioéthique du 29 juillet 1994. Les cas dans lesquels l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques peut être recherchée sont les suivants : à des fins médicales, de recherche scientifique et d'établissement ou de contestation d'un lien de filiation après autorisation d'un juge.
En droit de la filiation, la preuve par le test ADN est le moyen le plus fiable pour connaître avec certitude la vérité concernant la filiation biologique d'un enfant. Mais il n'est pas le seul. Le juge privilégie ainsi conformément à la volonté du législateur la possession d'état.

Explications : en droit français, pour prouver un lien de filiation, trois moyens sont possibles : les titres (actes de reconnaissance de l'enfant : père d'un tel, mère d'un tel dans l'acte de naissance), la possession d'état, et l'expertise biologique (test ADN). La possession d'état est une notion centrale en droit de la filiation. Elle permet de tenir compte d'un lien affectif, solide et connu de l'entourage qui a pu se créer entre une personne et un enfant. Cette vérité sociologique atténue donc le principe selon lequel le lien de filiation doit reposer sur un lien biologique. Le lien social ou sociologique prime même, lorsqu'il existe, sur la vérité biologique. Tout comme le droit du sol prime sur le droit du sang. La portée symbolique de ces dispositions est forte. Elles constituent même l'un des socles de notre République.

Le très controversé amendement Mariani (du nom de son génie) prévoit ceci : en cas de carence de l'état civil du pays d'origine, ou en cas d'inexistence ou de doute sérieux de/sur l'authenticité de l'acte d'état civil, ou encore en cas d'absence de possession d'état établie, le demandeur d'asile (au titre du regroupement familial) peut demander une expertise biologique pour prouver un lien de filiation entre sa mère (ou supposée) et lui-même.
Quid de la situation d'une personne orpheline de sa mère ? Test ADN post-mortem ? Test ADN sur le seul parent survivant ? Pas de réponse dans la loi.

Sur le fond et après étude la disposition, on comprend bien que cette mesure ne va concerner que très peu de personnes. En effet, au regard des conditions fixées par le projet de loi, les possibilités sont effectivement minces.

A mon goût le scandale n'est donc pas dans la lettre de la loi. Il se trouve plutôt dans l'esprit de la loi. Une fois de plus, il s'agit de stigmatiser les immigrés (assimilés à d'éventuels fraudeurs), et caresser dans le sens du poil l'électorat frontiste à qui l'on doit bien ça ! Cela montre bien à cet égard la fragilité des valeurs communes que nous tirons des principes républicains.
On le voit donc bien, si comme le dit le Premier ministre il s'agit d'un détail, c'est véritablement un détail de trop !

Même C. Pasqua est choqué :
"Le choix des tests ADN n'est pas acceptable (...) Cela rappelle de mauvais souvenirs, à nous gaullistes. On sait l'usage qu'ont fait les nazis de la génétique".

jeudi 16 août 2007

Les sages en action


Les 9 + 1 - 1 (les 9 membres désignés + VGE - J.Chirac) sages du Conseil constitutionnel ont rendu en une semaine trois décisions importantes.

1. le 9 août 2007 sur la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs

2. le 16 août 2007 sur la loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs

3. le 16 août 2007 également, sur la loi du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.


Le Conseil constitutionnel n'a censuré qu'une seule disposition parmi ces trois textes : elle concerne le "paquet fiscal". La déduction des intérêts d'emprunt immobilier ne peut avoir une application rétroactive car cela crée notamment "entre les contribuables une différence de traitement injustifié". De plus cet "avantage fiscal fait supporter à l'Etat des charges manifestement hors de proportion avec l'effet incitatif attendu". "Il en résulte une rupture caractérisée de l'égalité des contribuables devant les charges publiques". Le gouvernement est donc appelé a modifier ce dispositif.

Les deux autres lois ont donc été jugées conformes à la Constitution.
Dont acte.




mercredi 27 juin 2007

Vous avez bien dit "peines plancher" ?



La nouvelle Garde des Sceaux Rachida Dati lors de sa visite au tribunal de Bobigny le 22 juin a dit vouloir « conduire la politique de fermeté que les Français attendent ». En vertu des engagements pris par N.Sarkozy lors de la campagne présidentielle deux chantiers majeurs du droit pénal vont être engagés et discutés devant le Parlement cet été : 1. L’instauration de peines plancher pour les crimes et délits commis en état de récidive légale. 2. L’inapplicabilité de l’atténuation des peines prévues pour les mineurs de 16 ans pour les délits et crimes les plus graves commis une nouvelle fois en état de récidive légale. Le projet de loi « renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs » veut ainsi « donner dans la loi des indications claires quant à la volonté du législateur pour le traitement de la récidive, tout en laissant au juge le soin de procéder aux distinctions nécessaires au regard des circonstances d’espèce ».


A la lecture du projet, on est loin des intentions du Président de la République d’instituer des véritables peines plancher, en deçà desquelles aucune peine n’eut été prononçable. Craignant la censure du Conseil constitutionnel, N. Sarkozy a du reculé. En effet, le juge constitutionnel, en se fondant sur l’art. 8 DDHC (principe de nécessité et de proportionnalité de la peine) protège le principe d’individualisation des peines. Ainsi une peine est prononcée en fonction du profil sociologique du délinquant. Les juges disposent d’une faculté discrétionnaire dont ils ne doivent aucun compte. Le nouveau projet de loi veut modifier cette donne. Celui-ci précise par exemple que « pour les crimes commis en état de récidive légale, la peine d’emprisonnement (…) ne peut être inférieure aux seuils suivants : 5 ans si le crime est puni de 15 ans de réclusion ou de détention ; … ; 15 ans si le crime est puni de réclusion ou de la détention à perpétuité… ». Toutefois, le texte précise que le juge peut prononcer une peine inférieure à ces seuils « en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou de garanties d’insertion ou réinsertion ». Et en cas de deuxième récidive, le projet poursuit que « seules des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion » (!) peuvent permettre au juge de prononcer une peine en deçà des seuils fixés.


Pour les mineurs, le texte veut assouplir l’effet de l’excuse de minorité dont ils bénéficient en cas de nouvelle commission d’infraction en état de récidive. Là aussi, la décision appartient au juge qui peut ou non appliquer cette disposition.

A noter que pour les majeurs comme pour les mineurs, dans le cas où le juge n'estime pas adaptées les peines plancher, il est tenu de MOTIVER sa décision. Autant dire qu'au regard des conditions de travail des magistrats qui croulent sous les dossiers, ils seront parfois contraints (de fait) de se soumettre aux seuils fixés par la loi.

L’intention du nouveau chef de l’Etat est claire : sous couvert de l’instauration de peines plancher visant à lutter contre la récidive, un discours de fermeté et de sévérité est envoyé aux magistrats contre leur « démission et leur laxisme » (dixit Sarkozy sur les juge du Tribunal de Bobigny). Deux commentaires me paraissent opportuns :

1. Sur la récidive : je veux reprendre ici un propos de Pascal Remilleux publié sur le blog Dalloz : « Ainsi, on nous indique que « Le nombre de condamnations en récidive a augmenté de 68,5% en 5 ans, passant de 20 000 en 2000 à plus de 33 700 en 2005. En 2005, 4500 personnes ont été condamnées en récidive pour crimes ou délits violents, soit une augmentation de 145 % par rapport à l’année 2000. La délinquance des mineurs suit également cette tendance. Une étude récente montre que 30,1 % des mineurs condamnés en 1999 ont récidivé dans les cinq années suivantes ». Avant de tirer des conséquences sociologiques puis juridiques d’une statistique, encore faut-il, la présenter dans son intégralité avec des éléments de définition, de contexte et de comparaison : ici, a minima, on aurait dû ajouter aux chiffres donnés par le garde des Sceaux pour justifier son projet de loi, qu’en 2005, les juridictions ont prononcé 3 232 condamnations pour crimes et 521 118 pour délits, alors même qu’en 2000 il y avait eu 441 312 condamnations prononcées pour délit et 3 610 pour crime. Certes, la hausse (+13 700) de condamnations prononcées en état de récidive est bien réelle, mais doit être ramenée à la hausse générale des condamnations (+79 428)… La conclusion (provisoire) est tout autre que celle de l’exposé des motifs : la hausse en valeur absolue des condamnés en état de récidive s’inscrit dans une augmentation globale des condamnations. Cette dernières ayant elle-même de nombreuses interprétations possibles : est-ce uniquement l’indice d’une hausse des faits, donc du nombre de victimes, ou aussi (mais dans quelle proportion ?) l’indice d’une meilleure productivité de la justice pénale qui peut désormais absorber davantage d’affaires dans des délais plus courts ? »

2. Sur la fermeté de la peine. Les chiffres le montrent. Une peine plus sévère n’est pas forcément plus dissuasive. Le gouvernement actuel au lieu d’accompagner le délinquant lors de sa remise en liberté, ou de privilégier les mesures de libération conditionnelle veut augmenter le quantum des peines.