vendredi 28 octobre 2011

J. SAPIR, L'accord signé ne fait que prolonger l'agonie de l'euro (Marianne 2 - 28 oct 2011)

L'accord réalisé cette nuit ne fera que prolonger l'agonie de l'Euro car il ne règle aucun des problèmes structurels qui ont conduit à la crise de la dette. Mais, en plus, il compromet très sérieusement l'indépendance économique de l'Europe et son futur à moyen terme. C'est en fait le pire accord envisageable, et un échec eût été en fin de compte préférable.

Nos gouvernements ont sacrifié la croissance et l'indépendance de l'Europe sur l'autel d'un fétiche désigné Euro.

Huit mesures actées :

Si nous reprenons les mesures qui ont été actées nous avons :

1. Une réduction partielle de la dette mais ne touchant que celle détenue par les banques. Autrement dit c'est 100 milliards qui ont été annulés et non 180 (50% de 360 milliards). Cela ne représente que 27,8%. La réalité est très différente de ce qu'en dit la presse. Cela ramènera la dette grecque à 120% en 2012, ce qui est certes appréciable mais très insuffisant pour sortir le pays du drame dans lequel il est plongé.

2. Le FESF va se transformer en « fonds de garantie » mais sur les 440 milliards du FESF, seuls 270 milliards sont actuellement « libres ». Comme il faut garder une réserve c'est très probablement 200 milliards qui serviront à garantir à 20% les nouveaux emprunts émis par les pays en difficultés. Cela représente une capacité de 1000 milliards d'emprunts (200 / 0,2). C'est très insuffisant. Barroso avait déclaré qu'il fallait 2200 milliards et mes calculs donnaient 1750 milliards pour les besoins de la Grèce (avant restructuration) du Portugal et de l'Espagne. Cet aspect de l'accord manque totalement de crédibilité.

3. La recapitalisation des banques est estimée à 110 milliards. Mais, l'agence bancaire européenne (EBA) estimait ce matin la recapitalisation à 147 milliards (37 de plus). De plus, c'est sans compter l'impact du relèvement des réserves sur les crédits (le core Tier 1) de 7% à 9% qui devra être effectif en juin 2012. Il faudra en réalité 200 milliards au bas mot, et sans doute plus (260 milliards semblent un chiffre crédible). Tout ceci va provoquer une contraction des crédits (« credit crunch ») importante en Europe et contribuer à nous plonger en récession. Mais, en sus, ceci imposera une nouvelle contribution aux budgets des États, qui aura pour effet de faire perdre à la France son AAA !

4. L'appel aux émergents (Chine, Brésil, Russie) pour qu'ils contribuent via des fonds spéciaux (les Special Vehicles) est une idée très dangereuse car elle va enlever toute marge de manoeuvre vis à vis de la Chine et secondairement du Brésil. On conçoit que ces pays aient un intérêt à un Euro fort (1,40 USD et plus) mais pas les Européens. La Russie ne bougera pas (ou alors symboliquement) comme j'ai pu le constater moi-même lors d'une mission auprès du gouvernement russe en septembre dernier.

5. L'engagement de Berlusconi à remettre de l'ordre en Italie est de pure forme compte tenu des désaccords dans son gouvernement. Sans croissance (et elle ne peut avoir lieu avec le plan d'austérité voté par le même Berlusconi) la dette italienne va continuer à croître.

6. La demande faite à l'Espagne de « résoudre » son problème de chômage est une sinistre plaisanterie dans le contexte des plans d'austérité qui ont été exigés de ce pays.

7. L'implication du FMI est accrue, ce qui veut dire que l'oeil de Washington nous surveillera un peu plus... L'Europe abdique ici son « indépendance ».

8. La BCE va cependant continuer à racheter de la dette sur le marché secondaire, mais ceci va limiter et non empêcher la spéculation.

Les piètres conclusions que l'on peut en tirer...

Au vu de tout cela on peut d'ores et déjà tirer quelques conclusions :

- Les marchés, après une euphorie passagère (car on est passé très près de l'échec total) vont comprendre que ce plan ne résout rien. La spéculation va donc reprendre dès la semaine prochaine dès que les marchés auront pris la mesure de la distance entre ce qui est proposé dans l'accord et ce qui serait nécessaire.

- Les pays européens se sont mis sous la houlette de l'Allemagne et la probable tutelle de la Chine. C'est une double catastrophe qui signe en définitive l'arrêt de mort de l'Euro. En fermant la porte à la seule solution qui restait encore et qui était une monétisation globale de la dette (soit directement par la BCE soit par le couple BCE-FESF), la zone Euro se condamne à terme. En recherchant un « appui » auprès de la Chine, elle s'interdit par avance toute mesure protectionniste (même Cohn-Bendit l'a remarqué....) et devient un « marché » et de moins en moins une zone de production. Ceci signe l'arrêt de mort de toute mesure visant à endiguer le flot de désindustrialisation.

- Cet accord met fin à l'illusion que l'Euro constituait de quelque manière que ce soit une affirmation de l'indépendance de l'Europe et une protection de cette dernière.

Pour ces trois raisons, on peut considérer que cet accord est pire qu'un constat d'échec, qui eût pu déboucher sur une négociation concertée de dissolution de la zone Euro et qui aurait eu l'intérêt de faire la démonstration des inconséquences de la position allemande, mais qui aurait préservé les capacités d'indépendance des pays et de l'Europe.

Les conséquences de cet accord partiel seront très négatives. Pour un répit de quelques mois, sans doute pas plus de six mois, on condamne les pays à de nouvelles vagues d'austérité ce qui, combiné avec le « credit crunch » qui se produira au début de 2012, plongera la zone Euro dans une forte récession et peut-être une dépression. Les effets seront sensibles dès le premier trimestre de 2012, et ils obligeront le gouvernement français à sur-enchérir dans l'austérité, provoquant une montée du chômage importante. Le coût pour les Français de cet accord ne cessera de monter.

Politiquement, on voit guère ce que Nicolas Sarkozy pourrait gagner en crédibilité d'un accord où il est passé sous les fourches caudines de l'Allemagne en attendant celles de la Chine. Ce thème sera exploité, soyons-en sûrs, par Marine Le Pen avec une redoutable efficacité. Il importe de ne pas lui laisser l'exclusivité de ce combat.

La seule solution, désormais, réside dans une sortie de l'euro, qu'elle soit négociée ou non.

mercredi 26 octobre 2011

Travail à faire pour la séance 5 (cause du contrat)

- Fiche d'arrêt et éléments de commentaire (2 ou 3 axes de commentaire rédigés) de Com. 22 octobre 1996 (arrêt Chronopost).

- Commentaire entièrement rédigé de Plén. 29 octobre 2004. Pour cela, je vous invite à consulter les nombreuses notes de commentaire écrites sur cet arrêt : notamment RTD Civ. 2005. 104 note J. HAUSER ; Dr. famille (Jurisclasseur), 2004, n° 230, note B. BEIGNIER ; et Ph. MALAURIE, "Libéralité, bonnes moeurs et relations adultères, Defrénois, 2006, 38.

Je vous encourage également à lire l'arrêt suivant rendu en 1999 sur le même thème :

Cass. Civ. 1ère, 3 février 1999

Sur le moyen unique :

Vu les articles 1131 et 1133 du Code civil ;

Attendu que n’est pas contraire aux bonnes mœurs la cause de la libéralité dont l’auteur entend maintenir la relation adultère qu’il entretient avec le bénéficiaire ;

Attendu que le 26 octobre 1989, Roger Y... est décédé en laissant à sa succession son épouse et M. Christian Y... qu’il avait adopté ; que par testament authentique du 17 mars 1989, il a, d’une part, révoqué toute donation entre époux et exhérédé son épouse, et, d’autre part, gratifié Mme X... d’une somme de 500 000 francs ; que M. Christian Y... a soutenu que la cause de cette disposition était contraire aux bonnes mœurs ;

Attendu que pour prononcer la nullité de la libéralité consentie à Mme X..., la cour d’appel a retenu que la disposition testamentaire n’avait été prise que pour poursuivre et maintenir une liaison encore très récente ;

En quoi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 20 novembre 1995, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée.

mardi 25 octobre 2011

Séance 3 – Les avants-contrats (Eléments de correction)

Rien dans le Code civil = dans les projets de réforme : de larges développements.
 
Civ. 3ème, 10 décembre 1997 (offre avec délai et décès de l'un des pollicitants)
Le décès de l'un des pollicitants avant l'acceptation de l'offre de vente emporte–t-il caducité de l'acte ?
La Cour d'appel établit une distinction entre délai de levée d'option et délai de maintien de l'offre. - Délai de levée d'option : délai avant l'expiration duquel la levée d'option doit être faite. - Délai de maintien de l'offre : délai durant lequel le pollicitant s'engage à maintenir son offre.

En l'espèce, pour la Cour d'appel, il s'agit seulement d'un délai de levée d'option et non de maintien de l'offre ; dès lors, à défaut de l'acceptation du contrat de promesse formulée avant le décès de l'un des pollicitants, l'offre devient caduque.
La Cour de cassation censure la décision rendue par la juridiction d'appel en considérant qu'il résulte des propres constatations établies par cette dernière que les époux Y se sont engagés à maintenir leur offre jusqu'au 31 décembre 1991.

 Eléments de commentaire :

- Argument non évoquée par la Cour de cassation qui préfère se focaliser sur l'engagement de maintien de l'offre : théorie de la dualité de l'offre (J.-L. AUBERT). C'est l'idée selon laquelle l'offre faite par plusieurs pollicitants est maintenue par la survie de l'un d'entre eux. - Revirement de jurisprudence ? : « Mais attendu que la notification d'une vente sous condition suspensive au titulaire du droit de préemption, par le notaire chargé d'instrumenter, ne constituant pas une promesse de vente mais une simple offre, celle du 22 juillet 1981 devenue caduque par l'effet du décès de Mme X... survenu le 11 août 1981, ne pouvait être l'objet postérieurement à cette date d'une acceptation de la part de la SAFER » (Civ. 3ème, 10 mai 1989). A nuancer avec la présence d'un seul pollicitant en l'espèce (plusieurs dans l'arrêt du 10 décembre 1997)

 
Civ. 1ère, 1er décembre 2010.

 Quel est le sort d'un immeuble acquis à la suite d'une promesse unilatérale de vente assortie d'une importante indemnité de réservation signée pendant le mariage mais levée après une assignation en divorce ?
Véritable enjeu de l'arrêt : fixer la date exacte du transfert de propriété pour en déterminer le véritable propriétaire Qualification de la propriété d'un immeuble (propre ou commun) acquis à cheval entre le mariage, une procédure de divorce et le divorce.
Article 1401 : La communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres.
Deux choses l'une :
-Soit le transfert de propriété a lieu pendant le mariage : bien commun-Soit il a lieu après : bien propre
En l'espèce, la chronologie est la suivante :
-Promesse de vente signée le 6 mai 1958
-Assignation en divorce délivrée le 18 mai 1959
-Acte authentique signée le 13 avril 1960
-Divorce prononcé le 21 mai 1962.

 Ancien article 262-1 : dans les procédures contentieuses, le divorce produit ses effets entre les époux à compter de l'assignation. Droit nouveau : à compter de l'ordonnance de non-conciliation.
Il s'agit ici d'une promesse unilatérale de vente : qui n'engage donc que le promettant. Dès lors, la vente n'est formée que lorsque le bénéficiaire de cette promesse ne décide d'en lever l'option (pas sans avant et sans effet rétroactif), sauf stipulation contraire. De même, l'immeuble en question fait l'objet d'une VEFA, qui exige la signature d'un contrat de réservation, laquelle ne peut opérer non plus un transfert de propriété.
Caractère indifférent du montant des indemnités de réservation (revirement de jurisprudence). Jusqu'alors, la Cour de cassation avait tendance à assimiler les promesses unilatérales de vente à des promesses synallagmatiques (et donc à une vente), celles qui contiennent des indemnités de réservations très élevées (proche du prix de vente). V. notamment Com., 13 février 1978 et Civ. 3ème, 31 mars 1981.
 
Civ. 3ème, 23 juin 2004.

Toute la phase contractuelle est dominée par le principe de bonne foi. Cette règle est posée à l'article 1134 dans son alinéa 3. Elle peut par exemple justifier l'allocation de D/I lors de la rupture de pourparlers contractuels, alors même qu'en principe celle-ci est libre.
La mauvaise foi du vendeur exonère-t-elle l'acquéreur de l'accomplissement de la condition suspensive prévue dans la promesse de vente ? En l'espèce, une promesse synallagmatique de vente est conclue sous diverses conditions suspensives, dont le paiement d'un prix et des frais dans la comptabilité du notaire au plus tard le 30 janvier 1998. Dans un courrier du 7 janvier, le vendeur et son conseil demandent au notaire « d'arrêter » la vente. Puis le 30 janvier, date limite de la réalisation des conditions suspensives, ils derniers informent l'acquéreur que la vente ne peut plus se faire. Ce dernier sollicite la réalisation de la vente. Par demande reconventionnelle, le vendeur invoque la caducité de la promesse, faute de réalisation des conditions suspensives par le co-promettant. La Cour d'appel constate la caducité de la promesse synallagmatique. La vente était conditionnée par la réalisation de l'engagement de l'acquéreur de consigner une somme sur le compte du notaire ; à défaut, la vente ne peut être réalisée. Saisie d'un pourvoi, la Cour de cassation invite la juridiction d'appel à se focaliser sur le comportement du vendeur et de son conseil. En effet, avant que le délai de réalisation de la condition suspensive n'expire, ils ont, par courrier, demandé à ce que la vente soit « arrêtée ». Et lorsque le délai fut définitivement écoulé, ils ont sollicité la « nullité » de la promesse. Sous le visa de l'article 1134 al 3, la Haute juridiction considère que ce comportement est caractéristique de la mauvaise foi contractuelle ; que dès lors, le vendeur ne peut se prévaloir de la non réalisation de la condition suspensive.
Art 1134Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. 
 Art. 1178La condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement.
-La Cour de cassation invite la Cour d'appel à se focaliser sur le comportement du vendeur et de son conseil. En effet, avant que le délai de réalisation de la condition suspensive, ils ont, par courrier, demandé à ce que la vente soit « arrêtée ». Et lorsque le délai fut définitivement écoulé, ils ont sollicité la « nullité » de la promesse.
Art. 1176
Lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé. S'il n'y a point de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie ; et elle n'est censée défaillie que lorsqu'il est devenu certain que l'événement n'arrivera pas.
Sanction : caducité de la promesse (et non nullité comme le prétendent le vendeur et son conseil en l'espèce). V. not. Civ. 3ème, 15 janvier 2003.
- Préférence pour l'article 1134 plutôt que l'article 1178. Application d'un texte général plutôt qu'un texte spécial. L'article 1134 pouvait très bien s'appliquer en l'espèce.

mardi 18 octobre 2011

Obligations - Le dol et la violence


I - Le dol
Art. 1116 : le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
Il s'agit de la malhonnêteté d'une partie visant à induire l'autre en erreur afin de la pousser à contracter.

Différences avec l'erreur :
Le dol est une erreur provoquée
Le dol est un vice du cst volontairement causé par le cocontractant
Le dol ouvre droit à des D/I

1° Eléments constitutifs du dol :
a - Elément matériel : action visant à tromper l'autre
  • Manœuvres : c'est ce que vise l'article 1116 mais la jp a une lecture extensive de cette disposition. Il s'agit de machinations proche de l'escroquerie en droit pénal.
  • Mensonges : « un simple mensonge, non appuyé d'actes extérieurs, peut constituer un dol » Civ. 3, 6 novembre 1970. Il convenait auparavant de distinguer bon (pour un bon commerce) et mauvais dol. Mais cette distinction ne semble plus d'actualité → à l'heure de la protection du consommateur et du devoir de l'informer, les juges sont peu enclins à qualifier de bon dol le mensonge professionnel.
  • Réticence dolosive : il s'agit du silence gardé par une partie sur un élément d'information relatif au contrat qui, s'il avait été connu, aurait dissuadé l'autre de contracter. Pourtant, dans un tel cas, le contractant n'a pas provoqué l'erreur mais l'a tout simplement exploitée. La difficulté c'est de déterminer jusqu'où l'exigence de loyauté entre les parties doit s'imposer. La jurisprudence récente a affirmé que le silence de l'acheteur sur la réelle valeur du bien qu'il acquiert ne peut être sanctionné par le biais du dol (Civ. 1ère, 3 mai 2000 et confirmé par Civ. 3ème, 17 janvier 2007 : « L'acquéreur, même professionnel, n'est pas tenu d'une obligation d'information au profit du vendeur sur la valeur du bien acquis ») 

b - Elément intentionnel du dol : volonté de tromper le cocontractant (différence ici avec l'erreur). La preuve du caractère intentionnel doit en principe être rapportée par la victime. Mais certains arrêts récents ont pu considérer que le vendeur professionnel est tenu d'une obligation d'information dont il lui incombe de prouver qu'il l'a exécutée (Civ.1ère, 15 mai 2002.
Cette jurisprudence donne raison à Terré, Simler et Lequette qui considère que le dol, en méconnaissance de l'art. 1116 al. 2, serait présumé lorsque la réticence est le fait d'un professionnel.
Remise en cause de cette faveur faite à la victime avec l'arrêt
Com. 28 juin 2005 ?
« Le manquement à une obligation précontractuelle d'information ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci ». A discuter

Caractères du dol :
a - Le dol doit être déterminant : art. 1116 il doit être évident que « sans ces manœuvres l'autre partie n'aurait pas contracté ».
D'où la distinction faite traditionnellement entre dol principal (la partie n'aurait pas contracté) qui conduirait à la nullité du contrat et dol incident (la partie aurait contracté mais à des conditions différentes) qui ne pourrait qu'engager la responsabilité du cocontractant.
Toutefois, la jurisprudence récente semble avoir abandonné cette distinction : Civ. 3ème, 22 juin 2005 : Société Simco a conclu une promesse de vente d'un immeuble de grande hauteur avec la société Saint-Pray. Cette première a cependant dissimulé à Saint-Pray la situation exacte de l'immeuble et le montant réel des charges de sécurité. La CA constate que si Saint-Pray avait eu ces informations, elle aurait certes acquis l'immeuble mais à un prix inférieur. La Cass. considère alors qu'il y a nullité de la vente pour dol (pas nécessaire de prouver un dol principal = la non conclusion du contrat par Saint-Pray si elle avait eu connaissance de l'info).

b - Le dol doit avoir provoqué l'erreur du cocontractant : toute erreur peut être prise en compte. L'erreur sur la valeur n'est pas un vice du consentement en elle-même mais lorsqu'il y a intention frauduleuse, elle peut être constitutive d'un dol.
Certains arrêts avaient pu laisser croire que l'erreur provoquée n'était pas une condition du dol : le dol intègrerait alors dans son champ d'application toute pression exercée sur le consentement ou toute malhonnêteté dans la phase de formation du contrat même si celle-ci n'avait pas conduit à une fausse représentation de la réalité. Condamné par la Cass. : Civ. 1ère, 10 juillet 1995 : la CA avait annulé, sur le fondement du dol, une reconnaissance de dette signée suite aux pressions exercées par un créancier sans que la victime n'en ait conçu une fausse représentation de la réalité. La Cass. reproche à la CA d'avoir retenu le dol « sans constater … des manœuvres destinées à provoquer une erreur de nature à vicier le consentement ».

c - L'erreur n'a pas à être excusable : Civ. 3ème, 21 février 2001 : Une SCI a vendu un immeuble à usage d'hôtel à M. Plessis. Puis, une autre société lui a vendu le fonds de commerce exploité dans cet immeuble. M. Plessis demande annulation de la vente pour dol au motif que l'exploitation ne possédait pas d'autorisation d'ouverture et n'était pas conforme aux règles de sécurité, ce que lui avaient caché la SCI et la société. La CA refuse l'annulation considérant que l'erreur est ici inexcusable, M. Plessis ayant l'obligation de se renseigner compte tenu du caractère professionnel de l'opération. La Cass. casse l'arrêt d'appel au motif « qu'une réticence dolosive rend toujours excusable l'erreur provoquée » + « la mauvaise foi de l'une des parties rend toujours l'erreur de l'autre excusable ».

d - Le dol doit émaner du cocontractant : aspect délictuel du dol qui reste ici présent.
Le dol du tiers ne donnera lieu qu'à des D&I sur fondement de 1382. Rq : selon la jurisprudence, la victime pourrait toutefois ici solliciter la nullité sur fondement de l'erreur (Civ. 1er, 3 juillet 1996). Mais, attention, dol du représentant ou dol d'un complice = nullité.
 
Sanction du dol : Nullité relative du contrat. La RCD du cocontractant peut également être engagée. Libre choix de la victime, elle peut décider d'agir sur les deux fondements à la fois ou l'un ou l'autre de ces fondements seulement. La seule obtention de D&I permet un certain rééquilibrage du contrat.

II - La violence
Art. 1111. Il s'agit d'une contrainte exercée sur le cocontractant pour le contraindre à donner son consentement au contrat.

1° types de violence : Violence physique ou morale (pressions psychologiques) ou économique (abus de puissance économique du cocontractant. Admise depuis peu par la Cass. : Civ. 1ère, 3 avril 2002 : La rédactrice d'un livre avait cédé ses droits d'auteur à son employeur. Elle est licenciée en 1997 et demande alors l'annulation de cette cession pour violence ayant vicié son consentement.
La CA accueille cette demande au motif que la rédactrice était au moment de la cession dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de son employeur, la société de ce dernier étant dans une phase difficile ou nombreux licenciements étaient projetés.
Cass. : « Seule l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, peut vicier de violence son consentement » Or en l'espèce, la CA n'a pas constaté que lors de la cession la rédactrice était elle-même menacée sur le plan du licenciement, ni que l'employeur avait exploité auprès d'elle cette circonstance pour la convaincre.
Difficulté pour obtenir annulation sur ce fondement car la Cass. exige de la victime qu'elle prouve le caractère illégitime de la situation de puissance économique.
 
Caractères de la violence :
  • contrairement au dol, l'auteur de la violence est indifférent.
  • La violence doit être illégitime : càd que l'acte constitutif de violence ne doit pas être autorisé par le droit positif (ex : exercice des voies de droit ou du droit de grêve). Ainsi, la situation objective de domination économique d'une partie sera le plus souvent dépourvue de caractère illégitime.
  • La violence doit être déterminante : la violence doit avoir altéré le consentement du cocontractant. Même si l'art. 1112 est ambiguë sur ce point, les juges se livrent ici à une appréciation in concreto : prise en compte de la condition physique et intellectuelle de la victime, son âge ou toute autre circonstance particulière.
  • Rq : violence peut entrainer la nullité alors même qu'elle n'a pas été exercée sur la partie directement mais sur « son époux ou épouse, sur ses descendants ou ses ascendants » Art. 1113.

jeudi 13 octobre 2011

Obligations - L'erreur

Art. 1109 : il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.


Art. 1110 : L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.
Elle n'est point une cause de nullité lorsqu'elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention.

Sanction de l’erreur : nullité relative du contrat.

Deux sources d’erreur sont proposées par le Code civil (erreur sur la substance et erreur sur la personne) mais la pratique en a révélé d’autres.


I – Types de l’erreur

1° Cas de l’erreur obstacle :
a) Origine : Création doctrinale
b) Contenu : erreur sur la nature du contrat (je pensais vendre un bien alors que mon cocontractant croyait signer un contrat de bail) et erreur sur l’identité de la chose objet du contrat (je pensais acheter un mas de Provence alors que le contrat porte un bateau). Erreur également sur la devise (confusion entre francs et euros = Orléans, 13 mai 2004).
c) Conséquences : selon PLANIOL, « ce n’est pas un contrat, c’est un malentendu ». L’erreur est telle qu’il ne peut y avoir accord de volontés. Certains auteurs ont invoqué la théorie de l’inexistence (une telle erreur dépasse la notion de vice du consentement).

2° Erreur sur la substance :

a) Contenu : « l’erreur sur la substance même de la chose ». Porte à la fois sur la matière même de la chose (j’achète un bijou en diamant alors que ce n’est que de l’oxyde de zirconium) et sur la qualité substantielle de la chose, c’est-à-dire l’authenticité (je pensais céder la copie d’un tableau alors qu’il s’agit de l’original Cass. civ. 1ère, 22 février 1978, sur l’œuvre de Nicolas Poussin), l’origine et l’utilisation (je pensais acheter un terrain constructible alors qu’il ne l’est pas).
b) Tempérament : L’aléa chasse l’erreur ! l’erreur ne peut être obtenue si le doute sur l’authenticité est entré dans le champ contractuel (je vends un tableau attribué à …) Cass. civ.1ère, 24 mars 1984.
c) Cas de l’erreur sur la valeur : en principe, l’erreur sur la valeur est exclue. Les arguments de cette exclusion sont nombreux : incitation à la vigilance de chaque contractant, inspiration libérale de notre droit des contrats, perception différente de la valeur (et c’est finalement cela qui créé la richesse), risque d’encourager un contentieux nourri. Action alternative : lésion. Mais en pratique, l’erreur sur la valeur sera souvent la conséquence d’une erreur sur la substance de la chose.


3° L’erreur sur la personne :

a) Principe : l’erreur sur la personne n’est pas une cause de nullité
b) Exception : elle peut l’être toutefois quand la considération de cette personne est la cause principale de la convention. Importance de l’intuitu personae
c) Illustrations : cautionnement, contrat de travail, droit des affaires (erreur de fournisseur)…


4° L’erreur de droit :

a) Traditionnellement admise par la jurisprudence = l’erreur est admise lorsque le consentement de l’une des parties a été donnée par l’idée fausse que cette partie avait de la nature des droits dont elle croyait se dépouiller ou acquérir par l’effet du contrat (Civ. 17 novembre 1930).
b) Illustrations : existence d’un droit de préemption (Civ. 3ème, 20 octobre 2010). Refus de prendre en considération l’erreur de droit consécutive à une diversité de jurisprudence et à une controverse établie (Soc. 24 octobre 1946).


II – Caractères de l’erreur

Double caractère : pour être retenue, l’erreur doit être déterminante (1) et excusable (2).

1° Erreur déterminante :

a) L’erreur doit être déterminante (condition souvent confondue avec la preuve du caractère substantiel de la qualité défaillante). Condition implicitement posée par la lettre du Code civil : « si le consentement n’a été donné que par erreur… ».
b) Appréciation in concreto (personnalité et âge de la victime, compétences particulières…) [s’oppose à l’appréciation in abstracto : ce qui est objectivement recherché par le contractant type] par le juge au jour où le consentement est donné mais les parties peuvent utiliser, pour apporter cette preuve, des éléments postérieurs à la conclusion du contrat (cf. affaire Poussin, les victimes ont prouvé leur erreur par la production d’avis d’experts postérieure à la vente).


2° Erreur excusable :

a) Principe : De non vigilantibus non curat praetor (le juge ne protège pas ceux qui ne s’occupent pas de leurs affaires). L’erreur n’entraîne pas l’annulation du contrat lorsqu’elle est inexcusable. Tel sera le cas quand il était facile à un employeur de se renseigner sur la situation de la personne qu’il emploie (Cass. Soc., 3 juillet 1990), à un acheteur amateur d’art qui ne pourra arguer avoir confondu « signé Courbet » et « attribué à Courbet » (Cass. Civ. 1ère, 16 décembre 1964).
b) Exception : en principe, le caractère inexcusable de l’erreur de droit est indifférent (Cass. Civ. 3ème, 20 octobre 2010. Arrêt abondamment commenté)

mercredi 12 octobre 2011

Cass. Civ. 3ème, 20 octobre 2010. Indifférence du caractère inexcusable de l'erreur de droit



Sur le moyen unique :


Vu l'article 1109 du code civil ;

Attendu qu'il n'y a pas de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 février 2009), que les société Pitch promotion et Coffim ont acquis, le 25 octobre 2003, l'intégralité d'un immeuble, qu'à l'occasion de la mise en vente des appartements sis dans cet immeuble, elles ont signifié à Mme X..., locataire d'un lot, et à Mme Y..., occupante en vertu d'une clause du bail, un offre de vente sur le fondement de l'article 10-I de la loi du 31 décembre 1975 ;

Attendu que pour dire parfaite la vente au profit de Mme Y..., l'arrêt retient que la société Compagnie foncière et financière Morizet-Coffim propriétaire de l'immeuble, avait commis une erreur inexcusable en sa qualité de professionnel de l'immobilier en se méprenant sur l'existence d'un droit de préemption au profit du tiers occupant les lieux ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le caractère inexcusable de l'erreur de droit à l'origine de la notification du droit de préemption est sans incidence sur la validité de l'offre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Compagnie foncière et financière Morizet, la société civile immobilière 106 rue Cardinet et par Mme Y... ;


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie foncière et financière Morizet et la SCI 106 rue Cardinet à Paris

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité de la vente formée entre la SCI 106 rue Cardinet et la Sté COFFIM, d'avoir constaté la vente intervenue entre la COFFIM et Madame Y..., d'avoir condamné la Sté COFFIM in solidum avec la SCI 106 rue Cardinet à restituer les loyers versés depuis décembre 2006 jusqu'à l'arrêt et de l'avoir condamnée à verser à Madame Y... la somme de 2000 € à titre de dommages intérêts,

AUX MOTIFS QUE l'erreur n'est cause de nullité que dans la mesure où elle est excusable ; que la Sté COFFIM, propriétaire du bien litigieux antérieurement à l'offre des 22 et 23 août 2006, disposait du bail du 15 mars 1996, consenti à Madame X..., en application de la loi du 6 juillet 1989 et qui précisait que les lieux seraient occupés par Madame Y... ; qu'exerçant, selon les mentions de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, l'activité de promotion immobilière, de gestion des sociétés immobilières, d'acquisitions immobilières, cette société a commis une erreur inexcusable en sa qualité de professionnel de l'immobilier en se méprenant sur l'existence d'un droit de préemption au profit du tiers occupant les lieux ; qu'en conséquence, l'offre n'est pas nulle et qu'ayant été acceptée, la vente au profit de Madame Y... est parfaite, le jugement est confirmé de ce chef ; qu'il y a lieu de condamner la SCI 106 rue Cardinet in solidum avec la Sté COFFIM qui est à l'origine de la situation litigieuse à restituer à Madame Y... les loyers versés par elle depuis décembre 2006 jusqu'à la date du présent arrêt ; que Madame Y... justifie avoir dû cesser son travail pendant dix jours en raison d'un état dépressif lié à des problèmes locatifs ; que le préjudice moral subi sera réparé par la somme de 2000 € à titre de dommages intérêts ;

1 ) ALORS QUE conformément à l'article 1131 du code civil, l'obligation sur une fausse cause ou une cause erronée est nulle et ne peut avoir d'effet ; qu'en l'espèce, la Sté COFFIM a, sur le fondement exprès de l'article 10 I de la loi du 31 décembre 1975, notifié une offre de vente, dans la croyance erronée de ce que le destinataire de l'offre était titulaire du droit de préemption ; que la cour d'appel, pour décider que l'acceptation de l'offre ainsi émise en considération d'une cause erronée avait formé la vente et que celle-ci était valable, s'est déterminée en considération du caractère inexcusable de l'erreur du bailleur, caractère sans effet quant à la nullité de l'offre résultant de la fausse cause à l'origine de sa notification ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé par refus d'application la disposition susvisée et par fausse application l'article 1109 du code civil ;

2 ) ALORS QUE à titre subsidiaire, conformément aux dispositions de l'article 10 I de la loi du 31 décembre 1975, dans le cas où, par erreur, le bailleur notifie une offre de vente à un tiers dépourvu du droit de préemption, l'acceptation de l'offre par ce destinataire de l'offre ne peut ni couvrir la nullité de celle-ci ni conférer en conséquence à la vente un caractère parfait, faute pour le destinataire de l'offre d'avoir qualité pour l'accepter ; qu'en retenant que la Sté COFFIM, bailleur / vendeur, avait commis, en raison de sa compétence professionnelle, une erreur inexcusable, exclusive de la nullité de l'offre de vente, en se méprenant sur l'existence du droit de préemption du tiers occupant les lieux, la cour d'appel qui n'a pas recherché si l'acceptation de l'offre par une personne ne jouissant pas du droit de préemption était de nature à former la vente mais qui a néanmoins déclaré la vente parfaite a, en statuant ainsi, privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ensemble les articles 1101 et 1109 du code civil.

mardi 4 octobre 2011

Société de consommation => quid des familles ?

Une récente campagne de publicité lancée par ERAM fait état du lien très net existant entre une société de consommation sans limite (menant à la société du divertissement selon l'expression chère à Guy DEBORS) et la destruction de la famille unie... La marque de chaussures, de façon provocante (mais talentueuse), surfe sur cette vague. La publicité n'a plus aucune limite mais ne fait-elle pas finalement qu'entériner un état de (dé)fait(e).On ne mesure peut-être pas suffisamment à quel point cette société du tout-marchand est nuisible pour nos sociétés occidentales. Chacun appréciera.