samedi 17 novembre 2007

Une petit "oui" aux tests ADN et un grand "non" à la collecte de données ethniques par le Conseil constitutionnel


Le député UMP Thierry Mariani : "Sur l'ADN, il y a quelques mois on nous expliquait que c'était liberticide, fasciste, dangereux etc. Aujourd'hui, c'est validé par le Conseil constitutionnel donc je pense que tous ceux qui m'ont insulté pendant des semaines devraient un peu faire preuve d'humilité".

L'instigateur du fameux amendement (nauséabond) sur les tests ADN peut se réjouir dans ses déclarations à la presse, son texte a toutefois été sérieusement plombé après l'avoir été par les parlementaires (lors de son adoption, on l'a vu sur ce blog) par le Conseil Constitutionnel.
Ce dernier devait en effet se prononcer sur la constitutionnalité de l'art. 13 de la loi sur l'immigration portant sur les tests génétiques lors du regroupement familial et de l'art. 63 sur la collecte des données ethniques.

1) Sur les tests ADN

- d'abord le Conseil constitutionnel émet sur cette amendement une réserve d'interprétation. C'est-à-dire qu'en quelque sorte il réécrit une partie de loi pour qu'elle soit conforme à la Constitution. Sur la question du mode d'établissement de la filiation il précise effectivement la loi ne saurait avoir pour effet de modifier les règles en la matière. La loi applicable étant la loi personnelle de la mère (art. 311-14 Code Civil), il reviendra donc à cette loi de fixer les moyens de preuve d'établissement d'un lien de filiation.

(...) que les dispositions déférées n'ont pas pour objet et ne sauraient, sans violer l'article 1er de la Déclaration de 1789, avoir pour effet d'instituer, à l'égard des enfants demandeurs de visa, des règles particulières de filiation qui pourraient conduire à ne pas reconnaître un lien de filiation légalement établi au sens de la loi qui leur est applicable ; que, dès lors, la preuve de la filiation au moyen de « la possession d'état telle que définie à l'article 311-1 du code civil » ne pourra être accueillie que si, en vertu de la loi applicable, un mode de preuve comparable est admis ; qu'en outre, ces dispositions ne pourront priver l'étranger de la possibilité de justifier du lien de filiation selon d'autres modes de preuve admis en vertu de la loi applicable" .

- ensuite, le Conseil valide l'amendement mais sans omettre de rappeler les différents garde-fous prévus par les parlementaires :

* caractère expérimental de la mesure (18 mois) ;

* liste des Etats pour lesquels les tests s'appliqueront établie par décret ;

* les tests doivent être préalablement autorisés par le TGI de Nantes (lieu des services du ministère en matière de délivrance de visa);

* caractère subsidiaire des tests : sur demande de l'intéressé + si preuve de la filiation ne peut pas être établie en vertu de la loi applicable + doute sérieux sur l'authenticité de l'acte.


2) Sur la collecte de données à caractère ethnique

Le juge constitutionnel s'appuie sur deux moyens pour invalider cette disposition.

29. Considérant que, si les traitements nécessaires à la conduite d'études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration peuvent porter sur des données objectives, ils ne sauraient, sans méconnaître le principe énoncé par l'article 1er de la Constitution, reposer sur l'origine ethnique ou la race ; qu'en tout état de cause, l'amendement dont est issu l'article 63 de la loi déférée était dépourvu de tout lien avec les dispositions qui figuraient dans le projet dont celle-ci est issue ; que, l'article 63 ayant été adopté au terme d'une procédure irrégulière, il convient de le déclarer contraire à la Constitution

- 1er moyen : il y a contradiction entre la collecte de données à caractère ethnique et l'art. 1er de la Constitution. Les études ethniques ne peuvent en effet porter sur des considérations d'origine ou de race. Quid de la religion ?

- 2ème moyen : l'art. 63 est un cavalier législatif (ie sans lien direct avec l'objet même de la loi) il est donc inconstitutionnel. Ces statistiques portant aussi bien sur des étrangers que sur des Français, cette disposition n' a par conséquent pas sa place dans la loi sur l'immigration.

jeudi 15 novembre 2007

Les sages se sont prononcés !

Je vous livre simplement le communiqué ("express") de l'AFP avec un lien sur le site du Conseil constitutionnel pour lire la décision intégrale. Je publierai bientôt un commentaire sur ce blog. Bonne lecture !

Les Sages ont validé "sous certaines réserves" le recours aux tests ADN pour des candidats au regroupement familial prévu dans la loi Hortefeux sur l'immigration, mais ont censuré l'autorisation de statistiques ethniques, a-t-on appris, jeudi 15 novembre, auprès du Conseil constitutionnel. (AFP) -15h16 - 15 novembre 2007

http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2007/2007557/2007557dc.htm


Les "sages" vont se prononcer

On attend la décision des 9+1+1 (9 membres désignés + 2 membres de droit que sont VGE et J.Chirac) sages du Conseil constitutionnel dans la journée. Les 11 "juges" ont commencé l'examen de loi sur l'immigration ce matin. Saisi par une opposition composée d'au moins 60 députés et/ou sénateurs (PS + Modem), le Conseil constitutionnel va vérifier la conformité du texte controversé (notamment en raison de la fameuse disposition relative au test ADN commentée sur ce blog notamment...) au bloc de constitutionnalité. Deux principaux griefs devraient tout particulièrement retenir l'attention du Conseil :
1. l'art. 63 de la loi qui autorise les statistiques ethniques
2. l'art. 13 de cette même loi qui introduit le teste des empreintes génétiques dans le droit des étrangers.

Evidemment, si censure de ces dispositions il doit y avoir, elle ne sera que d'ordre juridique. Les présences de JL Debré (comme Président du Conseil) et de J Chirac, pas spécialement "proches" du Chef de l'Etat ne devraient en principe pas être de nature à fausser leur décision. Le Conseil constitutionnel, malgré le mode de désignation de ses membres et le privilège accordé aux anciens Présidents de la République, a toujours été au-dessus de tout soupçon en raison de la qualité juridique de ces décisions.

Toutefois cette situation n'est pas digne d'une véritable démocratie. Sur ce plan, la Commission Balladur souhaite que les futurs anciens Chefs de l'Etat ne deviennent plus membres de droit.
Par ailleurs, le nombres de juges (et leur mode de nomination) siégeant au Conseil devra à mon sens évoluer si l'on veut adopter un contrôle de constitutionnalité a posteriori ouvert à chaque justiciable par voie préjudicielle. En effet devant l'inéluctable croissance du contentieux, la physionomie actuelle du Conseil deviendrait très vite intenable, parce que engorgé.