dimanche 19 février 2012

Séance 12 droit des obligations – La résolution



Définition de la résolution : anéantissement rétroactif d'un acte (en principe contrat synallagmatique) lorsque l'obligation du cocontractant ne peut être exécutée, soit du fait d'une faute de celui-ci, soit par l'effet d'une cause étrangère.

 Distinction de la résolution de :
  • l'inexistence : défaut d'existence d'un acte résultant de l'absence d'un élément constitutif essentiel à sa formation (absence de prix dans un contrat de vente)
  • la nullité : sanction encourue par un acte entaché d'un vice de forme ou d'une irrégularité de fond qui consiste en l'anéantissement rétroactif (inobservation d'une formalité requise).
  • la caducité : acte valablement formé auquel fait défaut, pour sa pleine efficacité, une formalité initialement prévue (legs caduc du fait que le bénéficiaire décède avant le testateur).
  • la résiliation : résolution non rétroactive (dans le cas d'un contrat successif excluant la rétroactivité) ou révocation de l'acte sans rétroactivité à l'initiative d'une ou des deux parties (résiliation unilatérale ou conventionnelle d'un contrat de travail)
  • l'inopposabilité : inefficience d'un acte à l'égard d'un tiers en raison du défaut d'une des conditions de sa pleine efficacité (formalité de publicité non effectuée).
     
La résolution est prévue aux articles 1183 et 1184 du Code civil.Elle peut être de trois ordres : judiciaire (1°), contractuelle (2°), unilatérale (3°)

 
1° La résolution judiciaire (art. 1184 al. 3)
  • Définition : action en justice par le créancier pour demander la résolution du contrat
  • Domaine de la résolution judiciaire : en principe contrat synallagmatique (sauf contrat d'assurance, rente viagère et cession d'office ministériel => exclusion de la résolution pour ces contrats synallagmatiques qui peut s'expliquer par les inconvénients de la rétroactivité dans ce type de contrat). Donc exclusion des contrats unilatéraux (sauf pour le contrat de prêt à intérêt, encore que celui-ci, lorsqu'il intervient entre un professionnel et un particulier, est qualifié de consensuel par la jurisprudence : Civ. 1ère, 27 mai 2000).
  • Conditions de la résolution judiciaire : l'article 1184 prévoit que la résolution peut être sollicitée « pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement ». Précisions jurisprudentielles : (1) il doit s'agir d'un manquement grave (soit inexécution d'une obligation essentielle, soit que par le fait de ce manquement, la pérennité du contrat est menacée). (2) la force majeure n'a aucune incidence (Civ. 14 avril 1891).
  • Exercice de l'action : par le créancier,
  • Pouvoirs du juge : appréciation souveraine des juges quant aux conditions de la résolution, possibilité d'accorder un délai de grâce (1184 al 3), ou D/I, ou résolution (sans exécution forcée), ou résolution + D/I.
  • Effets de la résolution judiciaire : principe de l'effet rétroactif (art 1183), sauf pour contrats à exécution successive (pour lesquels la résolution s'apparente à une résiliation du contrat au jour où les parties ont cessé d'exécuter leurs obligations (Civ. 1ère, 30 avril 2003).
2° La résolution contractuelle (par l'effet d'une clause résolutoire)
  • Création jurisprudentielle du 19ème siècle. Le Code civil ne la prévoit pas.
  • Définition de la clause résolutoire : clause qui permet la résolution de plein droit d'un contrat en raison de l'inexécution fautive de celui-ci par l'une des parties.
  • Licéité de cette clause sauf dans certains domaines particuliers. La jurisprudence reste cependant attentive puisque la clause doit être suffisamment précise dans ses conditions et modalités d'application. Si tel n'est pas le cas, la jurisprudence considère qu'il s'agit d'un simple rappel à la résolution judiciaire
  • Coexistence clause résolutoire et résolution judiciaire : sauf renonciation, il est toujours possible pour le créancier d'agir sur le fondement de l'art. 1184 al 4, même en présence d'une clause résolutoire (liberté de choix du créancier). Avantages : moyen plus sûr d'obtenir la résolution + possible octroi de D/I.
  • Pouvoirs du juge : pouvoir d'appréciation de la clause, appréciation de la bonne ou mauvaise foi du créancier, indifférence de la bonne foi du débiteur. Pas de délais de grâce possibles (Civ. 3ème, 4 juin 1986).
3° La résolution unilatérale (par l'effet de la faculté exceptionnelle de la résolution unilatérale)
  • Certains textes spéciaux reconnaissent cette faculté au créancier (licenciement d'un salarié pour faute grave rendant impossible son maintien sur le lieu de travail, art. L 1243-1 Code du travail) + admission exceptionnelle par la jurisprudence.
  • Conditions : cas où le débiteur fait preuve d'une c arence exceptionnelle (médecin anesthésiste qui refuse d'accomplir ses obligations, Civ. 1ère, 20 février 2001).
  • En cas de résolution infondée, le juge a la possibilité d'octroyer des D/I au débiteur.

 
Eléments de commentaire – Civ. 3ème, 4 mars 2009

 
Faits :
Commandement de payer.
Demande de résiliation du bail commercial (demande principale). Demande reconventionnelle : acquisition de la clause résolutoire du bail
CA : constat de la résolution contractuelle du bail (violation des clauses et des conditions du bail établie)
Cour de cassation : reproche à la Cour d'appel de ne pas avoir recherché comme cela lui avait été demandé par le débiteur si la clause avait été exécutée de bonne foi ou non. Cassation sur le fondement de 1134.

  
Proposition de plan détaillé :

 
I - Efficacité des clauses résolutoires

1 – le principe d'admission des clauses résolutoires

Pratique courante dans la plupart des contrats commerciaux (clause de style). Résolution contractuelle (celle issue de la stipulation d'une clause résolutoire) pas prévue dans le Code civil mais admise par la jurisprudence.
Coexistence entre résolution judiciaire et résolution contractuelle. Eviter le coût et les lenteurs de la résolution judiciaire.

En principe la stipulation d'une clause résolutoire exclut la possibilité de faire intervenir le juge. Caractère automatique de la clause qui vient sanctionner l'inexécution d'une des obligations (inexécution => résolution sans solliciter l'intervention du juge).Les contractants peuvent ainsi faire apparaitre dans leur contrat leur volonté de ne pas recourir au juge (renonciation à la résolution judiciaire), ou bien que l'appréciation de l'inexécution puisse incomber au juge…

Conditions que doit revêtir la clause : suffisamment claire et explicite dans son principe.
Si sa licéité est acquise : en principe automaticité de la clause résolutoire. Le juge n'a qu'à constater que la résolution a eu lieu.
Mais en pratique, de nombreux litiges s'élèvent alors : les parties redonnent la main au juge comme en l'espèce.

  
2 – l'obligation de résoudre de bonne foi

 Sur ce fondement : sanction ici de la Cour d'appelSource : art 1134 al 3 = les conventions doivent être exécutées de bonne foi
Clause résolutoire et bonne foi = sanction de l'usage déloyal d'une clause contractuelle, et plus spécifiquement ici du droit de résoudre.
La mauvaise foi du créancier fait échec à l'invocation de la clause résolutoire prévue au contrat. Sorte de fin de non-recevoir.
Arrêt qui s'inscrit dans la tradition jurisprudentielle (relever les différentes décisions…).

Mauvaise foi en principe retenue par le juge : cas où le débiteur en a été empêché par le créancier. Contradiction dans l'attitude du créancier => accorde des délais mais finalement sollicite la résolution.
Cette condition de bonne foi révèle un interventionnisme croissant du juge

II – Reconnaissance d'un pouvoir modérateur du juge

1 – Un pouvoir d'appropriation du contrat par l'interprétation de la clause résolutoire

Arrêt rendu sous le visa de l'art. 1134 = discussion placée sur le fait de savoir lequel des alinéas doit primer entre l'al. 1er et le 3ème. Question de hiérarchie des textes
Courant solidariste : al 3
Courant volontariste : al 1

Un moyen pour le juge de recouvrer son pouvoir. Technique de réapproprier le contrat, de s'immiscer dans la relation contractuelle : Office du juge devant une clause résolutoire : pouvoir d'appréciation de la clause résolutoire + examen de l'attitude du créancier => bonne ou mauvaise foi.
Ces deux possibilités sont une façon pour le juge de reprendre la main dans un domaine où il est a priori invité à rendre sa décision en fonction des engagements pris entre les cocontractants.

 
  
2 – Un pouvoir toutefois modéré dans l'interprétation de la clause résolutoire

Intervention du juge n'est pas sans poser qq difficultés. Sur la caractère automatique de la clause + idée même que la stipulation d'une clause résolutoire dans un contraire vise à éloigner le juge du contrat…

Interventionnisme judiciaire en matière de clause résolutoire =>Risque d'excès ?
La jurisprudence semble en réalité assez mesurée. Ainsi, elle exclut par exemple le rôle exonératoire de la bonne foi du débiteur. Indifférence en effet de l'attitude du débiteur (Civ. 3ème, 5 mai 2009). Idée de ne pas dénaturer le sens de la résolution et de rester un tant soit peu à distance du contrat…

 
Autre illustration : pas de délai de grâce possible lorsque le juge est saisi en interprétation d'une clause résolutoire (Civ. 3ème, 4 juin 1986).

 

TRAVAIL A FAIRE POUR LA SEANCE 13 : Commentaire entièrement rédigé de Civ. 1ère, 6 décembre 2007 + lecture de l'article de doctrine suivant : Ph. REMY, « La responsabilité contractuelle, histoire d'un « faux concept » », RTD civ. 1997. 323 (Revue consultable directement en bibliothèque ou par la Bibliothèque numérique/ Dalloz).

Séance 3 droit des biens – le droit de propriété

Base juridique : Art 544 = « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements » + Art. 555.
1° Le droit à l'image d'un bien constitue-t-il un élément de la propriété (« disposer des choses de la manière la plus absolue) ?
Résumé du mouvement jurisprudentiel : 
  • Position 1 – l'image d'un bien, élément du droit propriété : l'exploitation de l'image d'un bien, sans l'autorisation préalable du propriétaire, porte atteinte au droit de propriété (Civ. 1ère, 10 mars 1999).
  • 2ème position – l'image d'un bien n'est pas un élément du droit de propriété : la Cour estime le motif de la Cour d'appel « erroné et surabondant selon lequel le droit à l'image du bien serait un attribut du droit de propriété » (Civ. 2ème, 5 juin 2003).
  • 3ème position (confirmation) – l'image d'un bien n'est pas un élément du droit
    de propriété mais son utilisation ne doit pas causer de trouble à son propriétaire (idée de protéger la vie privée) : le propriétaire d'une chose ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci. Il ne peut s'opposer à l'utilisation de cette image que si cela lui cause un trouble anormal (Plén., 7 mai 2004 puis confirmation Civ. 1ère, 5 juillet 2005). Solution à retenir en cas de litige.

2° L'abus du droit de propriété : 
  • Admission jurisprudentielle de la théorie de l'abus de propriété (Req. 3 août 1915). Il y abus de propriété chaque fois qu'un propriétaire use de son droit dans le but de nuire à autrui. Dans l'arrêt Clément Bayard, le propriétaire avait érigé sur son terrain des carcasses en bois de 16 m de hauteur surmontées de tiges de fer pointues dans le but de perturber l'atterrissage des dirigeables de son voisin (!). La Cour relève que le dispositif ne présentait aucune utilité et avait pour unique but de nuire à son voisin.
  • D'autres arrêts (assez cocasses en général) soulignent « l'exercice purement malicieux, partant abusif, du droit de propriété » (Civ. 1ère, 20 janvier 1964) ou encore « des actes qui ne se justifient par aucune utilité appréciable en vue de satisfaire un intérêt sérieux, qui ont été inspirés par une attention malveillante » (Civ. 3ème, 30 octobre 1972). 
     
Les troubles anormaux de voisinage

Théorie également créée par la jurisprudence (qui devrait prochainement être inscrite dans la loi puisqu'elle figure dans l'avant-projet de droit des biens. Cf. art. 1361 de l'avant-projet).
  • Nature du trouble. Indifférence. Il peut s'agir de nuisances sonores (bruit des animaux, des voisins un peu trop fêtards), olfactives (odeurs nauséabondes), visuelles (une gêne esthétique)… De larges possibilités (qui correspondent en fait au degré d'imagination du voisinage…).
  • Caractère anormal du trouble. Toute la difficulté consiste à apprécier le seuil des inconvénients normaux du voisinage. Le chant matinal du coq en zone rural sera considéré comme normal ; en zone urbaine, il ne le sera certainement pas. L'évaluation du trouble anormal du trouble incombe au juge du fond (Civ. 3ème, 3 novembre 1977).
  • Origine du trouble : le voisinage
  • Modalités de la réparation d'un trouble anormal de voisinage : cessation du trouble, réalisation de travaux, indemnisation de la victime. 
     
4° La question du droit au logement face au droit de propriété
 
La question du droit au logement (par le « mal logement »), entre parfois en conflit avec celle du droit de propriété.

Sur le terrain social d'abord : le froid actuel et ses dégâts humains donnent encore plus de sens à cette opposition. Le chiffre des personnes sans domicile fixe, et parmi elles, celui des personnes salariées « sans toit » n'honorent certainement pas la grande nation qui est la nôtre ! Et chaque année, on découvre que durant une certaine saison, il fait froid, et qu'il ne fait pas bon dormir dehors… (notons que la problématique est sensiblement la même en été : chaque année, on découvre qu'à une certaine saison il fait chaud, même très chaud…). Et à chaque fois, à grand renfort médiatique, les associations et les politiques (!) s'indignent ; décidément, les années se suivent et se ressemblent (en écho à un certain Hiver 1954, où l'Abbé Pierre lançait son fameux appel !).

Sur le terrain du droit maintenant : conflit entre deux droits fondamentaux = le droit de propriété d'une part, le droit à disposer d'un logement décent (objectif à valeur constitutionnelle). Certains requérants ont tenté de résoudre le problème du mal-logement en attaquant de front le droit de propriété.
  • Civ. 3ème, 20 janvier 2010 : il ne peut être porté atteinte à la propriété par une occupation sans droit ni titre même celle-ci se fait sans violence, sans dégradation et sans entraves pour les autres résidents. Le droit à disposer d'un logement décent ne peut donc a priori pas justifier une violation du droit de propriété. Principe d'inviolabilité du droit de propriété en dehors de l'exception prévue à l'article 545 du Code civil, cad cause d'utilité publique).
  • QPC, 30 septembre 2011. Conformité de l'article 544 à la Constitution. Le droit pour toute personne de disposer d'un logement décent ne peut remettre en cause le droit de propriété au point d'en dénaturer le sens. Une manière d'affirmer la primauté de ce droit.


 
Eléments de correction du cas pratique n° 1 :

 
1° l'action de la société HLM contre Richard et Rebecca :

Selon l'article 544 du Code civil, la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la façon la plus absolue. Le droit de propriété est un droit à valeur constitutionnelle (art. 17 DDHC + DC, 16 janvier 1982) et conventionnelle (article 1er Protocole additionnel de la Conv. EDH).
L'article 545 du Code civil affirme en outre son caractère inviolable.

 En l'espèce, le droit de propriété est mis à l'épreuve par le droit à un logement décent, donc la jurisprudence constitutionnelle en a fait un objectif à valeur constitutionnelle (DC, 19 janvier 1995). La question de savoir quel droit prime sur l'autre.
La réponse nous est donnée par la jurisprudence dans Civ. 1ère, 20 janvier 2010. Dans cette décision, les juges affirment la primauté du droit de propriété sur le droit au logement. Il ne peut en effet être porté atteinte à la propriété par une occupation sans droit ni titre même celle-ci se fait sans violence, sans dégradation et sans entraves pour les autres résidents.
Le Conseil constitutionnel a par ailleurs réaffirmé la conformité de l'art 544 au bloc de constitutionnalité et notamment au droit au logement (QPC 30 septembre 2011).
En l'espèce donc, la revendication de Richard et Rebecca au droit à un logement décent ne saurait suffire à priver la société HLM de son droit de propriété. Cette dernière pourra donc faire procéder à l'expulsion des protagonistes.

 
2° La cabane
Empiètement de la cabane sur le terrain du voisin.
Art. 544 et 545 : protection du droit de propriété. Caractère absolu et exclusif du droit de propriété. Protection contre les empiètements. En l'espèce, construction de la cabane sur une partie du terrain du voisin sans autorisation (ni titre, ni accord amiable).
Pour la jurisprudence, l'empiètement sur le terrain d'une personne constitue une atteinte à son droit de propriété (Civ. 1ère, 30 mars 2002).
+ Exclusion art. 555 (puisque ne s'applique seulement dans les cas l'empiètement se fait sur l'ensemble de la propriété de la victime)
Le silence gardé par la victime durant la réalisation des travaux ne vaut pas consentement à l'aliénation d'une partie de son terrain (Civ. 1ère, 1er juillet 1965).Abus de la part du voisin dans la défense de son droit de propriété (que la jurisprudence sanctionne) ? Non (Civ. 3ème, 7 juin 1990). Peu importe le niveau ou la mesure de l'empiètement.
Sanction encourue en cas d'empiètement : démolition de l'ouvrage (Civ. 3ème, 14 mars 1973), ou rétablissement de la construction dans ses limites (Civ. 3ème, 26 novembre 1975), mise en œuvre de la responsabilité (art. 1382).
En l'espèce, on peut penser qu'au vu du faible empiètement, le juge préconise le rétablissement de la construction dans ses limites et exclut la perspective d'une démolition (qui semble excessive).

 

3° Le pan de mur
Pan de mur qui ôte tout ensoleillement sur la majeure partie des pièces de l'habitation du voisin.
Art. 544 : droit de propriété. Usus, fructus, abusus, donc droit de modifier librement sa propriété.
Mais la jurisprudence sanctionne l'abus du droit de propriété + troubles anormaux de voisinage. 
  • L'abus de droit :
Il y a abus de droit chaque fois que le propriétaire use de son droit de propriété inutilement (1) et dans le but de nuire à autrui (2) (+ relever les différentes jurisprudences).
  1. On comprend mal la motivation de Richard et Rebecca d'édifier un pan de mur si ce n'est de se préserver des regards du voisinage. Cette faculté peut être admise à condition que cela ne nuise pas aux voisins.
  2. Difficile ici de déterminer si, en érigeant les murs les deux intéressés ont voulu nuire à leur voisin.
L'action a, en réalité, peu de chances d'aboutir sur le fondement de l'abus de droit.

 
  • Le trouble anormal de voisinage
Assez proche de l'abus de droit, cette théorie, également d'origine prétorienne, vise à sanctionner les nuisances qui excèdent les inconvénients normaux du voisinage.

Pour caractériser un trouble anormal du voisinage :
  1. Un trouble : la nature du trouble est indifférente. En l'espèce, trouble visuel, privation d'ensoleillement et de lumière.
  2. Caractère anormal du trouble : pouvoir d'appréciation du juge, mais on peut estime que le trouble subi par le voisin n'est pas « normal », et excède les inconvénients normaux liés aux relations de voisinage. Le caractère anormal du trouble semble ici caractériser. A discuter…
  3. Origine du trouble : voisinage. C'est le cas en l'espèce. Les deux propriétés sont voisines.
  4. Sanctions : cessation du trouble par destruction du mur + indemnisation (D/I)
Par conséquent, sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage, le propriétaire du terrain voisin pourra semble t-il obtenir satisfaction (A discuter).

jeudi 9 février 2012

Pour la séance 3 en droit des biens

- Cas pratique n° 1
- Lire attentivement la fiche

Séance 2 droit des biens - Le patrimoine


 Principal enjeu : protection du patrimoine personnel des entrepreneurs. Mettre en échec le principe de l'unicité du patrimoine (théorie classique du patrimoine d'Aubry et Rau), par la création d'instruments nouveaux en droit français (déclaration d'insaisissabilité, EIRL...)

 
Eléments de correction du cas pratique :
 
1° M. Dupont peut-il faire l'objet de deux procédures collectives ? Sur cette question, la jurisprudence considère que le principe d'unité du patrimoine s'y oppose (Com. 19 février 2002). En effet, même si le débiteur exerce deux activités distinctes, il ne peut faire l'objet de deux procédures collectives simultanées. Autrement dit, la procédure collective ouverte en premier lieu pour la chocolaterie devra être clôturée (et non seulement suspendue) pour que l'intéressé bénéficie d'une seconde procédure.

2° La déclaration d'insaisissabilité permet à un dirigeant de préserver sa résidence principale ou ses immeubles dont l'usage n'est pas d'ordre professionnel à l'égard de ses créanciers professionnels. Elle ne produit ses effets qu'à l'égard des créances nées postérieurement à la publication (art. L 526-1 C. com).
En l'espèce, la déclaration a fait l'objet d'une publication en août 2010. Toutes les créances nées postérieurement à cette date ne pourront donc être recouvrées sur le bien ainsi protégé.
  • Créances de juin 2010 : la déclaration ne produira aucun effet puisque que sa publication a été faite après cette date. La résidence de Saint-Priest ne sera donc pas protégée contre les créanciers de juin 2010.
  • Créances de novembre 2010 : bien protégé puisque créances nées après la publication de la déclaration.
  • Prêt personnel consenti par un ami : la déclaration ne produira aucun effet puisque celle-ci ne vise à préserver les biens du débiteur qu'à raison de ses dettes PROFESSIONNELLES. Les dettes personnelles devant être recouvrées sur tous les biens du débiteur (art. 2284). 
Par ailleurs, la loi ne protège les biens immobiliers que s'ils ne sont destinés à un usage professionnel. En l'espèce, le domaine agricole du débiteur ne rentre pas dans le champ d'application de l'art. 526-1 puisqu'il fait l'objet d'une exploitation dans un cadre professionnel.
A noter : mode de publicité de la déclaration = en dehors de l'Alsace Moselle, publication au Bureau des Hypothèques et non au livre foncier comme indiqué dans le cas pratique.

 
3° Sur la question de la vente du bien immobilier de Saint-Priest et l'achat de deux appartements à Lyon. Cf. Art. L 526-3. L'idée étant que si le débiteur achète un appartement dans l'année qui suit la vente du bien mentionné dans la déclaration, l'immeuble nouvellement acquis sera protégé. Quant au second appartement, n'étant pas visé dans la déclaration, il pourra faire l'objet d'un saisie (+ vente + désintéressement des créanciers avec le produit de cette vente). 

 
4° L'art. 526-9 du Code du commerce prévoit que l'affectation d'un bien immobilier est reçue par acte notarié à la conservation des hypothèques. La sanction du non respect de cette formalité est l'inopposabilité.
En l'espèce, la publication a été faite dans un journal local. Il semble donc que les formalités de publicité prévues à l'art. 526-9 du Code du commerce n'aient pas été respectées. L'affectation n'est donc pas opposable aux créanciers des époux Lacombe.
+ Possibilité d'évoquer l'absence d'accord exprès (comme cela a été évoqué par l'un d'entre vous en TD). En effet, l'art. L 526-6 al 2 du Code de commerce prévoit que l'entrepreneur doit justifier de l'accord exprès du conjoint ou de ses coindivisaires. Or en l'espèce, Madame ne semble pas s'être intéressée à l'affectation. Et même si elle dit faire confiance à son époux, on ne peut en déduire qu'elle a consenti à l'opération par un accord exprès. La validité de l'affectation est donc à ce titre remise en cause.

jeudi 2 février 2012

Séance 1 droit des biens – Classification des biens

Distinction fondamentale dans notre droit entre les personnes et les biens.
Les hommes sont une valeur infinie, principe de non patrimonialité du corps humain et ses éléments. Les biens, au contraire, appréciables et quantifiables en argent, se définissent par l'utilité qu'ils procurent à l'homme.

!! Risque de réification, soit la confusion entre la personne et les biens (gestation pour autrui, prostitution…) => conséquence avancée d'un libéralisme absolu
  • désacralisation => « tout se vaut » ;
  • Marchandisation => « tout se vend », tout devient marchandise.
Catégorie intermédiaire : l'animal. Chose particulière. C'est une chose et non une personne ; une chose protégée mais comme peuvent l'être par exemple certains édifices.
En droit des biens : l'animal est un bien meuble ou immeuble par destination.

 
Distinction meuble et immeuble (art. 516).

IMMEUBLES (immobilisation) : (1) par nature, (2) par destination, (3) par l'objet auquel ils s'appliquent (art. 517)
  • (1) Par nature : critère de fixité => le sol et ce qui y est fixé
  • (2) Par destination : critère de l'accessoire => biens étroitement liés à l'immeuble par nature dont ils en constituent l'accessoire
  • (3) Par l'objet : immeubles incorporels (art. 526) => certains incorporels et leurs actions.
MEUBLES (mobilisation) : (1) par nature, (2) par la détermination de la loi (art. 527). En principe, tout ce qui n'est pas immeuble est meuble => la catégorie des meubles est donc extensive, contrairement à celle des immeubles, circonscrite par les critères fixés le Code.
  • (1) par nature : choses mobiles, déplaçables par la main de l'homme => objets inanimés ou les animaux. Il est intéressant de constater que lorsque la chose comporte une certaine stabilité, son statut se rapproche de celui des immeubles (bateaux, aéronefs…).
  • (2) par détermination de la loi : meubles incorporels (art. 529)
NB : les catégories ne sont pas hermétiques = certains biens, dépendant d'un immeuble, peuvent devenir meubles lorsqu'ils se détachent du sol (produits et fruits procurés par un bien immobilier) => biens meubles par anticipation. Peuvent faire l'objet d'une commercialisation même lorsqu'ils sont encore immeubles (régime fiscal plus avantageux).

Au plan économique et politique : distinction un peu dépassée :
  • « bien noble » (immeuble) contre « bien vil » (meuble)
  • Les immeubles ne sont plus les seuls biens frugifères (cf. fortune mobilière)
  • Initialement, seules les immeubles étaient sources de richesses (conception aristocratique).
Intérêt de la distinction :
  • Compétence juridictionnelle : en principe immeuble = lieu de situation du bien et meuble = lieu du domicile du défendeur
  • Droits de mutation + publicité foncière sur les immeubles
  • Régime de possession = propriété pour les meubles
Rappel méthode du cas pratique. Trame :
1° Bref rappel des faits (qualification juridique)
2° Question de droit
2° Règle(s) de droit, principe tiré (exceptions éventuelles) + explication
4° Application de la règle de droit aux faits
5° Réponse à la question de droit

 
Eléments de correction cas pratique n°1 :
(1°) Nous sommes en présence d'un contrat de vente ayant pour objet la vente d'une maison, d'un jardin et des terres agricoles. Le contrat de vente emporte transfert de propriété entre le vendeur. M. Pierre est donc devenu propriétaire de l'ensemble des biens immobiliers prévus au contrat.
(2°) La question se pose ici de savoir si certains biens qui entretiennent un lien étroit avec les immeubles vendus sont inclus ou non dans la vente ; autrement dit, il s'agit de déterminer si par l'effet de la vente, M. Pierre est également devenu propriétaire des biens litigieux.
A défaut de stipulations contractuelles plus précises, il convient de s'en référer aux articles 516 et s. du Code civil.

1 - La fontaine en pierre.
Cette fontaine en pierre a été sculptée par l'acquéreur lui-même lors de son arrivée.
(3 et 4°) Le droit distingue les biens meubles des biens immeubles (516). Grossièrement, les biens meubles sont ceux qui peuvent être déplacés, alors que les immeubles concernent le sol et les choses qui y sont fixés. D'emblée, on peut donc exclure la qualification de bien meuble. En effet, la fontaine est indissociable du rocher, elle y est sculptée. De même que ne peut être envisagée la catégorie des biens immeubles par destination dans la mesure où la fontaine n'a jamais été un meuble (exclusion de 525 : effets mobiliers attachés à son fonds à perpétuelle demeure).
Il en découle que le bien litigieux est un immeuble par nature. En effet, un bien immeuble par nature peut être défini comme un bien fixe, ou un bien qui s'incorpore à un immeuble.
La jurisprudence a confirmé « que les améliorations apportées à un fonds de terre par les pratiques culturales qui ne peuvent être matériellement dissociées du fonds de terre (…) sont des immeubles par nature » (Com. 24 mars. 1981).
(5) La fontaine en question ne peut donc être récupérée par M. Jacques. Elle demeure la propriété de M. Pierre.

2 – Les dix ruches
Selon l'art. 527, les biens sont meubles par leur nature ou par la détermination de la loi. Par principe, un bien meuble peut être déplacé par la force de l'homme.
L'art. 528 précise que sont meubles par nature les animaux qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se meuvent pas eux-mêmes, soit qu'ils puissent changer de place que par l'effet d'une force étrangère. En l'espèce, une ruche peut évidemment être déplacée par la main de l'homme. Les biens en question peuvent donc être considérés comme des meubles par nature.

Néanmoins, un ensemble de biens peut former un tout, une universalité, soit comme une entité juridique complexe entendue dans sa globalité (meubles + immeubles). En l'espèce, M. Jacques a cédé un ensemble de biens meubles et des biens immeubles à M. Pierre. Il faut donc considérer le tout comme un fonds agricole.

A cet égard, un bien meuble peut être considéré comme un immeuble en raison de son lien avec un immeuble dont il constitue l'accessoire (immeuble par destination – art. 517).
Ainsi, l'article 524 contient une liste de biens, immeubles par destination, lorsqu'ils sont placés « pour le service et l'exploitation du fonds ». Le texte vise notamment « les ruches à miel ».
En l'espèce, il est question d'une dizaine de ruches, très certainement destinées à la production de miel au service du fonds. Il en découle que ces biens doivent être qualifiés de biens immeubles par destination et rattachées aux terres agricoles.
M. Jacques ne peut donc valablement en revendiquer la propriété.

3/4 – Les six tonneaux en chêne et les tracteurs
Sans qu'il soit nécessaire de reprendre le raisonnement développé pour la question des ruches, il convient d'apporter la même réponse quant au sort des six tonneaux en chêne et des tracteurs. Les premiers permettent d'élever le vin, les seconds de cultiver les terres. Il s'agit donc de biens immeubles par destination, dont la propriété échoit à M. Pierre.

5- Les statues posées à même le sol dans le jardin
Rappeler art. 528 : les corps qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre sont meubles par nature.
En l'espèce, les statues ne sont ni scellées, ni fixées. Elles peuvent donc être déplacées. Par ailleurs, elles ne sont nullement utiles à l'utilisation du fonds (écarter la qualification d'immeuble par nature). Par conséquent, il faut retenir la qualification de meuble par nature.
Ce qui signifie que M. Pierre pourra les récupérer.

6 – Statue de la vierge
Rappeler l'art. 525 (dernier alinéa). Contrairement aux statues posées à même le sol, la statue de la vierge est située dans une niche spécialement prévue à cet effet. Une statue scellée ou placée dans une niche aménagée pour la recevoir doit être qualifiée d'immeuble par destination (Civ. 3ème, 3 juillet 1968).
M. Pierre est donc propriétaire de cette statue.

7 – Huit grands vases
Huit grands vases sont posés dans le jardin sur des socles, de façon symétrique et formant une figure géométrique.
1ère étape du raisonnement : Art. 528 : les vases sont des biens meubles puisque déplaçables.
2nde étape : Mais un meuble qui s'inscrit dans un ensemble de biens et qui entretient un lien étroit avec un immeuble peut recevoir la qualification d'immeuble par destination.
S'interroger sur l'intention du vendeur. Art. 525 : A-t-il voulu attacher les objets au fonds à perpétuelle demeure ? Le fait qu'ils soient posés sur des socles et qu'ils forment une figure géométrique semblent l'indiquer. Cette question relèvera de l'appréciation des juges du fond (cf TGI Poitiers, 23 avril 1968 : dans le même cas de figure, le juge a estimé que l'ensemble formait un ensemble ornemental pour la décoration d'un parc et donc en a conclu qu'il s'agissait d'immeubles par destination).
A discuter.

Enfin la question des miroirs doit faire l'objet du même raisonnement que pour les huit grands vases.