Théorieclassique des vices du
consentement repose sur la trilogie : erreur, dol, violence
Mesures curatives de protection du consentement
Partir de l’article 1108 C. civ : sur les
quatre conditions de validité d’un contrat ; parmi elles, « un
consentement de la partie qui s’oblige ».
Le consentement doit présenter certaines
qualités. Il doit être libre et éclairé. Exigence énoncée sous forme négative à
l’article 1109.
Section 1 du Chapitre 2 du Code consacrée
particulièrement au consentement.
Art. 1109 : Il n’y a point de consentement
valable, si le consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il a été extorqué
par violence ou surpris par dol.
Chaque vice du consentement est présenté
« par un verbe à la valeur expressive particulièrement forte »
(TERRE, SIMLER, LEQUETTE) :
-
Donné
par erreur : l’erreur émane du contractant qui se dit victime
-
Extorqué
par violence : extorquer qui signifie obtenir par la menace
-
Surpris
par dol : l’idée de surprise renvoie à une manœuvre du cocontractant
Origines
historiques de cette théorie :
le droit romain considérait le dol et la violence comme des délits et
visait à sanctionner la malhonnêteté d’un cocontractant (peu de considération pour
le consentement car formalisme important à cette époque). Les juristes de
l’Ancien droit ont repris à leur compte cet héritage romain en en modifiant
toutefois le sens en faveur d’une protection du consentement contractuel. Le
Code civil a opéré une synthèse de ces deux conceptions : « si
la technique des vices du consentement est en son sein essentiellement
appréhendée comme un moyen de protection de la volonté, l’aspect délictuel n’a
pas totalement été évincé, altérant parfois la cohérence des règles
juridiques » (Porchy-Simon).
Impératifs contradictoires
de politique juridique dans l’appréciation des vices du consentement :
-
nécessité
de protection du consentement = admission très large de la nullité pour vices.
-
sécurité
juridique, dans les relations contractuelles = retenir cette sanction que dans
les cas les plus graves d’altération de la volonté.
Là
aussi, un compromis : « transaction entre le souci d’une part de ne
donner d’efficacité à un engagement contractuel que s’il correspond à la
volonté réelle de celui qui l’a pris, et d’autre part celui de mettre le
contractant à l’abri d’une nullité qu’il ne pouvait prévoir » (TERRE).
Concrètement cela passe une délimitation du
domaine de l’erreur.
Cela apparait clairement à la lecture de
l’article 1110 : « l’erreur n’est une cause de nullité que
lorsqu’elle tombe… . Elle n’est point une cause de nullité … ». Volonté de
circonscrire le domaine de l’erreur. Le législateur n’entend pas prendre en compte
toutes les bévues ou naïvetés d’un contractant.
1°
L’erreur
Deux types d’erreur sont ainsi admises par les
textes : l’erreur sur la substance de la chose et l’erreur sur
la personne lorsque cette personne est la cause principale de la
convention.
Notons cependant que même si le Code ne les
mentionne pas, l’erreur sur la nature du contrat (l’un croyait qu’il
s’engageait dans un contrat de vente et l’autre un contrat de bail) et l’erreur
sur l’objet du contrat (l’un croyait contractait en euros, l’autre en francs)
invalident la convention. Elles doivent même être considérées comme des erreurs-obstacles.
Ces contrats résultent d’un quiproquo,
d’une incompréhension totale entre les deux contractants.
a – erreur sur la substance :
Deux conceptions :
-
conception objective : classiquement, cette conception renvoie
à la qualité substantielle de la chose correspond à la matière dont la chose
est faite. Cette conception a le mérite d’offrir un critère précis, mais elle
est trop étroite. Les partisans de la conception objective ont donc adapté leur
théorie, en retenant comme critère de distinguer pour chaque chose la qualité
considérée comme substantielle pour la majorité des hommes
-
conception subjective : renvoie à la qualité jugée telle par
celui qui s’est trompé, celle qui l’a déterminé à contracter.
La jurisprudence tend davantage à promouvoir la
seconde conception. « L’erreur doit être considérée comme portant sur la
substance lorsqu’elle est de telle nature que sans elle l’une des parties
n’aurait pas contracté » (Civ., 28
janvier 1913). Cela peut donc tout aussi bien porter sur la matière de la
chose (j’achète un bijou en argent alors que celui-ci est en oxyde de
zirconium), que sur son authenticité (je pense acheter un original alors qu’il
ne s’agit qu’une copie), que sur son aptitude à remplir l’usage auquel celui
qui s’est trompé la destinait (j’achète un terrain qui se révèle être
finalement inconstructible).
Notons que les deux conceptions sont finalement
assez proches l’une de l’autre : d’abord, parce qu’un individu acquiert le
plus souvent un bien en fonction de la matière qui le constitue, ensuite parce
le plus souvent la qualité qui a été déterminante pour le contractant l’est
aussi pour la majorité des hommes (le contraire rendrait périlleux la preuve
des qualités substantielles).
Preuve de la qualité considérée comme
substantielle : il faut que cette qualité ait été
« convenue » entre les parties (GHESTIN). Le doute sur
l’authenticité de la chose peut être intégré dans le champ contractuel :
l’aléa chassera alors l’erreur (Civ. 1er, 24 mars 1987, aff. du
Fragonard).
b – l’erreur sur la personne :
cf. art. 1110 al 2.
NB : L’erreur doit
être excusable. Cela implique deux choses => 1° le contractant doit
avoir pris toutes les précautions nécessaires avant de s’engager, ne pas le
faire avec négligence. 2° appréciation in
concreto du caractère inexcusable de l’erreur en fonction des qualités de
la personne.
Sanction de l’erreur : nullité relative. En
principe pas de D/I.
Si l’erreur est une erreur spontanée, l’erreur
provoquée constitue un dol.
2° Le
dol
Dans le dol, le contractant n’est pas trompé,
on l’a trompé.
Différentes entre le dol et l’erreur :
-
domaine
plus large du dol : les erreurs indifférentes et non sanctionnées sur le
fondement de l’erreur (ex : erreur sur la valeur) sont sanctionnées
lorsqu’elles ont été provoquées par dol
-
sur
la preuve : la preuve du dol, beaucoup plus facile, porte sur les
manœuvres (fait matériel), alors que celle de l’erreur porte sur la croyance
erronée (fait psychologique).
-
Sur
la sanction : en principe de pas de D/I pour l’erreur
La notion de dol porte en elle l’idée romaine du
délit. En effet, pour être constitué, le dol doit reposer sur un élément
matériel (manœuvres, mensonges, réticence dolosive) mais également sur un élément
intentionnel, à savoir la volonté de tromper l’autre (difficile à établir
dans le cas dans la réticence dolosive). C’est pourquoi le dol doit émaner du
cocontractant.
En plus d’émaner du cocontractant, le dol doit
avoir été déterminant (abandon progressive de la distinction dol principal/dol
incident (Cf. Civ. 3ème, 22
juin 2005)). En revanche, l’erreur provoquée n’a pas à être excusable.
Evolution du dol : par l’admission de la
réticence dolosive qui crée une obligation précontractuelle d’information à
l’égard des contractants. Le dol peut être alors assimilé à l’exigence de bonne
foi.
3° la
violence
Plus simple à comprendre (art. 1111 et s.).
Elle peut être physique, morale (pressions psychologiques) ou économique (abus de puissance économique du
cocontractant).
Evolution
de la violence : la violence économique. Admise depuis peu par la Cour de
cassation (Civ.1ère, 3
avril 2002). L’exploitation
abusive d’une situation de dépendance économique faite pour tirer profit de la
crainte d’un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne,
peut ainsi vicier de violence son consentement. (déterminer 1° une situation de
dépendance économique ; 2° une
exploitation abusive de cette situation)
Notons que contrairement au dol, l’auteur de la
violence est indifférent.
Mais,
la violence doit être illégitime : l’acte constitutif de violence ne doit
pas être autorisé par le droit positif (ex : exercice des voies de droit
ou du droit de grève). Ainsi, la situation objective de domination économique
d’une partie sera le plus souvent dépourvue de caractère illégitime. De plus,
la violence doit être déterminante : la violence doit avoir altéré le
consentement du cocontractant. Même si l’art. 1112 est ambigu sur ce point, les
juges se livrent ici à une appréciation in
concreto : prise en compte de la condition physique et intellectuelle
de la victime, son âge ou toute autre circonstance particulière.
Rq :
violence peut entrainer la nullité alors même qu’elle n’a pas été exercée sur
la partie directement mais sur « son époux ou épouse, sur ses descendants
ou ses ascendants » Art. 1113.
Elements de correction du cas pratique
I. L’annulation de la vente du tableau :
Monsieur Robert a vendu, lors d’une brocante, un
tableau d’un dénommé Martin pour la somme de 300 euros. Or il apprend quelques
mois après que ce tableau était en fait une œuvre de Gauguin. Il souhaite
savoir s’il a la possibilité de récupérer son tableau et quels sont ses moyens
d’action.
Il convient, préalablement, de déterminer la nature de
l’acte passé entre M. Robert et Mme Zara.
Au terme de l’article 1101 du Code civil, « le
contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs parties s’obligent,
envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque
chose ».
En outre, l’article 1582 du Code civil dispose
: « La vente est une convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose,
et l’autre à la payer ».
En l’espèce, M. Robert a vendu un tableau à Mme Zara
lors d’une brocante. Il s’agit donc bien d’un contrat de vente.
Or, on sait que, conformément aux dispositions de l’article
1108 du Code civil, quatre conditions sont essentielles pour la validité
d’une convention :
- Le consentement de la partie qui s’oblige ;
- Sa capacité de contracter ;
- Un objet certain qui forme la matière de
l’engagement ;
- Une cause licite dans l’obligation.
En l’espèce, trois de ces quatre conditions
cumulatives semblent remplies : rien n’indique que les parties n’avaient pas la
capacité de contracter, et la volonté des parties semble assise sur un objet
certain et motivée par une cause licite.
En revanche, on peut se demander si le consentement
d’une des parties, condition essentielle du contrat, n’a pas été vicié.
En effet, on sait qu’« il n’y a point de consentement
valable, si le consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il a été
extorqué par violence ou surpris par dol » (art. 1109 C. civ).
On peut d’ores et déjà exclure le dol qui, au terme de
l’article 1116 du Code civil, n’est cause de nullité de la convention
que lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il
est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. En
effet, il ne semble pas en l’espèce que Mme Zara ait visé à induire M. Robert
en erreur afin de le pousser à contracter. S’il y a eu erreur de M. Robert,
celle-ci n’a pas été provoquée, de telle sorte que les éléments constitutifs du
dol ne sont pas réunis.
De même, on peut exclure la violence, envisagée par
les articles 1111 et suivants du Code civil, qui est une pression
exercée sur le contractant pour le contraindre à donner son consentement.
En revanche, qu’en est-il de l’erreur ?
On sait qu’elle est, dans le sens courant, l’état de
celui qui prend pour vrai ce qui est faux, et inversement. Appliquée au domaine
contractuel, elle consiste en une fausse représentation de l’objet du contrat,
conduisant à une discordance entre la croyance de l’errans (celui qui
s’est trompé) et la réalité. Elle vicie alors le consentement qui n’est plus
éclairé.
Le Code civil admet différentes sortes d’erreurs
(erreur sur la substance, erreur sur la personne et, dans une moindre mesure,
erreur obstacle) qui ne conduisent cependant à la nullité du contrat qu’à la
condition de présenter certains caractères.
En l’espèce, M. Robert a vendu pour 300 euros un
tableau dont il ignorait manifestement que Gauguin en fût l’auteur.
Selon l’article 1110, alinéa 1er, du
Code civil,« l’erreur n’est une cause de nullité de la convention que
lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet ».
On notera que l’erreur sur la substance s’entend non
seulement de celle qui porte sur la matière même dont la chose est composée,
mais aussi et plus généralement de celle qui a trait aux qualités
substantielles (authenticité, origine, utilisation…) en considération
desquelles les parties ont contracté.
En outre, l’erreur sur l’authenticité d’un tableau est
une erreur sur la substance et non une simple erreur sur la valeur (Paris,
28 juin 2001). Or, l’erreur substantielle qui a provoqué l’erreur sur la
valeur peut fonder l’annulation (Paris, 11 sept. 1990).
En l’espèce, il y a bien erreur sur la substance (le
tableau, attribué à un dénommé Martin, étant en réalité l’œuvre de Gauguin).
Mais, on l’a dit, l’erreur ne conduit à la nullité du contrat qu’à la condition
de présenter certains caractères.
Notons qu’il importe de déterminer quelle a été la
croyance des contractants au moment de la vente. Lorsqu’au départ, le vendeur
et l’acheteur avaient un doute sur l’originalité de l’œuvre, cela suffit à
établir que leur consentement n’était pas vicié : en effet, l’aléa chasse l’erreur
(Civ. 1ère, 24 mars 1987, « Fragonard »).
En l’espèce, il n’y avait aucun aléa. M. Robert n’a
pas pensé une seule seconde que ce tableau fût celui d’un grand maître. Son
erreur est donc déterminante : l’appréciation du caractère déterminant
de l’erreur est opérée par le juge in concreto, et si ce caractère
déterminant s’apprécie au jour où le consentement a été donné, les parties
peuvent utiliser, pour apporter cette preuve, des éléments postérieurs à la
conclusion du contrat (Civ. 1ère, 13 décembre 1983,« Poussin »).
Enfin, son erreur est excusable : une
jurisprudence constante refuse d’annuler le contrat pour erreur si celle-ci
était la conséquence d’une faute de l’errans (voir, notamment : Civ. 3ème,
4 juillet 2007). En l’espèce, M. Robert n’est pas un professionnel, mais un
profane ayant décidé de vendre un tableau à la suite d’un vide-grenier. Il ne présente pas non plus de qualités particulières dans le domaine de l'art.
Conclusion : M. Robert pourra donc demander l’annulation de la
vente sur le fondement de l’article 1110 du Code civil. Le tableau lui sera
remis, et il devra rembourser Mme Zara.
II. L’annulation de la vente de la maison :
M. Robert a acquis une maison auprès d’un promoteur
immobilier. Mais il apprend quelques mois plus tard que la commune possède un
terrain jouxtant son jardin et envisage d’y construire un complexe sportif.
Anxieux à l’idée des nuisances qu’il risque de subir (bruit, absence de vue),
il souhaiterait savoir s’il est possible d’obtenir l’annulation de la vente de
la maison.
Là encore, il convient de déterminer la nature de
l’acte passé entre M. Robert et le promoteur immobilier.
Il s’agit d’un contrat de vente (art. 1582)
dont on sait qu’il ne peut être valide qu’à condition que quatre conditions
soient réunies (art. 1108).
Or, en l’espèce, l’une d’entre elle fait peut-être
défaut.
En effet, on sait qu’« il n’y a point de consentement
valable, si le consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il a été
extorqué par violence ou surpris par dol » (art. 1109 C. civ).
Si l’on peut exclure l’erreur et la violence, il est
peut-être possible de retenir le dol qui, au terme de l’article 1116 du Code
civil, n’est cause de nullité de la convention que lorsque les manœuvres
pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces
manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.
Le dol suppose la réunion de deux éléments : un
élément matériel et un élément intentionnel.
L’élément matériel peut résulter de manœuvres, de
mensonges, mais peut aussi résulter du silence d’une partie sur un élément
d’information relatif au contrat qui, s’il avait été connu, aurait dissuadé
l’autre de contracté. On parle alors de réticence dolosive, laquelle est admise
depuis longtemps (Civ. 1ère, 19 mai 1958) et constitue
aujourd’hui la forme la plus courante du dol.
En l’espèce, si M. Robert avait eu connaissance du
projet de construction d’un complexe sportif sur le terrain jouxtant le jardin
de la maison, sans doute n’aurait-il pas contracté.
Reste à savoir si le vendeur était au courant de ce
projet.
S’il ne l’était pas, alors le dol n’est pas constitué
et M. Robert ne pourra demander l’annulation de la vente.
S’il l’était, en revanche, alors le silence qu’il a
gardé est constitutif d’un dol.
La jurisprudence considère que le vendeur
professionnel est tenu d’une obligation de renseignement à l’égard de son
client, opérant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l’élément
intentionnel du dol (Civ. 1ère, 15 mai 2002) : ainsi, ce sera
au promoteur immobilier de démontrer qu’il n’était pas au courant du projet. A
défaut de preuve contraire, il sera présumé ne pas avoir délivré l’information,
et avoir donc commis un dol.
M. Robert pourra, le cas échéant, demander
l’annulation de la vente sur le fondement de l’article 1116 du Code civil,
mais également engager la responsabilité de l’agent immobilier sur le terrain
de l’article 1382.